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17/09/2014

Une lectrice m'a écrit

Eh oui, cher public, certains lecteurs du blogue font des commentaires ; ils sont peu nombreux jusqu’à présent, il est vrai.

Voici donc les commentaires reçus d’une lectrice, ICB. J’ai reproduit mes réponses en italiques.

ICB : Pour faire court sur les compliments, je trouve les billets globalement intéressants et utiles.

Je n'ai pas lu tous les billets depuis l'ouverture du blogue, donc mes remarques portent sur une quinzaine environ, depuis mon retour de vacances.

Certaines phrases sont longues et « riches », à savoir compliquées pour le Français moyen, avec du vocabulaire peu usuel, voire pointu. Exemple dans le billet « C'est pas une métaphore, c'est une périphrase ! » : « On sera d’accord avec lui que ces expressions, qui évoquent l’abstrait avec des mots concrets (« manger du lion »…), font le sel de notre langue, évitent l’emphase et le nébuleux, sont immédiatement accessibles à tous et permettent de réagir contre l’appauvrissement lié au globish."

L’animateur du blogue (moi) : C'est vrai, je m'en suis rendu compte en l'écrivant... j'aime bien les belles phrases « à la Proust » mais par ailleurs, je professe la concision, avec des phrases de 15 mots... Je vais me surveiller.

ICB : Ma seconde remarque porte sur la difficulté que j'ai parfois à aller jusqu'au bout des billets. Je préfère, et de loin, les billets courts. Exemples : « Les merveilleuses exceptions du français. Quatrième partie : facéties orthographiques » (2 septembre 2014), a une longueur parfaite, alors que le billet « Réformes de l'orthographe : chapitre I Principes », est un peu long, je m'arrête avant la fin. Quant au billet du 8 septembre, il me fait peur, je ne l'attaque pas, malgré un titre accrocheur.

La durée de lecture ne doit pas excéder la minute à mon avis.

Moi : Oui, bien sûr, j'en suis conscient. Il faut que je tranche entre billet court et thèse de doctorat ! Depuis le début, je vise à faire court (peut-être que « une page affichée » doit être le maximum) et je scinde les sujets longs en plusieurs chapitres mais de temps en temps, je me laisse emporter par ma fougue...

ICB : La longueur lisible sans effort va aussi dépendre de son niveau d'humour, de l'intérêt que je porte au sujet, et à la présentation. Les caractères gras, italiques ou autres variations, facilitent la lecture.

Moi : Oui, j'essaie d'enluminer le texte... et j'adore le bleu...

ICB : J'aime beaucoup les articles d'actualité, encore plus quand ils sont illustrés, comme celui du 5 septembre « Pour "faire français", ils accentuent les majuscules » ou celui du 31 août « Les merveilleuses exceptions du français. Troisième partie : la fin des mots ». Même sans illustration, il y a d'autres articles d'actualité qui m'ont captivée : celui du 4 septembre « J'en suis tombé par terre… c'est la faute à Ferney » ou alors celui sur les chiffres de la francophonie (3 septembre).

Moi : Que répondre… que ça me fait très plaisir...

ICB : Certains articles plus généraux ne m'intéressent pas mais probablement parce que suis plus orientée vers les romans que vraiment vers la littérature, et aussi plus tournée vers l'actuel et l’avenir que vers le passé. Par exemple, l'article du 1er septembre, Médecin en littérature : Abnousse Shalmani, n'est pas un thème qui m'attire. D'ailleurs, je n'avais pas aimé le livre de Pennac, je préfère les Malaussène de très loin. Ou encore l'article du 6 septembre, "Tu nous manques, René...".

Moi : Bon, là c'est affaire de goût... je ne veux pas me limiter ni à l'orthographe (contrairement aux apparences, je ne suis pas un Père la Rigueur !) ni à la chasse au franglais. Ce serait lassant pour tout le monde. Je veux parler littérature, actualité de la francophonie, commenter des livres que j'ai aimés... en un mot élargir le champ au maximum, dans la mesure où la langue française est concernée, même si le lien est ténu.

16/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre V Le trait d'union

La réforme de 1990 a été vilipendée essentiellement parce qu’elle proposait d’écrire « nénuphar » « nénufar » et « oignon » « ognon » !

La belle affaire ! Qui peut se plaindre d’avoir à écrire ou à lire l’un de ces deux mots, ne serait-ce qu’une fois par mois ?

C’était, il faut bien le reconnaître aujourd’hui, un mauvais procès car ces deux rectifications, argumentées, ne représentaient qu’un détail parmi nombre de propositions plus sérieuses et plus utiles, toutes fondées sur le souhait d’améliorer la cohérence (moins d’exceptions) ou de corriger des aberrations anciennes.

Et encore une fois, les personnes habituées aux anciennes règles, qu’elles maîtrisent (c’est plus rare…) peuvent les conserver. Le basculement se fera lentement, il y aura coexistence.

 

Il est maintenant temps d’entrer dans le vif du sujet.

Commençons par le trait d’union, les mots composés et leur pluriel.

 

(Nouvelle) Règle 1 Nombres écrits en toutes lettres

On écrira « vingt-quatre », « cent-deux », « sept-cent-mille-trois-cent-vingt et un »… que le nombre soit inférieur ou supérieur à cent. C’est-à-dire que l’on mettra des tirets partout, alors que la règle ancienne les réservait aux nombres inférieurs à 100. À vos chèques ! Que les gros salaires écrivent les premiers, pour voir si c’est bien compris…

 

(Nouvelle) Règle 2 Singulier et pluriel des noms composés comportant un trait d’union

Noms composés d’un verbe et d’un nom : leur pluriel suit la règle des mots simples ; ils prennent la marque du pluriel uniquement quand ils sont au pluriel (non, non, ce n’est pas un truisme !) et cette marque est portée par le second élément.

Un cure-dent, des cure-dents ; un garde-meuble, des garde-meubles (homme ou lieu de stockage) ; un abat-jour, des abat-jours.

 

Idem pour les noms composés d’une préposition et d’un  nom : un après-midi, des après-midis ; un sans-abri, des sans-abris. Exception : quand le nom prend une majuscule ou quand il est précédé d’un article singulier : pas de marque du pluriel. Donc : des prie-Dieu, des trompe-la-mort.

 

(Nouvelles) graphies Suppression du trait d’union

On écrira (sans tiret) : d’arrachepied, un boutentrain, à clochepied, un fourretout, un passepartout, un piquenique, un porteclé, un croquemonsieur, un tirebouchon, un portemonnaie, un vanupied. [il y en a d’autres, je n’ai retenu que les mots les plus usités ou les nouvelles graphies les plus étonnantes].

 

Et aussi : autostop, branlebas, chauvesouris, hautparleur, lieudit, millefeuille, platebande, potpourri, prudhomme (nous y voici, MA2 !), quotepart, sagefemme, terreplein.

 

Et encore : blabla, bouiboui, grigri, kifkif, pêlemêle, pingpong, tamtam, traintrain.

 

Et voilà… ce n’est pas plus compliqué que cela ; les drogués du texto vont adorer, ils gagnent un caractère !

PS. Les plus passionnés d’entre vous trouveront grand intérêt à consulter le chapitre « Analyse » du texte en question car il contient un état des lieux du langage d’avant 1990, avec de nombreux exemples d’incohérences (identifiées grâce à l’informatique).

Concernant le trait d’union, on y rappelle :

§  ses différentes utilisations : dit-il, rapport qualité-prix, va-et-vient, le non-dit, le tout-à-l’égout, un chez-soi, un laissez-passer, le sauve-qui-peut,le qu’en-dira-t-on, un décor tape-à-l’œil… ;

§  les agglutinations déjà anciennes (pas de tiret) : portemanteau, betterave, vinaigre, pissenlit, chienlit, portefeuille, passeport, marchepied, hautbois, plafond et ses contre-exemples : pomme de terre, compte rendu… ;

§  les variations liées à la nature grammaticale : il intervient à propos, il a de l’à-propos ;

§  les changements de sens, de genre ou de nombre du mot composé par rapport à ses composés : un rouge-gorge est un oiseau, pas une gorge… un coq-à-l’âne n’est ni un coq ni un âne ni même une bête. Un pousse-café est une boisson mais plus violente que le café… Et de même pour gratte-ciel et franc-maçon.

§  les archaïsmes : grand-rue, nouveau-né, nu-tête

 

On en retire bien l’impression qu’il y a beaucoup d’aléatoire et de « relatif » dans tout cela, dû à l’histoire, avec cependant des régularités qu’il est assez facile d’exploiter, afin de simplifier l’orthographe sans la perturber.

15/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre IV L'orthographe rectifiée de 1990

Suite à la demande du Premier ministre de l’époque, les rectifications de l’orthographe française ont été publiées au Journal officiel du 6 décembre 1990, par le Conseil supérieur de la langue française, avec la bénédiction de l’Académie française.

Les « Principes » qui figurent en tête de cette publication sont d’une telle qualité formelle et sur le fond, que je ne résiste pas au plaisir de les publier ici, avant de reproduire, dans les billets suivants, les principales mesures préconisées.

La langue française, dans ses formes orales et dans sa forme écrite, est et doit rester le bien commun de millions d’êtres humains en France et dans le monde.

C’est dans l’intérêt des générations futures de toute la francophonie qu’il est nécessaire de continuer à apporter à l’orthographe des rectifications cohérentes et mesurées qui rendent son usage plus sûr, comme il a toujours été fait depuis le XVIIe siècle et comme il est fait dans la plupart des pays voisins.

Toute réforme du système de l’orthographe française est exclue : nul ne saurait affirmer sans naïveté qu’on puisse aujourd’hui rendre « simple » la graphie de notre langue, pas plus que la langue elle-même. Le voudrait-on, beaucoup d’irrégularités qui sont la marque de l’histoire ne pourraient être supprimées sans mutiler notre expression écrite.

Les présentes propositions s’appliqueront en priorité dans trois domaines : la création de mots nouveaux, en particulier dans les sciences et les techniques, la confection des dictionnaires, l’enseignement.

Autant que les nouveaux besoins de notre époque, le respect et l’amour de la langue exigent que sa créativité, c’est-à-dire son aptitude à la néologie, soit entretenue et facilitée : il faut pour cela que la graphie des mots soit orientée vers plus de cohérence par des règles simples.

Chacun sait la confiance qu’accordent à leurs dictionnaires non seulement écrivains, journalistes, enseignants, correcteurs d’imprimerie et autres professionnels de l’écriture, mais plus généralement tous ceux, adultes ou enfants, qui écrivent la langue française. Les lexicographes, conscients de cette responsabilité, jouent depuis quatre siècles un rôle déterminant dans l’évolution de l’orthographe : chaque nouvelle édition des dictionnaires faisant autorité enregistre de multiples modifications des graphies, qui orientent l’usage autant qu’elles le suivent. Sur de nombreux points, les présentes propositions entérinent les formes déjà données par des dictionnaires courants. Elles s’inscrivent dans cette tradition de réfection progressive permanente. Elles tiennent compte de l’évolution naturelle de l’usage en cherchant à lui donner une orientation raisonnée et elles veillent à ce que celle-ci soit harmonieuse.

L’apprentissage de l’orthographe du français continuera à demander beaucoup d’efforts, même si son enseignement doit être rendu plus efficace. L’application des règles par les enfants (comme par les adultes) sera cependant facilitée puisqu’elles gagnent en cohérence et souffrent moins d’exceptions. L’orthographe bénéficiera d’un regain d’intérêt qui devrait conduire à ce qu’elle soit mieux respectée, et davantage appliquée.

À l’heure où l’étude du latin et du grec ne touche plus qu’une minorité d’élèves, il paraît nécessaire de rappeler l’apport de ces langues à une connaissance approfondie de la langue française, de son histoire et de son orthographe et par conséquent leur utilité pour la formation des enseignants de français. En effet, le système graphique du français est essentiellement fondé sur l’histoire de la langue, et les présentes rectifications n’entament en rien ce caractère.

Au-delà même du domaine de l’enseignement, une politique de la langue, pour être efficace, doit rechercher la plus large participation des acteurs de la vie sociale, économique, culturelle, administrative. Comme l’a déclaré le Premier ministre, il n’est pas question de légiférer en cette matière. Les édits linguistiques sont impuissants s’ils ne sont pas soutenus par une ferme volonté des institutions compétentes et s’ils ne trouvent pas dans le public un vaste écho favorable. C’est pourquoi ces propositions sont destinées à être enseignées aux enfants — les graphies rectifiées devenant la règle, les anciennes demeurant naturellement tolérées ; elles sont recommandées aux adultes, et en particulier à tous ceux qui pratiquent avec autorité, avec éclat, la langue écrite, la consignent, la codifient et la commentent.

On sait bien qu’il est difficile à un adulte de modifier sa façon d’écrire. Dans les réserves qu’il peut avoir à adopter un tel changement, ou même à l’accepter dans l’usage des générations montantes, intervient un attachement esthétique, voire sentimental, à l’image familière de certains mots. L’élaboration des présentes propositions a constamment pris en considération, en même temps que les arguments proprement linguistiques, cet investissement affectif. On ne peut douter pourtant que le même attachement pourra plus tard être porté aux nouvelles graphies proposées ici, et que l’invention poétique n’y perdra aucun de ses droits, comme on l’a vu à l’occasion des innombrables modifications intervenues dans l’histoire du français.

Le bon usage a été le guide permanent de la réflexion. Sur bien des points il est hésitant et incohérent, y compris chez les plus cultivés. Et les discordances sont nombreuses entre les dictionnaires courants, ne permettant pas à l’usager de lever ses hésitations. C’est sur ces points que le Premier ministre a saisi en premier lieu le Conseil supérieur, afin d’affermir et de clarifier les règles et les pratiques orthographique.

Dans l’élaboration de ces propositions, le souci constant a été qu’elles soient cohérentes entre elles et qu’elles puissent être formulées de façon claire et concise. Enfin, les modifications préconisées ici respectent l’apparence des textes (d’autant qu’elles ne concernent pas les noms propres) : un roman contemporain ou du siècle dernier doit être lisible sans aucune difficulté. Des évaluations informatiques l’ont confirmé de manière absolue.

Ces propositions, à la fois mesurées et argumentées, ont été acceptées par les instances qui ont autorité en la matière. Elles s’inscrivent dans la continuité du travail lexicographique effectué au cours des siècles depuis la formation du français moderne. Responsable de ce travail, l’Académie française a corrigé la graphie du lexique en 1694, 1718, 1740, 1762, 1798, 1835, 1878 et 1932-35.

En 1975 elle a proposé une série de nouvelles rectifications, qui ne sont malheureusement pas passées dans l’usage, faute d’être enseignées et recommandées.

C’est dans le droit-fil de ce travail que le Conseil a préparé ses propositions en sachant que dans l’histoire, des délais ont toujours été nécessaires pour que l’adoption d’améliorations de ce type soit générale.  En entrant dans l’usage, comme les rectifications passées et peut-être plus rapidement, elles contribueront au renforcement, à l’illustration et au rayonnement de la langue française à travers le monde.

Allez, restons critique ! il y a une faute d’orthographe dans l’un des derniers paragraphes (un « s » oublié au pluriel de « modification »). Je l’ai corrigée, naturellement.