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29/04/2017

Retour en France : le château de Saint Saturnin

De même que la littérature, les belles demeures et les châteaux font partie de notre patrimoine, et doivent être bien sûr visités et célébrés mais aussi préservés, voire sauvés des outrages du temps et des hommes. 

Vous venez de dépasser Clermont-Ferrand sur l’autoroute A75, direction Montpellier – c’est souvent la route des vacances – et, sur la droite, vous apercevez la sortie 5 (Aydat). Prenez-la et suivez les pancartes Saint-Amant Tallende ; vous allez vite arriver à Saint Saturnin (attention aux GPS : il y a 13 Saint Saturnin en France métropolitaine) ; traversez le village en ayant un œil sur votre gauche…

Tout à coup, une rue à gauche, en épingle à cheveux et à cet embranchement, un long mur et un portail ; garez-vous prudemment, à l’envers, dans cette fausse impasse et regardez. 

IMG_6195.jpgDevant vous se dresse un imposant et magnifique château du XIIIème siècle, le château de Saint Saturnin, et sur sa gauche, l’église du village.

 

IMG_6139.jpg 

Ce château-fort doté d'un corps de logis fut construit au XIIIème siècle par la famille de la Tour d'Auvergne. Ses agrandissements et embellissements successifs, et la création de jardins aux XVIème et XVIIème siècles aujourd’hui restaurés en font une demeure seigneuriale imposante et élégante.

Les propriétaires actuels, Emmanuel et Christine Pénicaud, se sont lancés il y a dix ans dans le projet fou de redonner vie au château et de le restaurer progressivement, en s’appuyant sur la dynamique opérée depuis 1987 par leurs prédécesseurs et dans le cadre d’une « gestion désintéressée ». Il est touchant de les entendre dire que « leur vie n'y suffira pas... » ; ils se placent en continuateurs, en acteurs éclairés et en transmetteurs.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter leur superbe site internet http://www.chateaudesaintsaturnin.com/fr/chateau-saint-sa... et regarder l’émission « Des racines et des ailes » diffusée en octobre 2016 par France Télévisions. 

Aujourd’hui, l’étape à franchir est le sauvetage de la Tour des Reines qui se meurt peu à peu depuis le démontage par Richelieu en 1633, de son couronnement et de sa terrasse (cerclée sur la photo ci-dessous).

Château de St Saturnin.jpg 

Le couronnement crénelé – 2,20 m de haut et 40 cm d'épaisseur sur 43 mètres de circonférence –, a disparu ! La terrasse d'origine aussi ! La sortie de l'escalier des gardes a été modifiée. La corniche est toute déchaussée et il n'y a plus de fenêtre à la chambre de la Reine Margot ! 

La réduction progressive des subventions et l'ampleur de ce chantier estimé à 354000 €, les amènent à lancer aujourd'hui, pour la première fois, une campagne de financement participatif.

Alors, une fois n’est pas coutume dans ce blogue, voici une réclame pour cette initiative culturelle, patrimoniale et désintéressée, sous forme d’un lien avec le site

Financement participatif Saint Saturnin

dans lequel on peut contribuer à sauver la Tour des Reines.

Et pour mes lecteurs hors de métropole maintenant, n’hésitez pas à venir voir le château lors de votre prochain séjour en France, à le visiter et, pourquoi pas à y passer une nuit – une nuit de l’ancien temps avec tout le confort d’aujourd’hui.

06/04/2017

Parler français sur les chantiers III

Mes lecteurs me pardonneront, j’en suis sûr, de revenir une deuxième fois sur la fameuse Clause Molière qui, imposée dans les marchés publics, vise à exiger une connaissance minimale du français de la part des ouvriers qui travaillent sur les chantiers de nos villes et campagnes, pour des raisons de sécurité (inutile d’imposer des normes et de bannir des pratiques dangereuses si les principaux intéressés ne les comprennent pas et ne peuvent pas les appliquer).

Et j’y reviens parce que je suis tombé sur un article de Guy Konopnicki intitulé « En pierre de Molière » dans le Marianne du 17 mars 2017. Il n’est pas précisément de mon avis mais l’objectivité m’oblige à mentionner ses arguments, qui sont intéressants.

Molière.jpgEn guise d’introduction, le journaliste ironise sur la « francitude » de Molière, argument facile : « Molière était le protégé d’un roi de France né de mère espagnole, affublée d’un titre d’Autriche. La scène se passait à Versailles, où l’on érigeait alors moult édifices, en faisant venir des ouvriers parlant les divers idiomes des provinces et même des langues parlées au-delà des Alpes ». Et alors, comme dirait l’autre ? À cette époque-là, ni les États-Unis ni l’Union européenne n’existaient, la France dominait l’Europe et attirait les meilleurs ouvriers d’art, qui ne devaient pas tarder à apprendre notre langue (je le suppose).

Ensuite, c’est rare de sa part, notre pourfendeur de toute mesure protectionniste, assène un argument fallacieux, selon lequel les régions et les départements pratiquant la Clause Molière ne privilégieraient que les entreprises françaises… Et alors ? Qu’est-ce qui empêche n’importe quelle entreprise, française ou non, d’employer des ouvriers parlant français ?

Puis, glissement sémantique, Guy Konopnicki ne parle plus que d’obligation faite à des travailleurs d’être « aptes à la lecture des consignes de sécurité ». Cela change tout ! N’étant bilingue ni en anglais ni en allemand, je m’estime personnellement parfaitement capable de « lire » des consignes de sécurité dans ces deux langues, et même, en m’appliquant un peu, en espagnol ou en italien, voire en roumain !

Perfide, notre journaliste demande si, actuellement, les chantiers publics ou non, mettent en danger la vie d’ouvriers qui ne peuvent pas lire les consignes. Sans commentaire… Et de se demander « comment les Italiens, les Portugais, les Polonais ont pu survivre aux métiers qu’ils exercent en France depuis plus d’un siècle » (NDLR. J’en ai connu quelques-uns, ils parlaient tous le français…).

De fil en aiguille, il en vient à se demander s’il s’agit de privilégier les travailleurs étrangers issus de pays membres de l’Organisation internationale de la francophonie, donc « essentiellement ceux du Maghreb et de l’Afrique noire, auxquels il conviendrait d’ajouter les réfugiés de Syrie ». (NDLR. J’ai entendu très peu de réfugiés syriens dans les médias s’exprimer en français… Et l’on sait que la présence de la France et l’enseignement de sa langue en Syrie régressent depuis longtemps).

À la suite de quoi, à partir d’un argument que je n’ai pas compris : « Les entreprises françaises bénéficiant d’une priorité, au nom d’une clause de langue, ne peuvent reprendre le même critère pour embaucher leurs ouvriers », l’article devient politique (affrontement élus régionaux de droite / gouvernement de gauche). C’est donc ici que s’arrête mon billet.

06/03/2017

Préoccupations linguistiques : langues régionales

La plupart des problèmes ont plusieurs facettes qui exigent que l’on prenne son temps pour réfléchir et pour adopter une position. C’est un peu comme nos valeurs républicaines – les fameuses Liberté, Égalité, Fraternité, auxquelles certains ajoutent Laïcité – qui, utilisées à leurs limites ou retournées contre leurs défenseurs, ont des implications imprévues et parfois paradoxales. Mais revenons à nos problèmes et à leur « complexité » chère à Edgar Morin, en l’occurrence à la question des langues régionales.

Un examen rapide peut conduire à conclure qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat (ce qui, aujourd’hui, est par ailleurs devenu impossible…), soit que l’on considère que c’est la liberté de chacun de causer comme il veut, soit que l’on trouve sympathique et même formateur d’appréhender une autre culture et d’autres modes de pensée en pratiquant une langue. C’est ainsi que, bien qu’il ne s’agisse pas de langues régionales, des spécialistes considèrent qu’une philosophie africaine (ou même plusieurs) émergerait de son « carcan » occidental si elle était pratiquée au moyen d’une langue africaine (et non plus en français ou en anglais). Voir à ce sujet le séminaire organisé par Alain Mabanckou au Collège de France en mai 2016.

Revenons aux langues dites régionales, c’est-à-dire anciennes et minoritaires dans un territoire à langue nationale. Il est facile, reposant, voire démagogique ou lâche, de ne voir aucune difficulté dans la coexistence entre une langue nationale et un ou plusieurs autres langues, sur un même territoire.

Mais regardons-y de plus près car tout est dans la définition du mot « coexistence ».

Deux interventions du Courrier des lecteurs de Marianne nous y incitaient le 14 février 2014.

D’abord Mark Kerrain, enseignant et traducteur de breton se plaignait d’un article d’Éric Conan (dans le n°875) qui aurait laissé entendre que le breton « n’existerait pas » et aurait fait des « amalgames » entre « bretonitude » (le néologisme est de moi) et « haine de la France ». Notre enseignant sonnait ensuite la charge contre la linguiste Françoise Morvan et contre Jean-Luc Mélenchon qui, on s’en souvient, avait lutté vigoureusement contre la ratification de la Charte européenne des langues régionales (dont j’avais parlé dans ce blogue). Mark Kerrain concluait ainsi : « C’est donc quand nous voyons se dessiner enfin, pour le breton, la protection légale à laquelle toutes les langues européennes ont droit, que ses adversaires se déchaînent. Liberté, égalité et fraternité culturelle n’existent pas : contre le breton, on sort les revolvers et la grosse artillerie ». Quelle violence verbale ! quel excès ! Mais pas plus que pour d’autres causes « minoritaires » qui, au nom de la liberté ou au nom de l’égalité, réclament, exigent, ceci ou cela… C’est la parabole de la Chartreuse de Parme : le prisonnier aura toujours plus d’obstination à s’évader que le gardien à l’en empêcher. Donc tous les prisonniers s’évadent.

Juste en dessous, la position de Serge Cron, tout aussi rennais que l’autre, est beaucoup plus intéressante, plus argumentée et plus objective.

« L’enseignement des langues régionales est une très bonne chose pour ne pas oublier nos origines (bien sûr) et aussi parce que le bilinguisme, dès l’enfance, est une chance (à voir…). Il y a quatre-vingts ans, Léon Blum publiait une étude démontrant que le Finistère, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin étaient les départements français où l’on enregistrait les meilleurs résultats scolaires.

Néanmoins, ratifier la Charte des langues régionales pourrait impliquer que les documents administratifs soient imprimés dans les langues régionales ou que tout citoyen puisse demander un interprète à la préfecture, au tribunal…

D’autre part, pourquoi ne pas étendre cette reconnaissance au picard, au gallo, au lorrain (oh oui, oh oui !), au créole, au mahorais au kanak…? Des migrants présents depuis plusieurs générations pourraient eux aussi demander que leur langue soit reconnue dans les documents publics.

Ratifier cette charte serait sans fin. Et à quel coût ? ». 

Voilà donc la face cachée du problème : il faut aller au-delà du réflexe d’empathie bien naturelle envers ceux qui entretiennent la flamme de nos origines et envisager les conséquences. À l’heure où l’impuissance de l’Union européenne dans tous les domaines est liée en partie à sa vingtaine de langues (on compare sans cesse les 300 millions d’Américains parlant peu ou prou l’américain aux 400 millions d’Européens unis n’ayant pratiquement aucune langue commune…) et où cette même Europe, après avoir « constitutionnellement » distingué le français, l’allemand et l’anglais en tant que « langues officielles », a « pratiquement » choisi l’anglais comme langue unique de travail, est-il vraiment opportun de faire éclater l’unité linguistique de la France, acquise plutôt douloureusement du milieu du XIXème siècle au milieu du XXème ? Qu’aura-t-on gagné quand des formulaires seront écrits, non plus en deux langues comme au Canada ou au Maroc, mais en quatre ou cinq ?

Qu’a-t-on gagné avec ces panneaux routiers mentionnant en deux langues le nom des villages dans certaines de nos régions ? D’autant que, dans le Sud, les graphies sont souvent très proches…

Que gagnera-t-on en cohésion sociale à ajouter le breton et le corse aux langues inconnues que l’on entend pratiquer dans nos rues et nos trains de banlieue ?

Et que penser du prétendu intérêt à faire apprendre une langue régionale aux écoliers, à l’heure où les enfants ont un mal fou à apprendre les rudiments du français dans l’École de la République et où les copies des étudiants de licence et de master (diplôme du dispositif LMD qui aurait dû être rebaptisé « maîtrise » en France) sont truffées de fautes d’orthographe et de phrases à la syntaxe aberrante ? Sans compter que l’apprentissage de l’anglais a déjà été acté comme deuxième langue vivante…

Non, apprenons le breton ou le corse à titre de loisir culturel, comme nous apprenons la musique ou l’histoire de l’art ou le tricot (on pourrait mettre à part l’alsacien, qui permet de communiquer facilement avec nos voisins allemands et qui tient donc lieu de deuxième langue vivante) !

Et apprenons le français ! C’est un défi suffisamment difficile à relever mais dont les récompenses sont infinies.