11/04/2019
Le roi est mort, vive la reine
Dans le Marianne du 11 janvier 2019, le blogueur Samuel Piquet nous livre une amusante chronique sur la dernière lubie des féministes qui souhaiteraient féminiser, à défaut du mot « Épiphanie » (ce qui est impossible par construction), la tradition culinaire elle-même qui y est attachée : il paraît que certaines étiquettes affichaient « galette des roiseines »…
Il cite le linguiste Alain Bentolila : « Le genre en français n’a rien à voir avec le sexe (…) Voir dans une convention morphologique fondée sur le pur arbitraire linguistique, un complot machiste manifeste une totale ignorance des faits linguistiques ».
Son article est hilarant – si la cause moquée n’était pas consternante – et se conclut par cette paraphrase de Pascal : « Un.e roi.eine sans divertissement est une ho.femme plein.e de misère ».
Mais à quoi servent les arguments savants, logiques, dépassionnés ? À rien ; il vaudrait sans doute mieux passer toutes ces demandes aberrantes sous silence, afin de ne leur faire aucune publicité.
Moins drôle mais tout aussi consternant, la nouvelle lubie de certaines féministes : lutter contre le masculinisme supposé de la langue française. Un autre linguiste, Jean Szlamowicz, signalait dans Figaro Vox, le 3 avril 2019, un tweet de l’association « Osez le féminisme » dans lequel elle souhaitait « rendre femmage » (au lieu de « hommage ») à la cinéaste Agnès Varda.
Il fait remarquer que « dans l’usage, le mot hommage ne fait pas référence à l’homme ». on a donc l’impression que l’exercice consiste, comme dans la technique de récriture en informatique, à remplacer systématiquement « hom » par « fem »… Une langue vivante évolue certes mais pas suite aux caprices délirants de minorités.
Jean Szlamowicz estime que « c’est un coup de force symbolique qui n’a d’autre effet que de rendre la cause détestable par sa futilité » et que « cela constitue une intimidation sexiste qui tente de cliver la société pour créer deux camps opposés ».
Dans la même veine, on a déjà eu le cas du mot « patrimoine ». Et on s’épuise à contrer chaque initiative par des raisonnements étymologiques : « Que patrie et Patricia soient dérivés de pater n’en fait pourtant pas des mots masculins ou masculinistes ».
« Homme » vient de humus, c’est pour cela que le mot possède une nuance universelle (les droits de l’homme…) et qu’il se distingue de l’idée de virilité.
« Le vrai féminisme ne consiste pas à inventer des interprétations symboliques mais à s’attaquer aux injustices. Pourquoi ne pas s’en prendre à la misogynie réelle que représente le voile islamique, par exemple ? » (voir le cas de l’avocate iranienne Nasrine Sotoudeh condamnée pour avoir défendu des femmes qui avaient enlevé leur voile, ce qui est considéré comme une incitation à la débauche), « mais aussi les violences, l’excision, les mariages forcés ».
Sa conclusion est ironique et désabusée : « On peut imaginer qu’elles (les femmes saoudiennes) se consolent de leur manque de liberté en constatant que des militants français luttent courageusement contre les suffixes masculins en défiant l’autorité de leur correcteur orthographique » !
« Quand on se soucie aussi peu des conditions sociales réelles des femmes, on n’œuvre pas à leurs droits mais on relativise radicalement l’importance des situations concrètes ».
Encore une fois, j’ai hésité à colporter ce genre de divagation (féministe), dont peu de gens ont eu connaissance heureusement, car c’est leur faire de la publicité indue. En revanche, j’ai plaisir à mentionner le livre de ce linguiste, « Le sexe et la langue », présenté comme « une petite grammaire du genre en français, où l’on étudie écriture inclusive, féminisation et autres stratégies militantes de la bien-pensance ».
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Règles du français et de l'écriture, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
04/04/2019
Le français restera avec l'anglais la seule langue mondiale
Dans son rapport annuel, l’Organisation internationale de la francophonie indique que le français restera avec l’anglais la seule langue mondiale, c’est-à-dire parlée sur quatre continents (Amérique, Europe, Afrique et Océanie) et que le nombre de locuteurs pourrait passer en cinquante ans de 300 à 480 millions, voire à 750 millions si la politique linguistique (l’enseignement) est dynamique et ce, grâce à la démographie de l’Afrique.
Actuellement il n’y a que 235 millions de personnes qui « vivent en français », même si le français est la seule langue officielle dans 14 pays, co-officielle dans 17 autres, et s’il est langue dominante dans l’enseignement, l’administration, les médias ou le commerce dans une cinquantaine de pays.
Le « classement » des langues en termes de locuteurs est le suivant : l’anglais, le chinois (mais parlé dans un seul pays), l’espagnol (mais sur deux continents seulement) et l’arabe (mais avec plusieurs variantes) devancent le français.
Son Directeur de l’Observatoire de la langue française, M. Alexandre Wolff, considère que la force du français est sa cohabitation avec d’autres langues dans de très nombreux pays du monde (Canada, Suisse, pays africains…).
Il convient néanmoins d’être persévérant dans la promotion du français car l’exemple récent du Rwanda qui l’a remplacé par l’anglais comme langue prioritaire de l’enseignement et celui plus ancien de l’Algérie avec l’arabe, ont de quoi inquiéter.
Autre danger : la créolisation qui ferait « éclater » la langue française.
Source : le Figaro
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Francophonie | Lien permanent | Commentaires (0)
28/03/2019
"Féminisation des titres et des métiers : l'Académie française cède au conformisme" (Bérénice Levet)
Je vais essayer de vous faire partager la qualité et l’argumentation de l’article que Mme Bérénice Levet a publié dans le Figaro du jeudi 7 mars 2019.
Elle s’indigne et se désole, comme beaucoup d’entre nous, de ce que l’Académie française s’est ralliée, après que des esprits aussi puissants que Claude Lévi-Strauss et Georges Dumézil y avaient résisté dans les années 80, à la demande de l’une des revendications identitaires les plus pressantes, la féminisation de la langue française, en l’occurrence celle des titres et des noms de métier (en attendant sans doute malheureusement de futures modifications, inclusives ou autres).
Ce qui frappe dès l’abord dans l’article de Mme Levet, c’est la qualité de sa langue. C’est le minimum, direz-vous ! Peut-être, mais quel plaisir de lire des phrases bien balancées, des mots bien choisis, des développements bien construits !
Voyons maintenant son argumentation.
Elle considère que l’Académie a cédé au conformisme et que ce ralliement tardif – ce renoncement à résister aux pressions et à la mode – est une défaite de l’esprit critique et du génie de notre langue.
Il est vrai que l’on voit fleurir depuis quelque temps dans les médias bienpensants des « cheffes de service », des « auteures » et des « écrivaines » à longueur de colonnes. Ces médias ont évidemment salué le renoncement de l’Académie, qui enlève un soutien de poids à ceux qui résistaient.
Il y a le cas d’espèce (féminiser les titres et noms de métiers) qui, au total, ne changera pas radicalement notre façon de vie et qui même, éventuellement, pourrait bien « ne pas prendre » (cf. la simplification de l’orthographe, qui était plus utile et qui a été largement ignorée)… Et il y a, beaucoup plus grave, l’arrière-plan de cette réformette. Mme Leret le souligne bien : « Notre pays est la proie de revendications identitaires toujours plus véhémentes, qui travaillent à le décomposer en une myriade de communautés et d’individus ».
Pourquoi l’exigence d’une langue féminisée en est-elle l’un des avatars ? Parce que, le français n’ayant pas de « neutre », c’est le genre masculin (et non pas le sexe !) qui en tient lieu. Comme l’écrit Mme Levet, quand une femme lit « Tous les hommes sont mortels », elle comprend bien qu’elle est concernée ! En 1984, les Immortels voyaient un funeste contresens dans le fait de confondre « genre grammatical » et « sexe biologique ». C’est ce qui a fini par faire triompher l’exigence de mettre le plus possible de féminins à côté (on a envie d’écrire : en face…) des masculins (écrivain / écrivaine, etc.). Il est vrai qu’aujourd’hui certains revendiquent de choisir leur sexe et aussi leur genre… Transformer les mots est alors peu de chose en comparaison de ces transformations d’un autre ordre. Mais encore une fois, le débat n’est pas là puisque l’utilisation du masculin pour dire le neutre est purement conventionnelle.
Il y a de nombreuses années, travaillant avec Mme Odile M., j’avais eu la surprise (éphémère) de l’entendre refuser qu’on l’appelle « Directrice de laboratoire » ; elle tenait au titre de « Directeur ». Une précurseuse !
Donc l’Académie recule. Elle recule devant la pression d’un féminisme jusqu’au-boutiste, importé des États-Unis (comme d’habitude) et, ce faisant, elle perd son rôle de « garant », de « rempart », de « juge de paix ». Si, comme elle ose l’écrire aujourd’hui, son statut est d’être un « simple greffier de l’usage », à quoi sert-elle donc ?
Regardons-y de plus près : elle élit des « personnalités de la langue » qui sont loin d’être tous des écrivains de premier plan ; elle élabore un Dictionnaire-Arlésienne sans avoir aucun linguiste dans ses rangs (sauf erreur de ma part). Si maintenant elle se contente de légitimer, avec trois ou quatre ans de retard, tout ce que la société produit en permanence en termes d’innovations langagières, à quoi sert-elle donc ?
En France, l’universalisme veut que l’on ne soit pas assigné à son sexe (ni à son origine ni à sa religion, etc.). Cette mesure de féminisation va à rebours, c’est bien dommage.
Que dire d’autre ? Que Mme Levet est docteur en philosophie et enseignante, qu’elle a publié « Libérons-nous du féminisme » (Éditions de l’Observatoire, 2018) et « La théorie du genre » (Livre de poche, 2016) et… qu’il faut lire son article dans FigaroVox !