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11/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre III La réforme Rocard de 1990

Donc en octobre 1989, Michel Rocard, Premier ministre de la France, charge le nouveau Conseil supérieur de la langue française de proposer des « régularisations » de l’orthographe sur un nombre limité de points :

§  Le trait d’union ;

§  Le pluriel des mots composés ;

§  L’accent circonflexe ;

§  Le participe passé ;

§  Et diverses anomalies.

Deux remarques avant d’aller plus loin :

§  Il est particulièrement savoureux de constater que M. Rocard, dont on raillait la sophistication, l’expression alambiquée et le débit torrentueux, a été celui qui a proposé de simplifier la langue… ;

§  Ce projet de réforme a soulevé un tollé et suscité d’innombrables débats dans les médias, bien qu’il ait été adopté par les organismes de politique linguistique belge et québécois, et à l’unanimité par l’Académie française. Il a été publié au Journal officiel en décembre 1990.

 

Cependant, en France, même si tout finit par des chansons, c’est quand un texte est adopté que le moment est venu de commencer à en discuter…

Ainsi l’Académie a-t-elle accompagné son accord unanime par cette précision : « L’orthographe actuelle (d’avant 1990) reste d’usage, et les recommandations du Conseil supérieur de la langue française ne portent que sur des mots qui pourront être écrits de manière différente sans constituer des incorrections ni être considérés comme des fautes ».

Traduit en français, cela donne : on doit toujours s’arrêter aux STOP et aux feux rouges mais on en remplace certains par des triangles ou des feux orange clignotants !

 

Est-ce la fin du psychodrame ?

Le Journal officiel du 19 juin 2008 (qui en a entendu parler, alors que la crise financière éclatait et que M. Sarkozy était omniprésent dans les médias ?) instaure l’orthographe révisée comme la référence.

Le soufflé est retombé, les polémiques sont oubliées mais quid du français écrit d’aujourd’hui ?

10/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre II Les réformes

Les projets de réforme, adoptés ou non, ne manquent pas.

Sur le fond, il y a deux positions :

§  Certains considèrent, soit que la langue est intouchable, comme un monument de notre grandeur nationale, soit qu’elle évolue toute seule, sans qu’il y ait besoin de s’en mêler ;

§  D’autres considèrent, soit que la langue (en particulier l’orthographe) peut représenter une barrière au savoir ou à la progression sociale, soit qu’elle contienne des aberrations typographiques sans autre justification que les aléas de l’histoire ou tout simplement des erreurs.

 

Il y a donc des tenants et des adversaires farouches, chaque fois qu’un projet de modification se fait jour.

Je suis, pour ma part, sur une ligne intermédiaire : il faut toucher à l’orthographe le moins possible (et encore moins à la syntaxe !), il faut absolument enseigner l’orthographe et la typographie (les dictées bien sûr, et aussi ce blogue et d’autres) mais on peut et on doit corriger les aberrations qui subsistent, après analyse approfondie de leur origine, via en particulier l’étymologie (pourquoi chariot et charrette ? pourquoi canard et cannette ?)

 

L’article de Wikipedia

http://fr.wikipedia.org/wiki/Rectifications_orthographiqu...

explique bien ce qu’il y a de fondé et d’infondé dans l’orthographe du français et ses bizarreries apparentes.

Résumons :

Quand le français a été promu « langue administrative » et « langue du royaume » au XIVème siècle, l’Église, les clercs et les juristes ont résisté pour préserver le latin qu’ils utilisaient et les mettaient hors de portée du bas peuple. Ils ont compliqué à plaisir l’orthographe pour y réintroduire du latin. La graphie qui était initialement phonétique est devenue étymologique mais, malheureusement, avec des bourdes énormes (attribution d’une origine latine erronée à un mot français). C’est ce qui avait donné par exemple « sçavoir » pour le mot « savoir ».

L’arrivée de l’imprimerie a été l’occasion d’un verrouillage encore plus fort de l’orthographe, certains introduisant l’étymologie grecque en plus de la latine !

Dès 1550, cependant, il y a eu des tentatives de simplifier et de revenir à la graphie à base de phonétique. Et ensuite de multiples réformes ont vu le jour.

 

 

On considère aujourd’hui que « l’immense majorité des singularités orthographiques du français moderne est pourtant étymologiquement justifié et renoue donc partiellement avec l’origine de la langue ».

 

Voyons donc ce qu’il en est des réformes et des évolutions consignées dans les éditions successives du Dictionnaire de l’Académie. Je reprends l’article de Wikipedia cité plus haut.

 

§  En 1718, c’est la deuxième édition du Dictionnaire, les lettres J et V sont adoptées et différenciées du I et du U ;

§  En 1740, la troisième édition  modifie l’orthographe d’un tiers des mots ! Les accents apparaissent : trône, écrire, fièvre… L’un des combats de ce blogue (accentuer les mots en minuscule et en majuscule) est donc du XVIIIème siècle !

§  En 1835, réforme de l’orthographe lors de la sixième édition : « enfans » devient « enfants » et la conjugaison « oi » devient « ai » ;

§  En 1878, idem avec la septième édition : certains « ë » sont remplacés par « è » ;

§  Début du XXème siècle : « grand’mère » devient « grand-mère » (contrairement à ce que j’ai écrit dans le billet « facéties orthographiques » du 2 septembre 2014) ;

§  L’accord de « vingt » et de « cent » (abordé dans le billet du 26 août 2014) a fait l’objet d’un « édit de tolérance » du ministère de l’Instruction publique (arrêté Leygues) le 26 février 1901. Il propose de tolérer des orthographes multiples dans les concours. Il a été ignoré… mais repris dans l’arrêté Haby de 1977 ;

§  En 1986 et 1999, les noms de métier sont féminisés (« professeur » et « professeure ») ;

§  En 1990, c’est la réforme Rocard, la dernière en date. Elle fera l’objet d’un prochain billet.

09/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre I Principes

J’ai voté pour le quinquennat et j’étais plutôt opposé à la réforme de l’orthographe.

J’ai eu tort.

J’aurais dû voter pour le maintien du septennat et militer pour la loi Rocard de 1990…

Mais, avant de regarder cette dernière réforme, revenons en arrière.

 

D’abord les dictionnaires : contrairement à une idée reçue, les dictionnaires ne représentent pas une « norme », plus ou moins obligatoire ! Malgré la réputation de lexicographes comme Alain Rey (Le Robert), malgré le prestige du Larousse, les dictionnaires sont des entreprises commerciales qui visent avant tout à refléter la langue de leur époque. Chaque année, ils éliminent un certain nombre de mots qu’ils considèrent comme désuets et, corrélativement, ils introduisent de nouveaux mots, censés être utilisés par nos concitoyens quotidiennement. Les comités éditoriaux de ces dictionnaires censurent peu ou pas du tout ; ils se veulent « miroirs », de sorte que tout un chacun puisse trouver la signification du mot inconnu entendu dans une conversation, dans la rue ou à la télévision. À noter à leur actif : les dictionnaires accentuent les majuscules sans état d’âme et ils incluent les néologismes des commissions de terminologie.

 

Deuxième institution : les commissions de terminologie. Ce sont des groupes  chargés de proposer, dans chaque domaine d’activité (aéronautique, télécoms, informatique, etc.) de nouveaux mots ou de valider des néologismes, essentiellement en réponse à la « franglicisation » galopante de notre époque. Assez mal connues, très peu reprises dans les médias, leurs trouvailles restent souvent dans les arrêtés ministériels mais certaines ont connu de francs succès.

 

Enfin, l’Académie, décriée, parodiée, ignorée mais l’Académie tout de même ! Les hommes et femmes en habit vert réalisent un travail de fond, de longue haleine, à un train de sénateur, lettre après lettre, dans leur fameuse commission du dictionnaire. Les dictionnaires de l’Académie française paraissent « quand ils sont prêts », c’est dire qu’on les compte sur les doigts de deux mains depuis Richelieu. Ce sont les gardiens du temple.

 

On pourrait ajouter à cette liste des acteurs, les linguistes et plus particulièrement les spécialistes de la linguistique informatique. En effet, l’informatique donne une puissance inégalée aux recherches sur la langue et permet de simuler, par exemple, l’impact d’un projet de réforme de l’orthographe. M. Roullier, ce professeur d’anglais qui a inventé la morphonétique (en résumé : les mots anglais, contrairement à ce que l’on pense, se prononcent selon leur graphie, sauf exceptions) a travaillé avec « ses petites mains » et disait qu’il ne pouvait pas s’attaquer au problème plus compliqué de l’accent tonique dans la phrase (anglaise) sans l’outil informatique (qu’il ne maîtrisait, hélas, pas). Nous reviendrons sur la linguistique informatique.

 

Pour conclure ce premier acte d’une série de billets, écrivons noir sur blanc la problématique : sachant qu’une langue vivante, par définition, évolue, faut-il délibérément la modifier ? en particulier, faut-il réformer, de temps à autre, son orthographe ?

 

Nous verrons qu’il y a déjà eu plusieurs réformes de l’orthographe française. Et le français n’est pas le seul à le faire. L’allemand, après la deuxième guerre mondiale, a abandonné l’écriture gothique, et plus récemment, a légiféré sur un certain nombre de points (par exemple : l’écriture de « ss » et de « ß »).