09/10/2015
"Le consul" de Salim Bachi : critique (I)
L'actualité de ce mois d'octobre 2015, comme celle de septembre et d'août, ce sont les migrants ; mis à part les éléments factuels (combien sont-ils ? d'où viennent-ils ? où veulent-ils aller ? comment procèdent-ils ?), la Presse relaye deux approches opposées : l'accueil les bras ouverts (que ce soit par humanisme, par conviction religieuse, par bien-pensance, par lâcheté ou autre) et le rejet inconditionnel (que ce soit par égoïsme, par conviction religieuse, par goût de la provocation, par pragmatisme ou autre).
Mais le fait est là : il y a des milliers de migrants à nos portes ou du moins à nos frontières...

Le hasard a voulu, ou plutôt la synchronicité, que j'exhume ces jours-ci, de la pile d'ouvrages en attente, le livre "Le consul" de Salim Bachi (NRF Gallimard, 2015). Ça m'a pris comme ça, un matin.
Et ce livre raconte le destin extraordinaire de ce représentant du Portugal à Bordeaux, dans les années 39-40, au moment où l'Allemagne nazi envahit la France et où Pétain lui demande l'armistice. Rien, apparemment, ne prépare cet homme à désobéir et à n'écouter que sa conscience, au mépris de son confort personnel, de la vie de ses proches et, naturellement, de sa carrière professionnelle : il est marié, a quatorze enfants et une jeune maîtresse, une belle maison au Portugal, et il vit très confortablement dans "les ors de la diplomatie" à Bordeaux. Rien vraiment ? Si, peut-être, sa foi catholique chevillée au corps.
Arrivent les migrants, c'est-à-dire des gens qui fuient, depuis fort loin parfois, l'avancée de l'armée d'Hitler. Des juifs, des tziganes, des familles, des enfants, plein de gens.
Ils arrivent ou plutôt ils affluent ; le consul les voit bientôt camper dans la rue, devant le consulat, et même s'installer à l'intérieur, dans ses propres bureaux, car les portes ne sont pas vraiment closes.
Et voici une sorte de "nuit du Golgotha", en vérité trois jours et trois nuits pendant lesquelles Aristidès de Sousa (c'est notre consul) vit reclus dans sa chambre, seul, en proie à une terrible crise de conscience. Il en ressort déterminé à accorder des visas et même des passeports portugais aux milliers de demandeurs qui se précipitent chez lui : il en accorde 30000 au total, sans plus même regarder qui sollicite, machinalement, dans une sorte de fuite en avant suicidaire.
Je n'en dis pas plus, sauf que les conséquences de cet acte généreux seront funestes pour lui et sa famille.
À suivre...
07:30 Publié dans Bachi Salim, Écrivains, Littérature, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2015
Priorité à la lecture publique : soutien aux bibliothèques en 2016
Lu dans le blogue de Laura (dans le site "haut ET fort") :
"Lors de la présentation de son budget, mercredi 30 septembre, le ministère de la Culture a affirmé donner la priorité à la lecture publique en 2016.
“La priorité a été accordée à la lecture publique”, insiste le document, précisant que “les crédits d’intervention en régions augmenteront en 2016 d’un million d’euros pour financer de nouveaux contrats territoire-lecture au bénéfice des collectivités territoriales”.
Cette ligne spécifique de crédits passe à 14,4 millions d'euros, soit une hausse de 7,4 %. Par rapport aux 7 083,4 millions d’euros du budget global du ministère, l’effort est de 0,014 %. Ces crédits sont affectés en priorité au réseau des bibliothèques, principal vecteur de soutien de la lecture publique.

Pour les encourager à ouvrir le dimanche, les bibliothèques devraient toutefois recevoir un soutien supplémentaire, dont les modalités seront précisées dans un amendement du gouvernement, ainsi que l’a annoncé François Hollande lors de l’inauguration de l’exposition consacrée aux 50 ans de l’Ecole des loisirs".
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
03/10/2015
"Immortelle randonnée" de Jean-Christophe Ruffin : critique (III)

C'est le principal intérêt du livre : nous donner la réponse de l'Académicien à cette question que nous nous posons tous "Mais pourquoi donc marcher aussi longtemps, sous la pluie ou le soleil ?". Pour le reste, son livre se lit vite et ne laisse pas de souvenir impérissable. Il fait penser, dans la catégorie des récits de voyage, à "Longue marche", sans doute à cause de son style simple, journalistique et prosaïque. Rien de commun avec l'élitisme sympathique de son collègue de l'Académie dans "Transsibérien" (voir mon billet du 1er octobre 2015). Pas d'étalage de culture, pas d'enthousiasme esthétique, c'est l'ouvrage de tout un chacun.
Sur la forme, peut mieux faire !
page 99 : "C'est un bonheur rare…" et quelques phrases plus loin "… est une volupté rare".
page 105 : "On se sent soulagé de les quitter et d'avancer vers la pointe de sable qui s'avance entre mer et rivière". On ne relit pas ses épreuves à l'Académie ?
La phrase "Si je me permets ici une confidence, je dirais que ce paradoxe est celui de toute ma vie" (page 136) est bancale parce que la concordance des modes et des temps n'est pas respectée.
"C'est un état qui se traduit par quelques signes extérieurs et surtout un nouvel état d'esprit" (page 139) : un état qui se traduit par un nouvel état, n'est-ce pas mal dit ? Ou alors c'est une tentative maladroite pour faire un jeu de mot ?
La première fois qu'on lit cette phrase, page 168, "Prêtres incompétents, alcooliques parfois, fornicateurs peut-être, quand ils se recrutent parmi ces pauvres pasteurs de campagne semblent pouvoir être sinon absous, du moins jugés avec clémence", on ne la comprend pas. Il manque au moins une virgule entre "campagne" et "semblent", qui souligne la fonction de sujet du verbe "semblent" que joue "Prêtres incompétents…".
La dernière partie du livre correspond à la dernière partie du Chemin de Compostelle, dite le "Camino Frances", qui est la plus fréquentée, et par des "pèlerins" arrivés en bus ou en avion, qui sont pour les "vrais", de vrais touristes.
Jean-Christophe Ruffin en profite pour retrouver son épouse, dont je ne dirai rien pour ménager la surprise de la découverte aux futurs (hypothétiques) lecteurs. C'est à ce moment qu'il se livre avec le plus de délectation à son autocritique, voire à son auto-dénigrement, s'accusant de plusieurs défauts avec humilité ; la rançon du cheminement solitaire, sans doute.
Il écrit par ailleurs quelques belles pages :
"Le marcheur est, selon la formule de Victor Hugo, un géant nain. Il se sent au comble de l'humilité et au faîte de sa puissance. dans l'état d'aboulie où l'ont plongé ces semaines d'errance, dans cette âme délivrée du désir et de l'attente, dans ce corps qui a dompté ses souffrances et limé ses impatiences, dans cet espace ouvert, saturé de beautés, à la fois interminable et fini, le pèlerin est prêt à voir surgir quelque chose de plus grand que lui, de plus grand que tout, en vérité. cette longue étape d'altitude fut, en tous cas pour moi, le moment sinon d'apercevoir Dieu, du moins de sentir son souffle" (page 207).
"C'est ainsi que les humains d'aujourd'hui, après le long détour des monothéismes, en reviennent parfois à des éblouissements spirituels qui leur font incarner le divin dans les objets de la nature : les nuages, la montagne, les chevaux. Le pèlerinage est un voyage qui soude ensemble toutes les étapes de la croyance humaine, de l'animisme le plus polythéiste jusqu'à l'incarnation du Verbe. Le Chemin réenchante le monde. Libre à chacun, ensuite, dans cette réalité saturée de sacré, d'enfermer sa spiritualité retrouvée dans telle religion, dans telle autre ou dans aucune. Reste que, par le détour du corps et de la privation, l'esprit perd de sa sécheresse et oublie le désespoir où l'avait plongé l'absolue domination du matériel sur le spirituel, de la science sur la croyance, de la longévité du corps sur l'éternité de l'au-delà. Il est soudain irrigué par une énergie qui l'étonne lui-même et dont, d'ailleurs, il ne sait pas très bien que faire" (page 209).
Au total, un livre facile à lire, avec quelques réflexions intéressantes et surtout cette explication progressive, bien amenée, au fil de l'avancée, de ce qu'apporte le cheminement vers Compostelle.
Alors, mes trois critères ?
oui, le livre maintient l'intérêt du lecteur jusqu'au bout
non, je ne le recommanderais pas à des tiers (sans le déconseiller néanmoins)
et non, je ne le garderai pas.
07:30 Publié dans Littérature, Livre, Ruffin Jean-Christophe | Lien permanent | Commentaires (0)


