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27/03/2017

"Les Misérables T1" (Victor Hugo) : critique des spécialistes

Après mes billets de critique « personnelle » sur « Les Misérables », j’ai voulu savoir ce qu’en pensaient les spécialistes de littérature et j’ai rouvert de vieux manuels de classe, mais des années 30 et 40, pour m’extirper du modernisme.

Plus précisément, il s’agit de deux livres de Ch.-M. des Granges : « Morceaux choisis des auteurs français » et « Les romanciers français : 1800-1930) chez Hatier.

Dans ce dernier livre, le plus ancien, l’auteur écrivait ceci : « En 1845, Hugo commença la rédaction d’une œuvre énorme, Les Misérables, dont les dix volumes virent en 1862. Il donnait ainsi au public la grosse épopée populaire qu’Eugène Sue avait manquée, non par faute d’imagination, mais par défaut de style ». « Dans ses œuvres romanesques, aussi bien que dans les autres, Victor Hugo se place exactement à l’opposé du réalisme. Il n’y a pas un seul personnage vrai parmi ces colosses taillés à grands coups de hache. La composition est médiocre : elle est entravée par des digressions interminables (sic !), inspirées par quelque souci encyclopédique et par le désir d’exercer une influence sur la vie sociale et politique. Mais la puissance des descriptions permet en bien des endroits d’oublier les imperfections de la technique ».

Quant aux personnages des Misérables, ils ont pour lui « des traits grossis, dépourvus de nuances, et très propres à frapper l’imagination de ce grand public que Victor Hugo ne dédaignait pas d’atteindre ». On ne sait trop si c’est un compliment ou une critique… 

En conséquence de quoi, que choisit-il comme extrait dans ce manuel destiné à l’éducation littéraire des chères têtes blondes d’avant-guerre ? D’abord l’examen de conscience de Jean Valjean après qu’il eut volé quarante sous à un enfant, qu’il baptise « Vers la lumière » (Ière partie, livre II, chapitre XIII dans l’édition Delagrave) ; ensuite le fameux épisode de la bataille de Waterloo, « Le chemin creux d’Ohain » (IIème partie, livre I, chapitre IX). 

Dans l’autre manuel, Ch.-M. des Granges oublie le Hugo romancier pour n’étudier que le poète. « Hugo prosateur est encore un poète épique ». Et de citer un autre épisode de Waterloo, qu’il baptise « Charge de cuirassier » (IIème partie, livre I dans l’édition Hetzel). À noter que le fameux « Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine ! » se trouve dans le recueil poétique « Les châtiments » et non dans « Les Misérables ». 

Et c’est tout ; notre critique est déjà passé à A. de Vigny.

23/03/2017

Irritations linguistiques XLV : laisser-faire

Ça faisait longtemps, public, que je ne vous avais pas abreuvé de mes irritations linguistiques… Alors, sans transition, voici les dernières incongruités que j’ai découvertes.

D’abord, et à propos de cette fin de phrase « que j’ai découvertes », je constate jour après jour, que cet accord du participe passé quand le COD est placé avant l’auxiliaire « avoir » est fait de moins en moins, y compris par les candidats à l’élection présidentielle française, qu’ils soient diplômés de l’ENA ou non. 

Entrons maintenant dans le dur…

Le 22 mars 2017, j’ai entendu, vers 7 h 10, sur France Inter, un technicien du laboratoire de test des casques vélo pour enfants (dorénavant obligatoires), sis à Châtellerault, dire : « Ça laisse à réfléchir ». J’ai tout de suite pensé à ces vendeuses qui nous infligent à longueur de journées « Je vous laisse sortir votre carte bancaire » et bien sûr à « Let my people go ». En effet, en anglais, et bizarrement, l’impératif se formule avec le verbe « laisser ». Conclusion : encore un franglicisme, et inutile comme d’habitude. 

Dans le Marianne du 24 février 2017, M. Jacques Hicaubé, lecteur de son état, parlait à propos des élites et du franglais, « de trahison délibérée, de morgue, de mépris, de suffisance, etc., vis-à-vis de tous les sans-grade qui peuplent un pays qui ose encore s’appeler la France ». Il concluait sur une citation du livre d’Alain Borer, « De quel amour blessée », à propos de l’omniprésence de l’anglais : « Si l’on ne devait parler qu’une seule langue, ce devrait être le français ». C’est un peu rapide, sans doute, mais ce serait bien d’en parler à MM. Ghosn et Moscovici. Au moins, « laissez-nous » parler français ! 

Il y a une tendance à rendre transitifs des verbes qui ne le sont pas (par paresse ou pour imiter l’apparente simplicité de l’anglais ?). J’ai un exemple en tête : « signer un artiste » dans le milieu artistique. Mais bizarrement, il y a aussi la tendance inverse, à savoir compliquer : « pallier (à) une défaillance », par confusion sans doute avec « remédier à une défaillance ». Sans parler de la confusion orthographique avec le « palier » de nos immeubles.

21/03/2017

20 mars, journée de la francophonie

Aujourd’hui, 20 mars 2017, c’est la journée de la francophonie ! 

Malgré le franglais des élites et des médias (pléonasme…), malgré le slogan pusillanime et ancillaire de la candidature de Paris aux JO de 2024 (voir mes billets des 6 et 23 février 2017), malgré la clause Molière et les cris d’orfraies des ultralibéraux bruxellois (voir mes billets des 16 et 18 mars 2017), malgré la mondialisation heureuse qui uniformise la planète sur le modèle américain (voir tous mes autres billets !), la francophonie organise sa semaine annuelle (du 18 au 26 mars 2017).

Journée de la francophonie 2015.jpg

Mme Jean, directrice générale de l’OIF, est venue dans le 7/9 de France Inter le 17 mars délivrer, sans le moindre accent, son message habituel, consensuel et universaliste mais qui manque, à mon avis, d’énergie et de force d’entraînement (voir mes billets du 1er février au 10 mars 2016).

C’est l’occasion (opportunity !) de nombreuses animations et actions partout dans le monde, dont le jeu « Dis-moi dix mots » qui met en exergue dix mots de la langue française liés au numérique (avatar, émoticône, etc.). La pertinence du choix de ces mots et de leur définition ne m’a pas frappé… Voyons par exemple le mot « fureteur » (première question : en avez-vous entendu parler ? seconde question : que vient faire le père Pitou dans cette galère ?) :

Fureteur, euse

[fyʀ(ə)tœʀ, øz] nom et adjectif

ÉTYM. 1514 ◊ de fureter

  1. VIEUX Celui qui chasse avec un furet.
  2. (1611) MOD. FIG. Personne qui cherche, fouille partout en quête de découvertes. chercheur, fouilleur.

 Adj. (1806)  curieux, fouineur, indiscret. Yeux fureteurs. Regard fureteur.

- N. m. Q/C inform. FURETEUR. Logiciel qui permet la navigation, la recherche et la consultation d’information dans un système hypertextuel, principalement le Web.

navigateur, logiciel de navigation. Fureteur Internet.

CITATION « Le père Pitou approcha son nez fureteur en hochant la tête en signe d'approbation.» Au pied de la pente douce, Roger Lemelin, Éditions de l'Arbre, 1944

Comble de désorganisation, selon la Fédération France-Québec, les dix mots ne sont pas du tout ceux-là (j’ai corrigé la typographie hasardeuse de leur encart, ainsi qu’une coquille) : 

La Semaine de la Langue française et de la Francophonie 2017 aura lieu du 18 au 26 mars 2017. La thématique sera : « Dis-moi dix mots … en langue(s) française(s) ».

Dans le cadre de cette Semaine, l’opération « Dis-moi dix mots », coordonnée par le ministère de la Culture et de la Communication, invite à créer des événements littéraires ou artistiques mettant en avant dix mots de la langue française. En 2016-2017, les dix mots choisis invitent à partir à la découverte du français parlé dans les différents territoires de la Francophonie, dont deux mots du Québec :

CHAFOUIN

CHAMPAGNÉ

DÉPANNEUR

DRACHER

FADA

LUMEROTTE

POUDRERIE

RISTRETTE

TAP-TAP

VIGOUSSE

Hum… (l’emploi du mot « thématique » prête à discussion ; quant à l'idée saugrenue de parler de "langues françaises" au pluriel, elle est tout simplement aberrante).

Voyons ce que dit le site de l'OIF :

Chaque année, à la date du 20 mars, est célébrée la Journée internationale de la Francophonie.

Les 220 millions de francophones sur les 5 continents fêtent leur langue en partage et la diversité de la Francophonie, à travers des concours de mots, des spectacles, des festivals de films, des rencontres littéraires, des rendez-vous gastronomiques, des expositions artistiques...
Cette date a été choisie en référence au 20 mars 1970, marqué par la création à Niamey (Niger) de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), future Organisation internationale de la Francophonie.
Le site www.20mars.francophonie.org recense chaque année ces activités organisées aussi bien dans les 80 États et gouvernements de l’OIF que dans ceux où le français est moins parlé.

En France, les sites internet des ministères des Affaires étrangères, de la Culture et de l’Éducation nationale, présentent cet événement et le programme des manifestations (ateliers d’écriture, joute oratoire, compétitions de slam, conférences, débats, expositions, rencontres, etc.), sous le nom impropre (et anglais) d’agenda ! Non, Sire, ce n’est pas un agenda, c’est un programme !

Le parrain en est notre vieil ami Bernard Pivot, d’une part à cause de son CV et d’autre part à cause de sa réputation de tweeteur invétéré (quand je saute de joie avec 35 lecteurs, l’ami Bernard a 430000 personnes qui le suivent). Jalousie…

M. Philippe Poutou, candidat à l'élection présidentielle française, a raison : commençons par exiger que les Conseils d'administration des sociétés basées à La Défense (quartier d'affaires parisien) se déroulent en français !