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26/04/2019

"Macron, un mauvais tournant" : critique V

Il est encore temps, alors que la conférence de presse « refondatrice » de M. Macron ne date que du 25 avril 2019, de publier quelques extraits de plus du livre des Économistes atterrés.

La partie 4 s’intitule : « Travail : satisfaire le patronat ». Sa thèse est que, depuis 20 ans, le patronat français a obtenu des Pouvoirs publics à peu près tout ce qu’il demandait.

Morceaux choisis… « La France n’a jamais réussi à avoir un dialogue social satisfaisant. Le patronat n’a pas vraiment accepté l’existence des syndicats (…). En 1999, le MEDEF publie un projet de refondation sociale, qui demande la primauté des accords entre partenaires sociaux, sur la loi (…). Le MEDEF refuse la cogestion des entreprises mais réclame que les patrons cogèrent l’État » (page 102). Ce projet valorise le chef d’entreprise mais ignore les parties constituantes (salariés) et les parties prenantes (fournisseurs, clients).

Quand on lit les revendications de ce texte (voir page 103), on constate qu’à l’automne 2018, avec la loi Travail (Macron 2) – inversion de la hiérarchie des normes, durée du travail, contrat de travail, seuils sociaux –, les patrons ont effectivement tout obtenu, sans manifestation de rue ni naturellement de violence…

La partie 5 aborde la politique budgétaire, qualifiée d’inégalitaire par les auteurs. On y trouve un paragraphe sur l’ISF, dont le rétablissement a été réclamé en vain par les Gilets jaunes. Il rapportait près de 5 Mds € en 2016 (et non pas 3,5 comme je l’ai entendu répété par le représentant d’En Marche dans « Le grande confrontation » sur la chaîne LCI). Notant les nombreuses exonérations et abattements dont il était accompagné, les Économistes atterrés considèrent que « Il est légitime que, à côté d’une taxation des revenus, il existe une taxation des gros patrimoines qui profitent largement de l’organisation sociale. Malencontreusement, le total IR+ISF était plafonné à 75 % du revenu déclaré, ce qui incitait les plus riches à accumuler des plus-values latentes dans une société créée à cet effet pour détenir leurs titres, à déclarer très peu de revenus (donc à bénéficier du plafonnement) et à prétendre vivre à crédit (en utilisant les titres accumulés comme garantie) » (page 134).

On sait maintenant que la campagne contre l’ISF et son argumentation ont porté leurs fruits, puisqu’il a été supprimé (avec un an d’avance) et n’a pas été rétabli hier soir. L’un des arguments était qu’il faisait fuir les meilleurs d’entre nous à l’étranger ; or le solde net n’est que de 500 fuyards par an, soit 0,2 % des personnes assujetties, et leur âge moyen de 57 ans ! Le paragraphe sur les salaires, les retraites et le pouvoir d’achat est également instructif : « Les salariés ne pourraient plus avoir de hausses de salaires financées par leur entreprise (et donc par leur travail). Les hausses de salaires devraient être financées par des baisses de cotisation (donc de prestations sociales) ou des baisses d’impôt (donc de dépenses publiques) » (page 156).

22/04/2019

Enfin une norme française pour des claviers enfin francisés

Marie-Estelle Pech signale dans les actualités France du Figaro du 3 avril 2019 qu’une norme française sur les claviers va enfin faciliter l’accentuation des majuscules (que rien n’interdit, bien au contraire pour une meilleure lisibilité, sauf les instituteurs des années 60, pour une fois très mal inspirés – en attendant que la méthode globale leur tombe sur la tête, mais c’est une autre histoire), ainsi que l’utilisation des signes diacritiques (œ, Ç, etc.) et les guillemets français («... »).

Apparemment (mais il faut dire que nos députés préfèrent s’intéresser à la fessée dans les chaumières…) la France était l’un des rares pays européens à ne pas disposer d’une norme nationale en la matière (je ne sais pas ce qu’il en est au Québec). Comme quoi, on n’est jamais les derniers à suivre l’Europe quant il s’agit de privatiser à marche forcée ou à battre notre coulpe quant on nous fait des remontrances sur l’interdiction du voile intégral mais, en revanche, quand il s’agit de se protéger comme les autres et de défendre notre langue – déjà massacrée par internet – on prend tout son temps…

Ne boudons pas notre plaisir, c’est un événement important et une très bonne nouvelle. Avec quelques bémols cependant :

  • Une norme n’étant pas obligatoire (contrairement à ce que pensent les gens et contrairement à l’usage que font du mot les hommes politiques, dans le sens de « réglementation », pour le coup obligatoire…) ;
  • Il faudra donc attendre que tel ou tel fabricant (taïwanais ?) nous propose un clavier respectant cette norme ; et même dans ce cas, les entreprises et les administrations l’adopteront-elles ?
  • Cette « révolution » n’est en fait qu’une première évolution car il s’agit pour l’instant uniquement « d’ajuster la disposition de certaines touches », l’optimisation ayant été faite par ordinateur et suite à une enquête publique ;
  • On sera encore loin du clavier bépo parfaitement adapté à la langue française et ergonomique (peut-être une deuxième norme ?)

Les normalisateurs ont évalué la durée d’adaptation à ces deux types de clavier : de quelques heures à trois semaines.

La norme va plus loin que nos caractères diacritiques puisqu’elle intègre le fameux point médian « ž » (non pas celui de la tristement célèbre écriture inclusive mais celui des graphies en catalan et en gascon…) et le n tilde « ñ » (utile en basque et en breton). Soit dit en passant, cette « extension » est curieuse alors que les langues régionales n’ont pas droit de cité. Plus généralement la norme permettra de saisir tous les caractères des langues à alphabet latin du continent européen, dont évidemment l’allemand, l’espagnol et le portugais.

21/04/2019

"Macron, un mauvais tournant" : critique IV

Le report réitéré des mesures envisagées par M. Macron pour répondre à la crise me donne du temps supplémentaire pour vous donner encore quelques extraits du livre « Macron, un mauvais tournant » des Économistes atterrés (paru en 2018, avant le 17 novembre…).
Dans la partie 3, « Réformes structurelles : liberté, concurrence, finance », on trouve, outre un rappel de faits bien connus comme l’explosion de la rémunération des hauts dirigeants et l’augmentation des inégalités (les fameux 0,01 %, à savoir 3000 ultra-riches en France) quelques considérations intéressantes sur l’actionnariat des entreprises :
• Ces hauts dirigeants, disposant d’informations exclusives sur la santé réelle de leur entreprise, arrivent à berner leurs propres actionnaires (voir les affaires Enron ou Vivendi) ;
• L’évolution depuis les Trente Glorieuses s’est faite à rebours de « L’euthanasie progressive des rentiers » ardemment souhaitée par Keynes ;
• « La firme actionnariale joue contre les salaires. Mais elle joue aussi contre l’investissement. Le gouvernement français, en taxant moins les placements financiers (…), prétend encourager celui-ci (NDLR : l’investissement). Mais c’est oublier que le capital des chefs d’entreprise (…), comme celui des cadres dirigeants investi dans leur entreprise, était déjà exempté d’ISF. C’est oublier aussi que l’essentiel des achats d’actions en Bourse s’effectue sur le marché secondaire (…), ce qui ne rapporte en conséquence aucune ressource aux entreprises » (page 62).

Les auteurs s’intéressent ensuite au secteur public, à sa légitimité, à son périmètre et à son efficacité, à l’heure où l’exécutif, si l’on en croit les éléments qui ont filtré dans les médias, songent à échanger des baisses d’impôts (pour qui ?) contre un nouveau rabotage des services publics (lesquels ? où ?).
« Alors que des dizaines de rapports d’inspiration libérale – dont l’outrancier rapport Attali de 2008 par lequel Emmanuel Macron a fait ses premières armes – se sont succédé pour plaider en faveur de ces privatisations, frontales ou rampantes, on en compte bien peu en faisant un bilan sérieux (NDLR : de ces privatisations) et précis en termes de qualité du service rendu, mais aussi de coûts.
Le Royaume-Uni, sous un gouvernement conservateur qui plus est, a décidé de ne plus recourir à de nouveaux partenariats public-privé (dénommés Private Finance Initiative outre-Manche), dont il était pourtant le champion, cela suite à des rapports accablants sur leurs résultats » (page 73).

À quand un moratoire sur ces montages en France ?