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12/05/2015

De l'art de publier un article attrape-tout… (I)

Le 27 avril 2015, Jean-Pierre Robin publiait dans les pages saumon du Figaro, un article intitulé "Pourquoi les fautes de français nuisent gravement à la prospérité économique" et sous-titré "De Bercy à l'Élysée, les maladresses de langage ont des effets calamiteux".

Enfin une preuve de l'intérêt concret de notre combat et une évaluation quantitative des dégâts causés par le laisser-aller du langage d'aujourd'hui ?

Je me prépare à me régaler, d'autant que l'exorde affirme "La confusion des mots peut conduire à des catastrophes".

Mais tout de suite après, ça part mal car le journaliste prend comme exemple la sonde américaine Mars Climate Orbiter qui a été perdue par la NASA pour cause de confusion entre les unités de mesure anglo-saxonnes et celle du système métrique… Tout de suite trois commentaires :

1) utiliser les Américains dans une diatribe contre l'orthographe défaillante, c'est contre-nature ; eux s'en fichent royalement ;

2) on ne voit pas le rapport entre l'orthographe et les unités de mesure… ;

3) si les Américains avaient adopté, comme tous les autres pays, le système international d'unités (SI) issu des "Poids et mesures" de la Révolution française, l'accident ne se serait pas produit ; ils ne peuvent que s'en prendre à eux-mêmes.

Donc rien de nouveau sous le soleil...

L'auteur répète que "de telles approximations langagières… ont des conséquences incalculables, dans tous les sens du terme" (sic !). Et d'embrayer sur la répugnance viscérale des Français aux réformes", qui viendrait "d'un manque d'explications, de discours alambiqués, ambigus et ennuyeux de nos dirigeants". Mais où est donc l'orthographe là-dedans ?

On en arrive à un premier exemple, un communiqué du Ministère des Finances qui aurait annoncé que "l'assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale se tient deux fois par an à Washington". Bon, d'accord, c'est bisannuel (comme certaines plantes) et non pas annuel… Et alors ?

François Hollande.jpgEnsuite le morceau de bravoure, deux phrases de François Hollande lors de l'émission Supplément de Canal+ :

- "Je suis amical avec mes amis, proche avec les Français mais je ne veux pas être familier"

- "Je suis, dans la fonction que j'exerce, celui qui incarne les Français, celui qui tient son rôle".

Et de broder sur la formule "proche avec les Français", qui peut signifier deux choses :

- soit il est proche des Français (et a oublié la préposition qui va avec "proche", voir mes billets antérieurs sur ce sujet) ;

- soit, quand il rencontre des Français, il se comporte de façon intime avec eux ; mais alors cela contredit sa phrase suivante, qui dit qu'il ne veut pas être familier...

Dans la seconde phrase, F. Hollande prétend incarner les Français, ce qui est impossible (ils sont trop nombreux !) ; tout au plus peut-il espérer incarner la France.

Bon, au total, pas de quoi fouetter un chat ; et d'ailleurs, où est l'orthographe là-dedans ?

Je concèderai au polémiste que l'actuel Président n'est pas un orateur hors pair ni ne possède la magie du verbe. Son débit est haché et ses formules souvent "de bois". Ainsi répète-t-il à plaisir : "La reprise, elle est là". Une fois ça va, pour insister sur le sujet (la reprise). Mais son emploi systématique du redoublement du sujet est horripilant à force. Manifestement, les avocats (Mitterrand, Sarkozy) sont mille fois plus agréables à écouter que les technocrates (Chirac, Hollande), toute question de fond mise à part.

Arrivé à cet endroit de l'article, on comprend, foin du français et de l'orthographe, que le seul but du journaliste est de critiquer le gouvernement et le Président.

À suivre...

Devinette (IV)

Pourquoi ai-je intitulé le billet du 11 mai 2015 : "Nathalie traduisait" ?

 

05:30 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2)

11/05/2015

Nathalie traduisait...

Natalie Rastoin, dont le papa a dû oublier de déclarer le "h" de son prénom à l'état-civil, tient beaucoup à affirmer que elle et son agence de publicité et de conseil Ogilvy France "sont français car ils font du made in France". On est très heureux pour elle mais intrigué par cette conviction martelée dans la rubrique "Buzz média Le Figaro" du 27 avril 2015.

Car que lit-on dans cet entretien ? Une collection de franglicismes comme jamais. Jugez-en, public !

"Nous sommes un groupe… très digitalisé et nous sommes un bon hub…".

"J'ai beaucoup travaillé avec Invest in France".

Le Figaro, qui n'est pas bégueule, lui pose les questions dans sa langue à elle : "Vous réalisez plus de la moitié de votre marge brute dans le digital…". Elle répond tout de go : "La migration digitale ne peut pas se faire rapidement…". "En fait, 70 % de l'activité seront digitalisés". "Mais ce qui comptera, ce sont les métiers spécifiques : la data, le social… On ne dira plus digital". Eh bien, ma poule, pourquoi continues-tu à en parler alors ?

Mais ça continue : "Vous venez de lancer une entité dédiée à la data…" (sic !). Elle répond "Ce qui est important, en mettant la data au cœur de notre agence, c'est d'avoir un noyau pour transformer cette data en insights…".

Histoire d'élever le débat et de montrer qu'elle ne fait pas que parler franglais, la dame confie "La data est rupturiste en cela qu'elle rend obsolète la dichotomie entre les grands médias et le CRM" (je résume). Alors là, je dis bravo : c'est pas qu'elle essentialise (comme on dit à la télé), elle conceptualise !

"Vous préconisez un rapprochement du monde de la communication et de l'écosystème des start-up en France". "J'ai créé le Start up Project… qui fait le lien avec Cap Digital, un énorme cluster de compétitivité".

"La grande tendance sur laquelle surfe le brand content, c'est l'apport d'un savoir-faire journalistique…".

"Le digital a délinéarisé l'audience…".

Enfin, devant nos yeux éblouis, elle avoue : "Le brand content est un mot un peu pédant qui désigne en réalité une vieille réalité… mais aujourd'hui reboostée par des niveaux inédits de puissance et d'intelligence". (Elle pense sûrement à elle-même).

Place Rouge Moscou.jpg

Il nous reste à remercier Nathalie de nous avoir traduit cet article en franglais, puisque c'est la langue qui semble s'imposer dans notre beau pays.

PS. Après la suppression de l'étude du latin, du grec et de l'allemand, on peut songer à celle du français. Avec de tels patrons, il est devenu quasiment inutile.