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18/05/2020

Les mots du corona X

J’ai oublié de vous parler de ma découverte lexicographique liée au corona. En fait, ça commence par un gag, qui a circulé sur internet : M. Véran, Ministre de la Santé, expliquait en début d’année (ou était-ce l’an dernier?) lors d’un entretien télévisé, pourquoi la grippe saisonnière disparaissait chaque printemps ; parce que les gens ouvraient les fenêtres, sortaient dans la rue et, en bref, n’étaient plus confinés. Apprendre que le déconfinement printanier nous sauvait chaque année d’un virus, alors même que l’on nous confinait pour échapper à un autre, eut quelque chose de réjouissant ; ce fut un énorme éclat de rire. D’aucuns y virent une justification à leur opposition entêtée au confinement décidé le 17 mars 2020…

La lumière nous vint quand, récemment, un des innombrables experts qui nous éclairent chaque soir sur les chaînes d’info en continu, nous conseilla, outre de respecter scrupuleusement les gestes-barrières, d’aérer nos lieux de vie. Bon sang mais c’est bien sûr ! L’air des locaux confinés est un poison qui nous irrigue de gouttelettes (ou d’aérosol?), donc de virus.

Il y a donc confinement et confinement : il faut confiner les gens mais déconfiner les pièces d’habitation. C’est bien cela, M. le Ministre ?

On aurait dû le comprendre tout de suite quand Air France, peut-être à juste titre, proclamait qu’on pouvait se confiner sans risque dans ses avions, au motif que l’air y était renouvelé sans cesse.

14/05/2020

Les mots du corona IX

L’inénarrable Sibeth Ndiaye a prononcé cette phrase incroyable le 13 mai 2020 : « Nous sommes en capacité de faire en sorte que les Français puissent bénéficier de masques ». Il y a d’abord l’incontournable et insupportable manie actuelle de mettre des « en capacité de » dans chaque phrase prononcée dans les médias, au lieu de dire « capable de » ou simplement « nous pouvons ». Thomas Legrand a fait une analyse politique un peu laborieuse de ce tic verbal mais il n’y a pas que les politiques qui s’y adonnent. Encore Mme Ndiaye n’a-t-elle pas jugé bon d’utiliser la redondance assez fréquente « en capacité de pouvoir », comme tel journaliste sur France 2 le même jour… Grâce lui soit rendue ! Ensuite « elle fait en sorte... » ; pourquoi cette lourdeur ? Pourquoi ne pas dire « nous pouvons faire bénéficier les Français de masques » ? Ou bien « nous pouvons procurer des masques aux Français » ? Parce qu’elle n’en est pas tellement sûre ? Parce que c’est un mensonge ? Et enfin, elle s’est débrouillée pour que les Français « bénéficient » de la protection physique évidente à laquelle ils ont pourtant droit, puisqu’ils sont « en guerre sanitaire ». Quelle condescendance ! Quelle dérision !

Au chapitre de ceux qui se couvrent de ridicule, il y a nos Académiciens : au bout de plus de trois mois d’information à jet continu sur l’épidémie, ils viennent de décider que le mot COVID est du genre féminin, au motif que la lettre D est l’initiale de Disease, qui signifie « maladie » ! Trop tard ! Pour les Français, c’est un virus (donc masculin) et non pas une maladie. Notons en passant qu’une fois de plus, on adopte sans coup férir un nom anglais, en l’occurrence Corona Virus Disease 2019, soit « maladie de 2019 à base de virus à couronne », nom choisi par l’OMS en février 2020. L’OMS, soi-disant sous influence chinoise, parle anglais… Ouf, on l’a échappé belle !

Et là, néanmoins, on nous refait le coup de DAECH (M. Fabius insistait : « Prononcez dèche »…), qui devait remplacer « État islamique » car ce n’était pas un État, alors même que DAECH signifiait « État islamique » en arabe ! Donc, bande de Gaulois réfractaires, prononcez COVID et non pas coronavirus, parce que COV signifie « coronavirus » et COVID « maladie à coronavirus » !

11/05/2020

Les mots français à la mode XI

Benoît Duteurtre est un critique littéraire et musical digne d’intérêt. J’ai consacré plusieurs billets de ce blogue à ses souvenirs d’adolescence rassemblés dans « L’été 76 ».

Ses chroniques sont toujours intéressantes, d’autant plus qu’il aborde souvent la défense de la langue française et qu’il y vilipende ses multiples agresseurs. Dans le Marianne du 6 mars 2020, sous le titre « Le temps des territoires », il dénonce, parmi d’autres tics de langage, cette manie des politiques de remplacer les mots « ville », « région », a fortiori « province » par le terme passe-partout de « territoire ». Ainsi va la novlangue…

« Ce mot qui semble renvoyer à quelque chose de concret, en rapport avec la terre, est devenu le terme le plus abstrait, le plus dépourvu d’enracinement, le plus administratif pour désigner un nouveau monde qui, peu à peu, remplace le précédent : sorte de friche post-historique soumise à la volonté d’organisateurs qui se chargent d’y dessiner des intercommunalités, d’y délimiter des zones écoprotégées et autres éléments structurants pour la population ».

Il note qu’après l’Aménagement du Territoire des Trente Glorieuses et ses « zones » (ZAC, ZUP…), sont venus les « espaces » (espace-nature, espace-loisirs). NDLR : il y a même une voiture qui a été baptisée ainsi…

Ensuite, malheureusement, l’Union européenne a essayé d’effacer les nations et un Président de la République a recomposé la carte régionale (un soir dans son bureau, paraît-il). Nous avons vu ainsi surgir des entités baroques comme Auvergne-Rhône-Alpes… Et l’État a regroupé, regroupé, regroupé les hôpitaux, les pompiers, le ramassage des déchets, tout en multipliant les parkings et les ronds-points.

En 2010, Michel Houellebecq avait intitulé son futur Prix Goncourt : « La carte et le territoire »...