12/08/2020
La langue de chez eux
Il y a en France, une école qui s’appelle « Ipag Business School ». Pourquoi donc ? Si « école de commerce » semble daté et ne représente plus convenablement ce qu’il convient d’enseigner aujourd’hui (ces écoles se piquent de « management »…), pourquoi ne pas avoir choisi, par exemple, « école des affaires » ? J’ai ma petite idée : d’abord un nom anglais fait plus moderne et ensuite « des affaires » a en français une connotation péjorative (parce que notre culture est plus tournée vers la conception et la production que vers le mercantilisme et parce que les « affaires » défraient la chronique, sans parler de l’« affairisme »).
Ce n’est pas tout ; dans cette école, il y a un directeur de la chaire (tiens, un mot français ancien…) « French Savoir-faire » !
Donc, comme j’ai l’habitude de le dire : anglais à tous les étages.
Pourtant, dans le Marianne du 1ernovembre 2020, un entrepreneur français (Pierre Schmitt, de VELCOREX) confie : « On ne peut innover que dans la proximité, la culture d’entreprise. On ne peut pas trouver un langage commun en anglais avec des Chinois par mail ».
Qui se souviendra dans un an ou deux de la « start-up nation » rêvée par M. Macron ? C’est une mascarade disent l’ingénieur Benjamin Zimmer et le sociologue Nicolas Menet dans leur livre « Start-up : arrêtons la mascarade » (Dunod, février 2018).
Dans le même numéro de la revue, David Soulard, des meubles Gautier, défenseur de la production en France (en l’occurrence en Vendée) dit aux journalistes : « On a décidé d’intégrer vraiment le made in France, dans notre story-telling il y a quatre ans » (quatre mots anglais dans une phrase de douze). Pourquoi ?
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10/08/2020
Pauvres statues, pauvres de nous
Dans son numéro du 1ernovembre 2019 (il y a un siècle…), le journal Marianne publiait une « brève » de Samuel Piquet sur le voilement des statues. Lors des Journées du patrimoine (quoi de plus français ? quoi de plus respectueux de l’histoire ? quoi de plus passionné pour les chefs d’œuvre du passé ?), « des nus de l’artiste Stéphane Simon exposés à l’Unesco ont été habillés d’un slip et d’un stringpour ne pas déranger certains visiteurs » !
Aujourd’hui certains se rassemblent, en France comme ailleurs dans le monde, pour protester contre un État et des forces de l’ordre supposément racistes et s’arrogent le droit d’exiger le démontage de statues censément inacceptables, donc en un mot de réviser eux-mêmes l’histoire. Cela a été fait effectivement en Martinique, en Belgique (Léopold II) et aux États-Unis (où la mort de George Floyd a été le déclencheur). Les images sont consternantes, la violence, l’hystérie, la joie mauvaise des spectateurs.
J’ai visité Richmond (Virginie) il y a quelques années et j’y avais vu en particulier la statue d’Arthur Ashe, ce joueur de tennis mythique (le meilleur du monde en 1975), dans Monument Avenue. Eh bien, engrenage fatal, cette statue a elle-même été vandalisée…
Pauvres statues, pauvres de nous !
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08/08/2020
Hommage à Graeme Allwright (1926-2020)
Le chanteur néo-zélandais et français Graeme Allwright est décédé le 16 février 2020, dans la maison de retraite des artistes de Pont aux Dames, à l’âge de 93 ans, et a été enterré à Pernand-Vergelesses (célèbre pour son appellation de vin de Bourgogne).
Il a eu une vie tellement riche, cosmopolite et militante, et j’en connaissais si peu, que je laisse mes lecteurs se reporter à sa notice dans Wikipedia (inutile de recopier et encore moins de paraphraser), pour me contenter d’évoquer mes propres souvenirs en lien avec cet artiste singulier et attachant.
Pour moi, Graeme Allwright reste l’adaptateur et l’interprète des chansons de Leonard Cohen (il nous a fait découvrir « Suzanne » et « l’Étranger »), l’auteur-compositeur de « Il faut que je m’en aille » (que j’ai chantée mille fois…) et le promoteur de cette charmante chanson de Noël « Petit garçon » (grâce à laquelle nous avons appris le mot « tintinnabuler »).
Voici les deux albums-cultes de Graeme, qui nous ont introduits dans le monde du folk et du protest song, et ont suscité mes passions successives pour Leonard Cohen et Bob Dylan :
En 1966, l’album « Joue, joue, joue » :
Joue, joue, joue
Johnny
Emmène-moi
Henrik
La mer est immense
Qui a tué Davy Moore ? (Bob Dylan)
Petites boîtes (Malvina Reynolds)
Il faut que je m’en aille
La plage
Ça je ne l’ai jamais vu
Deux jeunes frères
Dommage
En 1968, l’album « Le jour de clarté » :
Jusqu’à la ceinture (Pete Seeger)
Suzanne (Leonard Cohen)
Le jour de clarté
Viendras-tu avec moi ?
Je perds ou bien je gagne
Ne laisse pas partir ta chance
Garde le souvenir
Sacrée bouteille (Tom Paxton)
Qu’as-tu appris à l’école ?
La ligne Holworth
Petit garçon (Old Toy Trainde Roger Miller)
L’étranger (Leonard Cohen)
Malgré la réticence de leur interprète à devenir une vedette et son refus de la société de consommation en général et du monde du spectacle en particulier, ses chansons ont mystérieusement et irrésistiblement diffusé – on pourrait dire percolé – dans la jeunesse de l’époque, sans réseaux sociaux ni téléphone mobile, mais grâce aux 33 tours (les fameux vinyles que certains collectionnent aujourd’hui) et aux colonies et camps de vacances, dans lesquelles on les a chantées à l’infini autour du feu.
Pour être précis – si tant est que mon souvenir puisse l’être – ce n’est pas une chanson de Graeme Allwright que l’on chantait en 66-67 ; c’était « Les élucubrations d’Antoine », et a capella… C’est bien plus tard, armés de guitares et de cinq accords de base, à partir des années 70, que l’on a fait de « Les retrouvailles » l’hymne incontournable de nos fins de soirée. Mais dès l’été 69, on se passionnait pour Leonard Cohen et sa royale « So long Marianne ». Enfin viendra Bob Dylan avec sa non moins royale « Like a rolling stone ». Et presque dix ans plus tard, la nouvelle chanson française prit le relais, ajoutant les Beatles et les Rolling Stones à ses sources d’inspiration.
Merci donc à Graeme Allwright d’être venu de si loin pour être le médiateur entre ces cultures et ces langues complémentaires et d’avoir été pour nous le premier écologiste et le premier contestataire pacifique.
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