06/05/2019
Féminisation de la langue française : "la baguette, il est chaude"
Ceci est ma contribution au débat sur la féminisation – voulue par certaines, décriée par tous les autres – de la langue française : sortant d’une boulangerie, j’ai entendu un père dire à son gamin « je peux pas te donner du pain tout de suite ; la baguette, il est chaude » !
Cette absence d’accord en genre du pronom, je pensais que c’était l’apanage des francophones étrangers, africains surtout, dont la langue maternelle, peut-être, n’en était pas pourvue. Ou encore de certains milieux populaires peu éduqués. Les phrases du style « les filles, i z’aiment bien se maquiller »… Mais non, la preuve par la boulangerie que le retour vers « le masculin faisant office de neutre » est largement répandu en France métropolitaine.
Ce n’est pas tout ! Je note la disparition de plus en plus fréquente de l’accord en genre du participe passé avec le sujet du verbe : « les filles sont soumis à rude épreuve » et « ces photos des filles que j’ai pris ».
Faisons-nous tout de suite l’avocat du diable (féministe radical) : dans le second cas, ces dames diront que c’est la paresse (ou bien le souci d’aller vite) qui fait que l’on simplifie la langue, « à l’anglaise », pourrait-on dire. Et dans le premier, que ce n’est qu’une illustration supplémentaire du machisme qui vise à tout ramener au masculin. Certes…
Mais il est tout de même étonnant qu’au moment où quelques-unes veulent absolument accorder au féminin les adjectifs épithètes d’une énumération – « les hommes et les femmes sont belles » – et ajouter des ".e" partout, et donc orienter la langue dans un sens militant, des kyrielles d’autres personnes, chaque jour, sans y prêter attention, la ramènent dans l’autre sens.
07:03 Publié dans Actualité et langue française, Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)
04/05/2019
George Orwell et les Gilets jaunes
« Il (Orwell) misait, au contraire, sur les croyances spontanées et les manières de vivre des gens simples ; il les opposait à la fois aux élites dirigeantes traditionnelles – égoïstes et incapables - et aux intellectuels donneurs de leçons. De ces derniers, il écrit dans "Le lion et la licorne", ce sont des gens qui vivent dans le monde des idées et ont très peu de contacts avec la réalité matérielle. Il pensait que la méfiance spontanée des gens simples envers l’autorité ferait barrage à la montée des régimes autoritaires et totalitaires dont il était l’un des témoins les plus lucides de son temps ».
(Extrait, déjà cité dans mon blogue, de Bruce Bégout, philosophe spécialiste de Husserl et auteur de « De la décence ordinaire » aux éditions Allia dans l’émission AVOIR RAISON AVEC GEORGE ORWELL par Brice Couturier, France Culture 3 juillet 2017).
N'est-ce pas furieusement d'actualité ?
07:04 Publié dans Actualité et langue française, Écrivains, Orwell George, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
29/04/2019
Quelle langue de travail pour l'Europe ?
À lire dans les Échos du 3 avril 2019, un article intéressant de M. Frédéric Sicard, avocat. La question : au moment où les Anglais vont (peut-être) quitter l’Union européenne (entraînant avec eux les Écossais contre leur gré), quelle doit être sa (nouvelle ?) langue de travail ?
J’ai déjà évoqué cette question très importante dans mon billet du 23 mars 2019 à partir des positions de M. Yves Montenay et de Mme Élisabeth M. Wansbrough-Abdi que je partage. Il est rassurant de constater que quelques beaux esprits s’intéressent à la chose.
Tout le problème vient de ce que « Les textes européens exigent que la langue de travail soit l’une des langues officielles d’un des États membres ». Donc ce ne peut pas être le chinois ni le russe et pas encore, Dieu soit loué, le turc. Mais l’élément-clé est que la Grande-Bretagne, si elle part, partira avec sa langue parce que « l’Irlande a choisi le gaélique et Malte, le maltais » ! Donc, soit on change la règle, soit on change de langue de travail (je parie, quant à moi, que les Européistes néo-libéraux acharnés qui nous gouvernent, vont changer la règle, et même peut-être subrepticement, mais M. Sicard analyse la chose de façon moins polémique).
L’avantage d’abandonner l’anglais est double : obliger l’administration européenne à traduire les projets de texte AVANT de les adopter, et non après comme c’est le cas actuellement ; moins produire de textes, pour compenser le ralentissement dû aux traductions.
Pour remplacer l’anglais, deux candidats : l’allemand (qui est la langue maternelle la plus parlée) et le français (parlé en Belgique, au Luxembourg – et à Strasbourg – et enseigné dans de nombreux pays). M. Sicard ajoute un avantage : le français est la langue native du droit napoléonien, le droit continental européen (dont les concepts sont connus et compris dans pratiquement tous les États membres). Personnellement je serais étonné que les Allemands et surtout les Néerlandais acceptent que le français prenne cette place vacante, et M. Macron n’a pas montré beaucoup de persévérance, sinon de volonté, à promouvoir la langue française (pas plus d’ailleurs que ses propres idées de « réforme » de l’Union…).
Le juriste qu’est M. Sicard propose autre chose, que je rapprocherai de la méthode canadienne (chacun s’exprime dans sa langue) et aussi de l’aphorisme de Umberto Eco (la langue de l’Europe, c’est la traduction) : abandonner la méthode de « la langue de travail » et « adopter le style d’une société multi-culturelle (oh l’horreur !) et multilinguiste ». il suggère « d’adopter un style de rédaction compatible avec toutes les langues de l’Union », mais je ne vois pas ce que cela peut signifier.
En tous cas, la question méritait d’être posée. Mais qui s’en occupe ?
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Société | Lien permanent | Commentaires (0)