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29/10/2015

Parlez-vous le Dae'ch ?

Dans Valeurs actuelles du 15 octobre 2015, André Bercoff rend compte d'un livre singulier : "Paroles armées" de Philippe-Joseph Salazar, sous-titré "Comprendre et combattre la propagande terroriste" (Lemieux Éditeur).

(En passant, je concède qu'il vaudrait mieux parler de livres qu'on a lus, plutôt que de retranscrire la substance d'articles qu'on a lus sur les livres qu'on n'a pas lus - et que, sauf exception, on ne lira pas -. Mais l'actualité et la production littéraire des uns et des autres dépassent notoirement mes capacités de lecture).

P.-J. Salazar, après Normale Sup' et une thèse sur Roland Barthes (excusez du peu...), s'est intéressé aux techniques d'éloquence et de persuasion. Il dirige le Centre d'études rhétoriques de l'Université du Cap en Afrique du Sud.

Ses ouvrages ? L'hyper-politique et l'art de parler, l'Afrique du Sud et l'art de la voix, Mahomet et l'art de séduire les électeurs indécis... et aujourd'hui, Dae'ch.

 

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Sa thèse ? si nous n'assimilons pas son langage, nous demeurerons désarmés.

"Son livre traite du problème de l'intégrisme islamique par un biais jusqu'ici pratiquement inédit : celui de la stratégie linguistique et imagière, des valeurs transmises, de l'éloquence et de la persuasion, dévoilant la formidable machine de guerre idéologique et propagandiste de Dae'ch".

"Il montre l'originalité profonde de la parole califale : mélange subtil de force et de persuasion, et synthèse explosive et opérationnelle de la prédication religieuse et de la harangue militaire".

"Ils ne se considèrent pas comme terroristes mais comme des soldats et des partisans de Dieu et de ses valeurs".

"Face à cette détermination d'une violence souvent insoutenable, nous prônons le dialogue, la communication de crise, le management des ressources humaines.

Ils ont des convictions, nous avons des tolérances.

Ils ont un grand dessein, nous voulons vivre au jour le jour.

Ils veulent que les commandements de Dieu soient intégralement appliqués sur la Terre : la soumission ou la mort. Nous prônons la coexistence, le vivre-ensemble, la paix par-dessus tout".

"Le langage et les commentaires des vidéos, des magazines ou des sites sont rédigés dans une langue poétique et lyrique, où les mots sont parfaitement choisis et ressortent (NDLR : j'aurais écrit : ressortissent...) toujours d'un vocabulaire châtié, à mille lieues du wesh des banlieues et autres galimatias pour talk-shows faciles".

"La parole des armes ne suffira pas à pallier l'absence d'armes de la parole".

À travers l'analyse d'une langue et de ses modes d'expression, on arrive à l'examen de nos valeurs, de nos convictions et de notre détermination à les défendre.

Mais P.-J Salazar va plus loin : "Un jour viendra où nous devrons faire ce que fit François Ier... : parler à l'ennemi... Nous devons nous armer rhétoriquement car le moment viendra où nous devrons donc parler au califat et aux maîtres du djihadisme, et réapprendre ainsi la règle de fer des relations internationales, qui ne sont pas des relations au sens apaisant du mot mais des rapports justement de force... Apprendre à contrecarrer l'ennemi sur le terrain de la persuasion...".

Tout est langage (Jacques Lacan)...

 

28/10/2015

Langues régionales : la langue de la République reste le français

Les sénateurs viennent de rejeter le projet de ratification de la Charte européenne des langues régionales (Voir par exemple mon billet "Natacha et moi : langues régionales (VIII)").

Ouf !

Le français est une chance.jpgLes langues régionales, qu'il faut préserver bien sûr, comme la gastronomie et les paysages, ne vont pas acquérir le statut de langue officielle, qui aurait permis, par exemple, d'exiger des formulaires officiels en breton ou en basque.

L'article 2 de la Constitution de 1958 reste intouchable : la langue de la République est le français.

Toutes les autres - toutes - sont des langues minoritaires qui restent dans la sphère privée.

 

 

27/10/2015

Ma vie d'hôtesse (dans une compagnie à bas prix)

Sous le titre "Ma vie d'hôtesse low cost", Marianne a consacré, le 9 octobre 2015, un long article à Sofia Lichani, hôtesse de l'air chez Ryanair pendant cinq ans et qui a démissionné en janvier 2011. Elle a publié ses souvenirs dans "Bienvenue à bord !" en collaboration avec Thomas Rabino (Les Arènes, octobre 2015).

Pas besoin de reproduire le fond de son témoignage ni le contenu de l'article : tout le monde a compris comment ces compagnies aériennes réussissent à proposer des prix bas. "J'ai bossé 1300 heures à l'œil", "Le compteur (des heures de travail) tourne quand l'avion quitte le sol mais pas pendant l'accueil des passagers, le nettoyage de la cabine", etc.

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Intéressons-nous plutôt à la langue de ce métier et conséquemment, à la langue de l'article du journaliste Arnaud Bouillin.

Quand Sofia ne travaille pas, on parle de stand-by home ou de stand-by airport.

Ses congés sans solde (si Ryanair manque de clients...) s'appellent unpaid leave.

Les briefings ne sont pas du temps de travail.

Elle doit payer elle-même son Airport ID.

Pendant ses quatre premiers vols, elle était en surnombre, supernumerary.

Sur son planning, on voit la différence entre le flight time et le flight duty period.

Elle trimbale ses affaires personnelles dans son crew bag. Normal, elle fait partie du cabin crew.

Si elle ne répond pas aux convocations sur téléphone mobile, c'est un no-show. Elle sera convoquée à un entretien disciplinaire, gentiment appelé meeting.

Si son average spend n'augmente pas, elle écopera d'un warning. Ou sera demoted.

En ce moment, certains voudraient que l'on ratifie la Charte européenne des langues régionales (voir mon billet à ce sujet) et que donc on puisse exiger des documents administratifs dans une autre langue que le français... Passons sur le fait que les finances du pays sont à plat. Mais c'est inutile. Nous sommes déjà bilingues (français-globish) !

Chez Uber, il y a au moins la créativité qui a consisté à utiliser les nouvelles technologies, maintenant à disposition et permettant la mise en relation, le nomadisme, la mobilité, l'asynchronisme. Chez les compagnies aériennes à bas prix, rien de tout cela : c'est le retour en arrière, à la précarité salariale, au droit de se taire, aux mesquineries patronales (les salaires payés le 10 du mois...), à l'arbitraire (les salaires sont obligatoirement versés sur un compte dans une banque irlandaise, le contrat de travail peut être modifié en cours de route..).

C'est beau la mondialisation et l'avion pour tous... Ce n'est pas une révolte, Sire, c'est une révolution.