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04/03/2017

Décevante fréquentation

Février 2017 a porté un rude coup à l’irrésistible augmentation du nombre de visites, ce que j’appelle « la fréquentation de mon blogue » par « mon lectorat ».

Cette belle série chronologique, pour employer le vocabulaire des statisticiens et des économistes, qui montrait une pente ascendante continue depuis août 2016, s’est fracassée sur le mur de neige des vacances de Mardi gras (que les bienveillants ont rebaptisées « vacances d’hiver »). Du moins est-ce ainsi que j’interprète cette baisse de 36 % de la fréquentation… je préfère ne pas incriminer Hugo, dont j’ai beaucoup commenté « Les Misérables » ce mois-ci, non plus que les « Irritations linguistiques » qui sont à l’origine de la création de ce blogue. 

Tiens, vous en voulez encore ? Celles-ci datent du 7/9 de Patrick Cohen sur France Inter le mercredi 1er mars 2017. Son invité est Jérôme Chartier :

  • « oui, ce sont les indécis, définitivement » (franglicisme dû au faux-ami definitely, au lieu de « assurément ») (J. Chartier) ;
  • « j’ai peur que le fact checking, comme on dit en bon français, ne soit pas en votre faveur » (P. Cohen) ;
  • « vouloir augmenter, de façon déconsidérée, le nombre de fonctionnaires… » (au lieu de « inconsidérée », évidemment).

Comme dirait l’Autre, il y a eu inversion de la courbe. On retombe à un cumul de 449 visiteurs uniques, ce qui nous ramène un peu au-dessus du niveau d’août 2016.

À toute chose malheur est bon ; en contrepartie de ce recul, deux éléments :

  • L’Afrique (à 6,1 %, + 1,2 points) et surtout l’Amérique du Nord 6,9 %, + 3,6 points), qui ne devaient pas être au ski à cette époque, récupèrent ce que la France a abandonné (provisoirement, j’espère), les autres continents étant stables ;
  • Le temps moyen de chaque visite augmente notablement à 4 min 20 (+ 167 %), ainsi que le temps moyen passé sur chaque page (1 min 40, +186 %).

On se console comme on peut.

02/03/2017

"Les Misérables T1" (Victor Hugo) : critique VII

Waterloo est une énigme…

Pour Napoléon, « tout fut perdu par un moment de terreur panique ».

« Blücher n’y voit que du feu ; Wellington n’y comprend rien ».

Pour Hugo, ce fut « une catastrophe du génie humain aux prises avec le hasard divin ».

« Dans cet événement, empreint de nécessité surhumaine, la part des hommes n’est rien ».

« Dans cette époque où Waterloo n’est qu’un cliquetis de sabres, au-dessus de Blücher l’Allemagne a Gœthe et au-dessus de Wellington l’Angleterre a Byron. Un vaste lever d’idées est propre à notre siècle, et dans cette aurore l’Angleterre et l’Allemagne ont leur lueur magnifique. Elles sont majestueuses par ce qu’elles pensent ».

« Qu’est-ce que Waterloo ? Une victoire ? Non. Un quine. Quine gagné par l’Europe, payé par la France ».

Vous vous demandez peut-être ce qu’est un quine… Le mot vient du latin quini qui veut dire cinq. Il s’agit de cinq numéros pris à la loterie et qui, pour que l’on gagne, doivent sortir ensemble. Autant dire que c’est difficile à obtenir et donc rare.

Napoléon à Waterloo.jpgEt Hugo d’enchaîner un portrait comparé de ces deux acteurs majeurs de Waterloo que sont Napoléon et Wellington, par une avalanche de qualificatifs et de métaphores dont il a le secret : « D’un côté la précision, la prévision, la géométrie, la prudence, la retraite assurée, les réserves ménagées, un sang-froid opiniâtre, une méthode imperturbable la stratégie qui profite du terrain, la tactique qui équilibre les bataillons, le carnage tiré au cordeau, la guerre réglée montre en main, rien laissé volontairement au hasard, le vieux courage classique, la correction absolue ; de l’autre l’intuition, la divination, l’étrangeté militaire, l’instinct surhumain, le coup d’œil flamboyant, on ne sait quoi qui regarde comme l’aigle et qui frappe comme la foudre, un art prodigieux dans une impétuosité dédaigneuse, tous les mystères d’une âme profonde, l’association avec le destin, le fleuve, la plaine, la forêt, la colline, sommés et en quelque sorte forcés d’obéir, le despote allant jusqu’à tyranniser le champ de bataille, la foi à l’étoile mêlée à la science stratégique, la grandissant mais la troublant ».

On a peu de doute sur lequel des deux a l’admiration de l’écrivain. Suit une page admirable, la page 460, où Hugo brosse un portrait étourdissant du Corse de vingt-six ans qui bouscule de son génie l’académisme militaire. On dirait Maurice Leblanc parlant d’Arsène Lupin mais la virtuosité littéraire en plus.

« Ce qu’il faut admirer dans la bataille de Waterloo, c’est l’Angleterre, c’est la fermeté anglaise, c’est la résolution anglaise, c’est le sang anglais ; ce que l’Angleterre a eu là de superbe, ne lui en déplaise, c’est elle-même. Ce n’est pas son capitaine, c’est son armée ». Certain commentateur du Tournoi des cinq nations ne s’exprimait pas différemment !

« (L’Angleterre) a encore, après son 1688 et notre 1789, l’illusion féodale. Elle croit à l’hérédité et à la hiérarchie. Ce peuple, qu’aucun ne dépasse en puissance et en gloire, s’estime comme nation, non comme peuple » (page 461). C’est elle, l’Angleterre, qui a choisi en 2016 de quitter l’Union européenne, le fameux Brexit.

« Ne voyons dans Waterloo que ce qui est dans Waterloo. De liberté intentionnelle, point. La contre-révolution était involontairement libérale, de même que, par un phénomène correspondant, Napoléon était involontairement révolutionnaire. Le 18 juin 1815, Robespierre à cheval fut désarçonné » (page 464).

 

Bataille.jpg

Le Tome I se termine par le chapitre XIX « Le champ de bataille la nuit », qui voit Thénardier réapparaître en rodeur et néanmoins sauver un soldat agonisant…

Hugo à Waterloo… un sommet !

27/02/2017

Irritations linguistiques XLIV : les trois catégories

C’est comme si ça s’accélérait… il en pleut maintenant tous les jours ou presque (des franglicismes, des néologismes personnels hasardeux, des incorrections linguistiques, des tics langagiers).

Commençons par les tics : depuis pas mal de temps l’inévitable « voilà » ponctuait tous les discours des politiques comme des journalistes, une sorte de « respiration » pour signifier à la fois que la cause était entendue, qu’on était à bout d’arguments et que d’ailleurs ça tombait sous le sens. Il me semble qu’un autre tic est en train de s’implanter : « du coup ». Il sert de conjonction pour insister sur un lien de cause à effet, sur une conséquence manifeste, irrémédiable, indiscutable.

Plus compliqué et plus intellectuel, il y a le verbe « essentialiser » qui a envahi le discours des experts en sociologie, un peu derrière le fameux « briser les codes ».

Même si un journaliste du Figaro s’est fait une spécialité de dénoncer régulièrement dans sa rubrique « Langue » ces petits travers du francophone métropolitain de base, je considère qu’à côté du reste (ce qui va suivre », ce n’est que roupies de sansonnet, en un mot, c’est parfois énervant mais globalement amusant.

En écrivant cette dernière phrase et plus précisément en faisant allusion au « francophone métropolitain de base », j’ai pensé à une mise au point que je voulais faire (que j’aurais dû faire) depuis longtemps, destinée à mes lecteurs francophones qui ne sont pas « métro » justement : mes lecteurs inconnus du Québec, d’Afrique du Nord et sub-saharienne, d’Asie et d’Amérique latine, et aussi bien sûr à mes lecteurs français des cinq continents (Martinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane et les autres). Sans doute mes billets sont-ils « franco-métro-français », trop peut-être ! Passe encore pour mes comptes rendus de lectures ; mais quid de la série « Irritations linguistiques » ? Rencontre-t-elle un écho outre-mer ? Irrite-t-elle ? Suscite-t-elle un intérêt documentaire, un intérêt ethnologique ou social ? Manque-t-elle d’ouverture et de largeur de vue, sachant que le français, malgré l’Académie, est tout de même très varié d’une contrée à l’autre ? Les « commentaires » du blogue sont là pour cela ! Donnez votre avis !

Bon je reviens à mes Irritations de la semaine.

Après les tics, les franglicismes, certains volontaires (snobisme ou paresse), d’autres non (ignorance).

Voici donc « définitivement », employé comme le serait en anglais definitely, qui malheureusement pour les ignorants signifie « assurément », « certainement » et non pas « définitivement ».

Voici « candidater », qui n’existe pas, à la place de « postuler ».

Voici les chatbots du 13 heures de France Inter le 24 février 2017, pour désigner ces « robots » (en fait des logiciels) qui répondent sans aide humaine aux questions récurrentes des internautes. Voici l’action de « redirecting vers les salariés », allez savoir ce que cela désigne… Voici enfin la playlist de France Inter…

Et les consultants qui adorent marteler que les entreprises doivent « adresser » plusieurs problèmes en même temps.

Et Stéphane Le Foll, sur BFM-TV le 19 février 2017, qui, comble de la snobitude et du cosmopolitisme le plus distingué, affecte de croire que l’adjectif « divers » est invariable et affirme que « le monde agricole est très diverse ».

BFM-TV, encore, donnait un reportage sur Emmanuel Macron le 20 février 2017. On y parlait des helpers, ces jeunes gens qui l’aident, bénévolement, à marcher sur l’eau et des start-upers qui arrivent, nous dit-on au bord de l’extase, « en direct de la Silicon valley ». J’ai entendu aussi évoquer le coaching des femmes, qui nouvelles en politique auraient besoin d’être déniaisées… Les féministes apprécieront. 

Autre catégorie, celle de la « bravitude de Chine » : les néologismes personnels. M. Gilbert Collard sur BFM-TV le 24 février 2017 parle ainsi de la « tardivité » d’une décision (sur le modèle de « brièveté » et de « précocité » sans doute).