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02/05/2016

Irritations linguistiques XXV : Cheffe, Président, franglais et foot

Vu à la télévision le 14 avril 2016 dans l’émission d’échanges entre M. François Hollande, Président de la République, et des citoyens choisis par France 2 : une (jeune) patronne de jeune pousse est affublée, en sous-titre, du titre de « Cheffe d’entreprise »… Peut-être un effet de la féminisation des titres et qualités (mais je n’ai pas vérifié si « Cheffe » faisait bien partie des recommandations…) ou un effet de mode ou bien le zèle d’un assistant de la chaîne ? Cela étant, on aimerait que le féminisme aille s’exercer – et avec virulence – sur d’autres terrains bien plus fondamentaux (j’allais dire : radicaux…) ; malheureusement on ne l’y entend guère, sous le prétexte commode de respecter la liberté des femmes !

Tiens, à propos de « Président »… voici ce que rappelait Ernest Renan dans ses « Souvenirs d’enfance et de jeunesse » : « On s’est habitué, de notre temps (NDLR : nous sommes en 1883 !), à mettre monseigneur devant un nom propre, à dire monseigneur Dupanloup, monseigneur Affre. C’est là une faute de français ; le mot monseigneur ne doit s’employer qu’au vocatif ou devant un nom de dignité. En s’adressant à M. Dupanloup, à M. Affre, on devrait dire : monseigneur. En parlant d’eux, on devrait dire : monsieur Dupanloup, monsieur Affre, monsieur ou monseigneur l’archevêque de Paris, monsieur ou monseigneur l’évêque d’Orléans » (Folio Classique n°1453, page 154). Est-ce que l’ancienneté de la faute doit tempérer notre agacement devant les formules journalistiques comme « le Président Hollande », que j’attribuais à une influence américaine récente ?

Par ailleurs le franglais continue ses ravages ; il n’y a pas une semaine pendant laquelle des journalistes n’introduisent pas l’une de ces expressions « qui font bien » (du moins à leurs yeux), systématiquement à consonance et à syntaxe anglaises ; ainsi, depuis plusieurs mois, ils usent et abusent des constructions sur bashing : French bashing, Hollande bashing, etc.

Supporters de foot.jpgJ’ai l’impression que toute nouveauté, réelle ou proclamée, que ce soit dans le domaine technologique, sociétal, géopolitique ou autre, est maintenant affublée d’un nom anglais. Ce n’est plus une simple manie ou du snobisme, c’est un réflexe. Dernier exemple en date : BFM TV rend compte du débat autour d’un nouveau portique censé permettre de filtrer les spectateurs à l’entrée des stades de l’Euro 2016 ; et de nous parler des fan zones 

Comme le chantait Maxime Leforestier dans les années 70 : « Ça sert à quoi tout ça, ça sert à quoi tout ça ? Ne me demandez pas de vous suivre… ».

Et la francophonie, dans tout cela ? On n'en parle guère dans les médias… Ah, si ! France Inter a une toute petite rubrique sur l'actualité dans les pays francophones le dimanche à 6 h 15. Qui l'écoute régulièrement ?

Remarque : j’ai découvert récemment que Jean-Paul Sartre avait publié sous le titre « Situations » (I, II, III, etc.) des recueils de critiques de livres. C’est bien involontairement que j’ai repris ce nom générique avec mes « Irritations » (I à XXV…) pour regrouper des « brèves » au sujet de la langue française. Bien évidemment, aucun de mes billets, même ceux qui se piquent de critique littéraire, n’a la prétention ni même l’ambition d’arriver à la cheville du grand philosophe existentialiste… De même, Albert Camus a publié une série de "Carnets" (I, II, III)...

25/04/2016

L'Académie française m'écrit (sur le transfèrement)

Vous savez tous, depuis mes billets « Dis pas ci, dis pas ça », que l’on peut interroger le Service du Dictionnaire de l’Académie française sur tel ou tel point de la langue (vocabulaire, orthographe, grammaire).

C’est ce que j’ai fait à propos du mot « transfèrement » qu’utilisent les journalistes quand ils parlent des terroristes arrêtés et dont on attend l’extradition. Quand il s’agit de football, ils parlent de « transfert », dans le cadre du fameux Mercato. Quel est donc l’usage correct ?

Voici la réponse que j’ai obtenue :

 

De : dictionnaire <dictionnaire@academie-francaise.fr>

Objet :         D.1886 transfèrement

Date :         4 avril 2016 15:36:49 HAEC

À : l’animateur du blogue « Le bien écrire »

        Monsieur,

Le mot transfèrement est attesté avec le sens de "fait de transférer une personne d'un lieu de détention à un autre" depuis 1704. Il figure dans la 7e et la 8e édition du Dictionnaire de l'Académie française. Les deux termes sont synonymes, mais transfert peut s'employer dans de nombreux contextes alors que transfèrement ne s'emploie que pour une personne détenue.

17/03/2016

Semaine de la langue française, CSA et Alain Mabanckou

Nous sommes dans la semaine de la langue française… et personne ne s'en aperçoit ?

Mais si !

D'abord, Alain Mabanckou était sur France Inter ce matin à l'occasion de sa Leçon inaugurale, ce soir, au Collège de France (voir mon billet à ce sujet) ; son entretien avec Patrick Cohen était passionnant. Il a plaidé l'ouverture du français de France au monde entier et, en particulier, à l'Afrique, rappelé les liens indissolubles issus de l'histoire coloniale et son attachement à la fois aux grands auteurs français et à la littérature africaine. Comme nul n'est prophète en son pays, il a déploré l'absence du ministre de la Culture congolais aux côtés de ses homologues français, suédois, hongrois, et de la secrétaire générale de la Francophonie… Un grand moment, à savourer en rediffusion sur le site de France Inter.

Ce n'est pas tout !

AL, toujours vigilante, m'a signalé une campagne du CSA contre l'usage envahissant du franglais ; la vidéo en question m'a fait plaisir car elle reprend un thème que j'utilise depuis des années : "accro au franglais, nul en anglais". Signe des temps, c'est une femme qui est parfaitement bilingue (et sûre d'elle), alors que le jeune homme, qui essayait de se mettre en valeur (en attendant autre chose sans doute…) ne sait que jargonner son pauvre discours pseudo-moderne. Qu'on se le dise : draguer en franglais, c'est mort !

Ah, voici le lien : Dites-le en français (CSA)

Dites-le en français.jpg