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22/10/2015

La Ministre, les messages courts et les virgules

"Valeurs actuelles", le 15 octobre 2015, s'est fendu d'un article sur la prose que Mme Taubira, Garde des sceaux, déverse généreusement, paraît-il, dans Tweeter.

Il moque son lyrisme et son style tarabiscoté… C'est de bonne guerre, si l'on veut.

Moi, je m'étonne surtout qu'un ministre de la République, et aussi important que celui de la Justice, ait le temps de tapoter son téléphone pour envoyer à tous bouts de champ, des "messages courts".

Je m'étonne encore plus - mais là Mme Taubira n'est pas la seule responsable - que tout le monde ait l'air de considérer que c'est un vecteur normal, voire banal, de la communication politique. Quid de ceux qui n'adhèrent pas à ce culte de l'instant et du nombrilisme réunis, comme aurait pu le dire Pierre Dac ?

Vous allez me dire : "Eh bien, qu'ils aillent sur Tweeter !".

 

Tweeter.jpg

 

Vous allez aussi me rappeler que, dans les années 90, quand les informations technique, les convocations à des réunions, les invitations à des conférences et surtout les instructions hiérarchiques, ont commencé à arriver par la messagerie alors balbutiante, je m'étais étonné et même insurgé contre cette révolution rampante sans préavis ni mise en garde. Et vous aurez raison d'ajouter que je m'y suis bien mis, moi aussi, et mieux que pas mal d'autres.

Bref, c'est comme ça...

Mais je veux maintenant regarder les contenus et leur forme. Voici par exemple ce qu'a écrit Mme Taubira : "… que charrient de si putréfié les vents mauvais qui nous défigurent pour que ceux qui savaient se tenir s'affaissent ainsi ?".

Reconnaissez qu'à la première lecture, non seulement c'est abscons mais encore cela semble incorrect, grammaticalement parlant !

Que s'est-il passé ? Tout simplement qu'il y manque les virgules, plus précisément trois virgules :

"… que charrient de si putréfié, les vents mauvais qui nous défigurent ?,

(pour que ceux qui savaient se tenir,

s'affaissent ainsi)".

À l'oral, on aurait respiré, et l'intonation aurait permis d'identifier le sujet du verbe "charrient" et celui du verbe "s'affaissent".

Je ne doute pas que Mme Taubira le sache pertinemment. Mais elle est pressée et les virgules restent dans le clavier… Tant pis pour ses lecteurs.

C'est peut-être moins grave que ces hashtags dont nous rebattent les oreilles les journalistes de la télé… Ils en sont tellement fiers !

 

 

 

21/10/2015

Comment lire ? (la méthode de B. Pivot)

Livres à lire.jpgDans "Les mots de ma vie", Bernard Pivot explique la méthode de lecture qu'il appliquait pour préparer ses Apostrophes et ses Bouillons de culture, tout en précisant qu'elle "n'est pas à donner en exemple"  et qu'elle ne vaut que pour lui.

Jetons-y un œil tout de même.

 

"Lecture d'un seul livre dans la continuité, autrement dit pas de livres en alternance.

Ne pas hésiter à abandonner la lecture d'un ouvrage jugé médiocre, décevant, inutile...

Lire assis sur une chaise ou dans un fauteuil qui tient le corps, de préférence devant un bureau ou une table.

Avoir un crayon ou un stylo toujours à portée de main.

Pas d'alcool. Cigare ? Oui, avec plaisir.

Pas d'accompagnement musical.

Téléphone le plus silencieux possible.

Pas de méthode de lecture rapide. Sinon, comment juger le style ?

La lecture du matin étant toujours la meilleure, la réserver aux ouvrages difficiles.

Se méfier de son humeur. Selon qu'elle est bonne ou méchante, les livres peuvent en bénéficier ou en souffrir.

Après lecture d'un livre très séduisant, attendre au moins une heure - si possible laisser passer une nuit - avant d'en commencer un autre, afin que celui-ci ne pâtisse pas de l'impression encore très forte laissée par le précédent".

Et aussi :

"Lire entièrement l'ouvrage en commençant par le début et en finissant par la fin.

Résister à la tentation de sauter les descriptions, les digressions, les incidentes, les parenthèses, car c'est souvent là que l'on déniche matière à poser les questions les plus originales ou les moins attendues.

Souligner les passages essentiels, les phrases remarquables ou malheureuses...

Entourer les mots savants, bizarres, amusants, anciens, nouveaux… et, s'il le faut, consulter un dictionnaire.

Sur une feuille volante ou sur l'une des pages blanches situées à la fin du volume, écrire les observations et les réflexions nées au cours de la lecture..." (page184).

Mes commentaires : cette méthode me semble au contraire bonne pour tous, sauf le cigare dont on peut sans risque se passer...

La question de la "lecture rapide" m'a toujours intrigué : comment font certains blogueurs que je connais qui affichent 200 livres lus chaque année ? Presque dix fois plus que moi...

Dans le stage que j'avais suivi il y a longtemps, l'animateur indiquait qu'il lisait un roman policier en moins de deux heures - ce qui est possible - et qu'avec ces techniques visuelles, on ne perdait rien de ce qu'on lisait. Et là, comme Bernard Pivot, je suis très sceptique.

 

 

 

 

 

07:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

20/10/2015

Écrivains contemporains de langue française : Pierre Garnier (II)

Pierre Garnier, pour moi, c'est Swann au lycée.

Pierre Garnier photo.jpg

Entre le prof. qu'il était avec nous autres en cours d'allemand et dans les couloirs, et le poète reconnu depuis longtemps, picardisant convaincu avec René Debrie, et même fondateur d'un courant poétique (le spatialisme), rien de commun… ou plutôt aucune passerelle !

Poésie spatialiste.png

Heureusement, on ne l'a pas plus embêté en cours qu'il ne nous a embêtés (encore qu'il devait être consterné par notre niveau, lui qui traduisait Goethe et Novalis !). Mais jamais au grand jamais il ne nous a parlé de sa deuxième vie, de sa passion ; jamais au grand jamais, les adolescents que nous étions n'ont soupçonné le talent (abscons il est vrai…) qu'il avait ni qu'il avait autant écrit de livres savants ni encore moins que des séminaires lui seraient consacrés plus tard.

Alors chapeau bas, révérence devant Pierre Garnier, décédé début 2014 à 86 ans et inhumé dans un tout petit village de la Somme.

Poésie spatialiste (2).jpg

"Ma mère à la fenêtre tricote

assise dans l'origine comme Pénélope

Elle chante le Temps des cerises

- elle me dit : C'est ce qui reste de la Commune

De hauts reliefs s'élèvent alors

la fête de l'Huma, à Garches les enterrements

de Barbusse et de Vaillant-Couturier

- pour mes parents, la certitude que la Commune

n'est pas morte.

Mon père depuis longtemps classe

dans des dossiers

des articles et des poèmes

"Ce sont des êtres vivants, dit-il,

il faut les sauver"…"

(Extrait de "Car nous vivons et mourons si peu", Verlag im Wald, 1999)