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06/04/2017

Parler français sur les chantiers III

Mes lecteurs me pardonneront, j’en suis sûr, de revenir une deuxième fois sur la fameuse Clause Molière qui, imposée dans les marchés publics, vise à exiger une connaissance minimale du français de la part des ouvriers qui travaillent sur les chantiers de nos villes et campagnes, pour des raisons de sécurité (inutile d’imposer des normes et de bannir des pratiques dangereuses si les principaux intéressés ne les comprennent pas et ne peuvent pas les appliquer).

Et j’y reviens parce que je suis tombé sur un article de Guy Konopnicki intitulé « En pierre de Molière » dans le Marianne du 17 mars 2017. Il n’est pas précisément de mon avis mais l’objectivité m’oblige à mentionner ses arguments, qui sont intéressants.

Molière.jpgEn guise d’introduction, le journaliste ironise sur la « francitude » de Molière, argument facile : « Molière était le protégé d’un roi de France né de mère espagnole, affublée d’un titre d’Autriche. La scène se passait à Versailles, où l’on érigeait alors moult édifices, en faisant venir des ouvriers parlant les divers idiomes des provinces et même des langues parlées au-delà des Alpes ». Et alors, comme dirait l’autre ? À cette époque-là, ni les États-Unis ni l’Union européenne n’existaient, la France dominait l’Europe et attirait les meilleurs ouvriers d’art, qui ne devaient pas tarder à apprendre notre langue (je le suppose).

Ensuite, c’est rare de sa part, notre pourfendeur de toute mesure protectionniste, assène un argument fallacieux, selon lequel les régions et les départements pratiquant la Clause Molière ne privilégieraient que les entreprises françaises… Et alors ? Qu’est-ce qui empêche n’importe quelle entreprise, française ou non, d’employer des ouvriers parlant français ?

Puis, glissement sémantique, Guy Konopnicki ne parle plus que d’obligation faite à des travailleurs d’être « aptes à la lecture des consignes de sécurité ». Cela change tout ! N’étant bilingue ni en anglais ni en allemand, je m’estime personnellement parfaitement capable de « lire » des consignes de sécurité dans ces deux langues, et même, en m’appliquant un peu, en espagnol ou en italien, voire en roumain !

Perfide, notre journaliste demande si, actuellement, les chantiers publics ou non, mettent en danger la vie d’ouvriers qui ne peuvent pas lire les consignes. Sans commentaire… Et de se demander « comment les Italiens, les Portugais, les Polonais ont pu survivre aux métiers qu’ils exercent en France depuis plus d’un siècle » (NDLR. J’en ai connu quelques-uns, ils parlaient tous le français…).

De fil en aiguille, il en vient à se demander s’il s’agit de privilégier les travailleurs étrangers issus de pays membres de l’Organisation internationale de la francophonie, donc « essentiellement ceux du Maghreb et de l’Afrique noire, auxquels il conviendrait d’ajouter les réfugiés de Syrie ». (NDLR. J’ai entendu très peu de réfugiés syriens dans les médias s’exprimer en français… Et l’on sait que la présence de la France et l’enseignement de sa langue en Syrie régressent depuis longtemps).

À la suite de quoi, à partir d’un argument que je n’ai pas compris : « Les entreprises françaises bénéficiant d’une priorité, au nom d’une clause de langue, ne peuvent reprendre le même critère pour embaucher leurs ouvriers », l’article devient politique (affrontement élus régionaux de droite / gouvernement de gauche). C’est donc ici que s’arrête mon billet.

21/03/2017

20 mars, journée de la francophonie

Aujourd’hui, 20 mars 2017, c’est la journée de la francophonie ! 

Malgré le franglais des élites et des médias (pléonasme…), malgré le slogan pusillanime et ancillaire de la candidature de Paris aux JO de 2024 (voir mes billets des 6 et 23 février 2017), malgré la clause Molière et les cris d’orfraies des ultralibéraux bruxellois (voir mes billets des 16 et 18 mars 2017), malgré la mondialisation heureuse qui uniformise la planète sur le modèle américain (voir tous mes autres billets !), la francophonie organise sa semaine annuelle (du 18 au 26 mars 2017).

Journée de la francophonie 2015.jpg

Mme Jean, directrice générale de l’OIF, est venue dans le 7/9 de France Inter le 17 mars délivrer, sans le moindre accent, son message habituel, consensuel et universaliste mais qui manque, à mon avis, d’énergie et de force d’entraînement (voir mes billets du 1er février au 10 mars 2016).

C’est l’occasion (opportunity !) de nombreuses animations et actions partout dans le monde, dont le jeu « Dis-moi dix mots » qui met en exergue dix mots de la langue française liés au numérique (avatar, émoticône, etc.). La pertinence du choix de ces mots et de leur définition ne m’a pas frappé… Voyons par exemple le mot « fureteur » (première question : en avez-vous entendu parler ? seconde question : que vient faire le père Pitou dans cette galère ?) :

Fureteur, euse

[fyʀ(ə)tœʀ, øz] nom et adjectif

ÉTYM. 1514 ◊ de fureter

  1. VIEUX Celui qui chasse avec un furet.
  2. (1611) MOD. FIG. Personne qui cherche, fouille partout en quête de découvertes. chercheur, fouilleur.

 Adj. (1806)  curieux, fouineur, indiscret. Yeux fureteurs. Regard fureteur.

- N. m. Q/C inform. FURETEUR. Logiciel qui permet la navigation, la recherche et la consultation d’information dans un système hypertextuel, principalement le Web.

navigateur, logiciel de navigation. Fureteur Internet.

CITATION « Le père Pitou approcha son nez fureteur en hochant la tête en signe d'approbation.» Au pied de la pente douce, Roger Lemelin, Éditions de l'Arbre, 1944

Comble de désorganisation, selon la Fédération France-Québec, les dix mots ne sont pas du tout ceux-là (j’ai corrigé la typographie hasardeuse de leur encart, ainsi qu’une coquille) : 

La Semaine de la Langue française et de la Francophonie 2017 aura lieu du 18 au 26 mars 2017. La thématique sera : « Dis-moi dix mots … en langue(s) française(s) ».

Dans le cadre de cette Semaine, l’opération « Dis-moi dix mots », coordonnée par le ministère de la Culture et de la Communication, invite à créer des événements littéraires ou artistiques mettant en avant dix mots de la langue française. En 2016-2017, les dix mots choisis invitent à partir à la découverte du français parlé dans les différents territoires de la Francophonie, dont deux mots du Québec :

CHAFOUIN

CHAMPAGNÉ

DÉPANNEUR

DRACHER

FADA

LUMEROTTE

POUDRERIE

RISTRETTE

TAP-TAP

VIGOUSSE

Hum… (l’emploi du mot « thématique » prête à discussion ; quant à l'idée saugrenue de parler de "langues françaises" au pluriel, elle est tout simplement aberrante).

Voyons ce que dit le site de l'OIF :

Chaque année, à la date du 20 mars, est célébrée la Journée internationale de la Francophonie.

Les 220 millions de francophones sur les 5 continents fêtent leur langue en partage et la diversité de la Francophonie, à travers des concours de mots, des spectacles, des festivals de films, des rencontres littéraires, des rendez-vous gastronomiques, des expositions artistiques...
Cette date a été choisie en référence au 20 mars 1970, marqué par la création à Niamey (Niger) de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), future Organisation internationale de la Francophonie.
Le site www.20mars.francophonie.org recense chaque année ces activités organisées aussi bien dans les 80 États et gouvernements de l’OIF que dans ceux où le français est moins parlé.

En France, les sites internet des ministères des Affaires étrangères, de la Culture et de l’Éducation nationale, présentent cet événement et le programme des manifestations (ateliers d’écriture, joute oratoire, compétitions de slam, conférences, débats, expositions, rencontres, etc.), sous le nom impropre (et anglais) d’agenda ! Non, Sire, ce n’est pas un agenda, c’est un programme !

Le parrain en est notre vieil ami Bernard Pivot, d’une part à cause de son CV et d’autre part à cause de sa réputation de tweeteur invétéré (quand je saute de joie avec 35 lecteurs, l’ami Bernard a 430000 personnes qui le suivent). Jalousie…

M. Philippe Poutou, candidat à l'élection présidentielle française, a raison : commençons par exiger que les Conseils d'administration des sociétés basées à La Défense (quartier d'affaires parisien) se déroulent en français !

16/01/2017

Ah, le cher homme (Macron, Humboldt et Bock-Côté)

Il s’insurge contre la fascination « indécente » du système médiatique français pour Emmanuel Macron ; ce n’est pas pour cela que je l’aime.

Il collabore régulièrement au Figaro ; ce n’est pas pour cela non plus…

Il est sociologue et chargé de cours à HEC Montréal ; non plus.

Il est Québécois, ça pourrait être une raison mais non…

Non, je me suis exclamé « Ah, le cher homme ! » quand j’ai lu l’article de Mathieu Bock-Côté dans le Figaro de la semaine dernière, intitulé « Emmanuel Macron, ou le délire de l’anglomanie des élites françaises » (soit dit en passant, c’est un titre à la Beaumarchais…). 

Marx.jpg Planck.jpg Heine.jpg Benjamin.jpg

Ce monsieur, qui doit lire « Le bien écrire » depuis qu’il est tout petit, a trouvé « loufoque » que Emmanuel Macron, en conférence de campagne à la Humboldt Universität (l’université la plus prestigieuse de Berlin, celle qui a vu passer les plus grands esprits du XIXème siècle et du début du XXème, ainsi que quelques belles rebelles), s’adresse aux Allemands… en anglais ! 

Angela Davis.jpg Warburg.jpg Von Braun.jpg Mendelssohn.jpg

Quel snobisme, quelle soumission à l’Empire, aurais-je écrit dans mon blogue si M. Bock-Côté m’en avait laissé le temps ! Quel délire anglo-maniaque, écrit-il dans son article ! Nous sommes bien sur la même longueur d’onde. 

Il faudrait tout citer de cet article, je me contenterai de ces quelques passages :

« À notre connaissance, l’anglais n’est pas encore la langue nationale en Allemagne ».

« Derrière ce choix, il y a peut-être une mode mais surtout une malheureuse démission culturelle ».

« Cet européiste croit manifestement que c’est en anglais que se construira l’Europe ».

« Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment italien, allemand et français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé et écrit en quelque espéranto ou volapück intégré » (Charles de Gaulle).

« Comment ne pas voir dans l’anglomanie des élites françaises une forme de dévalorisation de soi, comme si le français était la langue d’un monde déclassé ? ».

« On s’inquiète aujourd’hui avec raison pour la diversité du monde, compromise par une culture globale imposant ses codes dans toutes les capitales. N’est-ce pas justement la vocation singulière de la France d’incarner une résistance à cet impérialisme qui ne dit pas son nom ? ». 

Et il conclut : « Hélas, en renonçant à incarner la France à l’étranger, en réservant finalement la langue française aux nationaux, désormais traités comme des provinciaux inadaptés aux exigences de la mondialisation, Emmanuel Macron révèle l’idée assez pauvre qu’il se fait du pays dont il veut être le président ». 

Oui, probablement, M. Macron se fiche de toutes ces considérations. Et si son discours en anglais n’était que de la frime, uniquement destinée aux médias français, aux bobos de Paris et aux gogos d’ailleurs ? 

Je suis content que ce soit un Québécois qui l’ait dit.

Vive le Québec… !