09/08/2015
Sacré Charlemagne (IV) : Pédagogistes !
"Depuis trente ans, cette école centenaire qui doit tant aux valeurs de gauche, est le seul service public à avoir été à ce point soumis à une réforme permanente, au nom d'une doxa pédagogiste dominante à gauche, à laquelle la droite, intimidée, s'est pliée".
"La dernière étape - de droite - de ce long sabotage fut constituée du très médiocre socle commun de connaissances, avalisé par le gouvernement de François Fillon décrétant la culture discriminatoire dans les concours".
"L'élève ne s'ennuie plus à apprendre, on le divertit. La loi de 1989 lui a reconnu le droit d'expression dans une école devenue lieu de vie et espace démocratique. Le prof doit l'aider à exprimer ses opinions déjà géniales plutôt que l'aider à les former. Les propos débiles (entendus à la télé) ou archaïques (entendus dans sa famille) mis au même niveau que les savoirs communs éprouvés, vraie base de l'autonomie et de l'exercice de la liberté….
(NDLR : Avec la réforme du collège de Mme Belkacem), les enseignants doivent aider l'élève à manifester sa sensibilité et à questionner le monde. La langue française ne s'apprend plus - la grammaire n'est pas un dieu - mais doit faire l'objet d'une observation de l'élève-maître qui doit lui-même en dégager les régularités et en formuler les règles".
"Les effets de cette politique hostile aux savoirs et à la transmission ont pu être longtemps niés parce que ses promoteurs, survivant à tous les ministres, avaient maquillé ses résultats logiques".
"Notes supprimées en classe et relevées aux examens. Redoublements interdits. Recommandation officielle de ne plus faire lire à haute voix les élèves en classe, pour ne pas les humilier, etc.".
L'auteur de ses lignes, Éric Conan, du journal Marianne (dossier dans le numéro du 26 juin 2015), ne cite pas ses sources. Mais elles auraient pu être écrites par Natacha Polony (voir ma série de billets à son sujet en juillet 2015).
Laurent Lafforgue, médaillé Fields en mathématique, avait déjà dit en 2005 que "notre système éducatif public est en voie de destruction totale à cause des experts de ministère de l'Éducation".
Qui sont ces experts inamovibles ? les Meirieu, Baudelot, Establet, Dubet, Wieviorka, Pennac.
Et Éric Conan de conclure : "En une génération s'est effondré un système encore considéré comme l'un des meilleurs du monde au début des années 80, à l'époque où Najat Belkacem s'apprêtait à entrer au collège".
Luc Ferry, puis Vincent Peillon, ont reconnu que "les résultats des élèves français sont de plus en plus mauvais" et, comble de tout, les inégalités sociales se sont renforcées !
Mathématiquement, la baisse de niveau des élèves à partir des années 80, se retrouve chez ceux qui sont devenus enseignants… Un rapport de l'Inspection générale de l'Éducation nationale relevait ainsi en 2013 : "En primaire, la majorité des maîtres ne disposent pas des cadres théoriques minimaux, ce qui ne leur permet pas d'être lucides quant à leur pratique" (sic !) et il leur manque "des compétences importantes que la formation ne leur offre pas". Ce que confirme, par exemple, les incroyables fautes d'orthographe dans la correction de la copie d'un de ses enfants, signalées par ICB (cf. mon billet à ce sujet).
La réforme du collège, dont j'ai relayé dans ce blogue les innombrables adversaires, procède d'un processus orwellien : le système ne marche pas, on continue dans le même sens. Forcément, ce sont toujours les mêmes "experts" qui tirent les ficelles dans l'ombre !
08/08/2015
Sacré Charlemagne (III) : c'est le français qu'il faut défendre
Dans le Marianne du 26 juin 2015, Pierre Nora, historien et académicien (et accessoirement compagnon d'Anne Sinclair) a pris la plume pour apporter son point de vue sur l'état de l'Éducation nationale et plus précisément sur le mouvement en cours de défense des langues anciennes, en l'occurrence surtout le latin.
Que dit-il ? En substance que l'on peut appréhender l'antiquité latine (sa culture, sa littérature, son art de vivre, etc.) sans forcément apprendre le latin comme une langue que l'on aurait à parler ou, du moins, qui nous servirait à lire les auteurs antiques "dans le texte". Il faut absolument que la jeunesse étudie nos bases culturelles mais pas forcément le latin en tant que tel, parce que cela demande de connaître la grammaire. Or, on ne lui apprend plus la grammaire...
Pour Pierre Nora, la priorité est donc d'apprendre le français !
"Un enfant qui ne dispose, à l'entrée du collège, que de 300 mots, par rapport à son voisin qui en maîtrise 1000, est condamné d'avance. Aucun avenir scolaire ni intellectuel ni social. Les discussions autour de la réforme du collège et des programmes ne sont que du vent tant qu'on n'aura pas pris à bras-le-corps le seul problème qui compte et détermine tout le reste : la lecture, la grammaire, le vocabulaire et l'orthographe, l'expression écrite et orale...
Défendons d'abord le français !".
Au point de délabrement où l'on en est, je pense qu'effectivement, il faut sauver les meubles et revenir aux fondamentaux comme disent les économistes : apprenons à tous le français, avec l'objectif qu'ils le maîtrisent parfaitement.
Ce qui, soit dit en passant, signifie que les enfants doivent apprendre les conjugaisons et se coltiner les grands textes ; on n'a rien sans rien.
Et tant pis s'ils s'ennuient ou se sentent humiliés...
07/08/2015
Sacré Charlemagne (II) : vive la dictée !
Retour sur le dossier "Sauvons l'école" du journal Marianne (26 juin 2015).
Voici quelques morceaux choisis de l'article - accablant pour l'école d'aujourd'hui - d'Éric Conan.
D'abord savez-vous que sont organisées dans certains quartiers - populaires en l'occurrence - des "dictées des cités" ? Et que les habitants en redemandent ?
"Créée pour la première fois (NDLR : pléonasme, non ?) il y a deux ans à Argenteuil par Abdellah Boudour, responsable de l'association Force des mixités, cette initiative connaît un succès fulgurant. Ils furent des milliers en France à plancher sur des textes d'Éluard, de Hugo ou de Saint Exupéry.
Aucun de ces concours de dictée associatifs n'a eu la visite de la ministre de l'Éducation. Elle aurait pu utilement constater que leurs participants, du jeune collégien au retraité, ne souffraient ni d'ennui ni d'humiliation. Ils étaient pourtant notés et, pis !, classés pour décrocher des récompenses".
"Chassée de l'école, la dictée renaît dans la rue. Comme la discipline et la compétition, interdites de séjour en classe, sont plébiscitées dans les clubs de sport, où il faut mettre la pression. Et l'exigence et la rigueur sont sacralisées dans ces émissions de cuisine où les aspirants cuissots se mettent au garde-à-vous"...
… "Les positions pédagogistes (NDLR : de la gauche française) sur l'école - en faire le dernier lieu de la proclamation égalitaire - ne sont pas étrangères à son deuil non avoué de l'égalitarisme économique et social. Elles apparaissent en effet dans le prolongement de l'abdication du volontarisme politique socialiste avec le tournant néolibéral de 1983".
… "Ce fut l'effet Bourdieu, qui restera un exemple fascinant de la puissance et des ravages de l'idéologie dans une société non totalitaire : comment, à partir d'un bon constat du caractère insuffisamment égalitaire de l'école, la transformer en aggravant les inégalités… Mais, au lieu de proposer d'améliorer cette accession populaire insuffisante à l'élite du savoir, il suggéra d'en finir avec ce savoir élitiste jugé discriminant… Il concluait en effet que l'importance excessive accordée à la trilogie lire, écrire, compter peut, à bon droit, être considérée comme l'un des facteurs de l'échec scolaire".
Sont venus ensuite Lionel Jospin et Claude Allègre et leur loi d'orientation de 1989 prônant "L'élève au centre de l'école", à la place des savoirs et de l'acquisition des connaissances.
Résultat : "En moyenne, un élève de troisième d'aujourd'hui aura reçu dans son parcours scolaire 900 heures de français en moins que ses parents".