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07/10/2015

Apocopes et aphérèses

Il n'y a pas que l'anglais qui abrège et fait court ; le français aussi aime couper les mots pour aller vite. Et il coupe la fin de façon privilégiée (rien à voir avec la Veuve de 1793 ni avec les sachets protéinés !) : c'est l'apocope, c'est-à-dire la suppression des dernières syllabes des mots.

Bernard Pivot en cite de nombreux exemples dans son livre "Les mots de ma vie" (Albin Michel, 2011) : prof, instit, interro, labo, gym, ordi, prépas, Sciences Po, petit-déj (voire p'tit déj), ciné, télé, etc.

C'est cohérent avec le fait qu'en français, le déterminé précède le déterminant (on ne pourrait pas procéder de cette manière en allemand, où c'est l'inverse).

B. Pivot y voit parfois une irrévérence envers des substantifs "bien installés" : cathos au lieu de catholiques, socialos au lieu de socialistes, écolos au lieu d'écologistes, etc.

Il s'amuse aussi que même des noms propres soient l'objet de telles dissections : tout le monde a en tête Ségo et Sarko. Moi, j'aime particulièrement Jean d'O. Il y a aussi Libé, L'Obs, Saint-Trop...

 

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Normalement, on devrait placer un point (".") après le début du mot, pour remplacer les syllabes manquantes. Mais tant qu'à aller vite...

Le contraire de l'apocope, c'est l'aphérèse. Elle est plus rare : bus au lieu d'autobus, Ricains au lieu d'Américains.

 

 

29/09/2015

Halte aux attaques sournoises contre le français

Mon billet est motivé par la parution, dans le "Valeurs actuelles" du 27 août 2015, d'un dossier intitulé "Halte au massacre du français".

Vous constaterez que je n'ai pas repris son titre car je le considère comme inutilement "guerrier" ; d'ailleurs, il ne s'agit pas, selon moi, d'une attaque généralisée, consciente, meurtrière, contre notre langue ; pas de complot dans cette affaire ! Mais, comme je l'ai dit de nombreuses fois déjà, de la conjonction du snobisme, de la paresse, de l'autodénigrement, de la soumission à un modèle autre, qui conduit à abandonner le français à son sort et à le laisser s'appauvrir partout (à l'école, dans les médias et… dans nos conversations et dans nos textos).

Au demeurant, par rapport à ce qui a déjà été écrit dans ce blogue et que mes lecteurs connaissent bien, peu de choses nouvelles dans le dossier de "Valeurs actuelles".

Il confirme que, en plus du niveau calamiteux des élèves en grammaire et orthographe, il faut maintenant déplorer les faiblesses de nombre de leurs enseignants dans les mêmes disciplines (Source : correction des copies des candidats à la session 2014 du concours des professeurs des écoles, commentaires des jurys de Lille et de Grenoble). Ceci explique cela : si l'instituteur fait des fautes de français, y compris à l'écrit en corrigeant les copies, comment espérer que ses élèves soient irréprochables ?

 

Instituteur.jpg

 

Concernant les élèves, une enquête de l'Éducation nationale sur l'évolution des acquis en début de CE2 entre 1999 et 2013 conclut qu'il y a "plus de mauvais élèves et moins de bons"… Et la même dictée (d'une dizaine de lignes) proposée à vingt ans de distance occasionne plus de quinze fautes pour 46 % des élèves en 2007 (au lieu de 26 % en 1987) ! Une autre étude dénonce la prolifération des fautes d'accord et de conjugaison, qui prouve que les élèves ne maîtrisent pas la logique de la langue française, même quand c'est leur langue maternelle. Mis en cause unanimement : les "pédagogistes" qui, en particulier au Ministère, s'opposent à toute réforme visant à rétablir un enseignement efficace. La formation des enseignants est en question.

Gag supplémentaire, des extraits d'un discours de la Ministre qui comportent des fautes (accord de l'adjectif, accord de "tout", dont j'ai souvent parlé dans ce blogue. J'en profite pour inviter la délicieuse Najat à un cours de rattrapage).

Un encart s'insurge de la boulimie et de la complaisance des dictionnaires qui, chaque année, engrangent et légitiment de nouveaux mots et expressions (selfies, hashtag, lol et bien d'autres…). C'est bien de s'insurger mais c'est oublier que les dictionnaires sont des entreprises commerciales et non des services publics et qu'ils visent à être des éponges et non pas à normaliser ni à rationaliser ni à préserver la langue.

L'article dénonce, c'est maintenant bien connu, les instructions qui incitent les correcteurs du bac à mettre au moins 8/20 à tous les candidats, de façon à maximiser le pourcentage de reçus. Si les correcteurs notaient "au barème", le taux de réussite s'effondrerait à 25 ou 30 %, au lieu des 87,8 % démagogiques de cette année.

L'article de l'excellente Natacha Polony est excellent, comme d'habitude ; pas besoin d'y revenir, mes lecteurs ont été abreuvés de ses idées dans ce blogue, idées que je partage. "Notre langue est en train de se vider de sa substance…".

Autre éclairage, déjà utilisé dans ce blogue : les entreprises, elles, ne s'accommodent pas de ce niveau calamiteux car la forme d'expression de ses salariés peut nuire à son image. C'est donc maintenant un frein à l'embauche, et la remise à niveau à travers la formation professionnelle se développe.

Dernier article, de Philippe Barthelet, que mes lecteurs connaissent : "Le français tel qu'on le déparle". "Un mal plus général et plus profond, plus inquiétant aussi : l'incapacité où nous sommes désormais de parler français, d'employer une langue simple, claire et précise, où un chat s'appelle un chat et où, quand on veut dire qu'il pleut, on dit tout bonnement qu'il pleut". Et de dénoncer aussi cette mode, liée au franglais, d'employer des mots dans un faux sens : "académique" au lieu de "universitaire", "cursus académique" au lieu de "liste des diplômes", "campus" au lieu de "université", "versus" au lieu de "contre", "intriguant" au lieu de "curieux"… Et il conclut sur "la mode des substituts adéquats plus sortables, qui n'offensent plus l'unanimisme des grands principes et des bons sentiments, qui est notre nouvelle religion d'État".

 

 

 

20/09/2015

Comment prononcer Crédit agricole ?

Je vous avais parlé, le 18 septembre 2015, de l'interrogation de Damien Jullemier à propos de la prononciation d'une expression comme "Crédit agricole" (qui est une marque en l'occurrence).

Il est vrai que la prononciation du français est une calamité : songeons à "fils (à papa)" et "fils d'Écosse" ou à "Il est excellent" et "Ils excellent"...

Je reproduis ci-dessous les règles que Damien Jullemier a trouvées dans le "Traité de prononciation française" de Pierre Fouché.

On ne fait pas la liaison entre un substantif singulier et un adjectif :

               un enfant | intelligent

               un teint | olivâtre

               un vent | impétueux

               un bruit | affreux

               un goût | exécrable

               un coup | imprévu

               un nez | aquilin

               un rang | excellent

               l'univers | entier

               un remords | accablant

               un mets | agréable

Mais on fait cependant la liaison dans les locutions toutes faites :

               accentaigu

               droitacquis (ah bon ?)

               un tempsaffreux (la pratique n'est plus celle-là aujourd'hui…)

Même si l'on prononce fait, joug sans faire sentir la consonne finale, on fait la liaison dans :

               faitaccompli

               faitacquis

               faitauthentique

               faitindiscutable

               un faitexprès

               jouginsupportable (la pratique n'est plus celle-là aujourd'hui…)

•               jougodieux (la pratique n'est plus celle-là aujourd'hui…)

•               le caséchéant

Crédit agricole.png

Tout dépend donc de la manière dont on considère l'expression « Crédit agricole ». Si on lui applique la règle générale, on ne fait pas la liaison : Crédit | agricole. Mais si on la considère comme une locution toute faite (et ce peut être en particulier le cas des employés du Crédit agricole envers leur propre société), alors on fait la liaison : Créditagricole.