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08/07/2014

Ça s'en va et ça revient, c'est comme un tout petit rien...

Le 7 juillet 2014, je voyageais... Aujourd'hui, j'écris ce billet d'Auvergne, dans le pays vert.

Il est des mots qu'on peut... identifier à des personnes ou à des événements. Et particulièrement les nouveaux mots arrivés dans le lexique francophone.

Ainsi "pérestroïka" et "glasnost" (que j'écris à la française, ne connaissant par le russe) sont-ils attachés à tout jamais à Mikhail Gorbatchev et aux prémisses de la chute du Mur de Berlin.

"Tsunami" est un mot que nous avons découvert à l'occasion de la catastrophe du Sud-Est asiatique fin 2005. 

René Étiemble, le grammairien qui le premier nous a alertés sur les dangers de l'invasion linguistique et qui a inventé le terme "franglais", disait qu'il ne fallait pas trop s'inquiéter des mots arrivés avec un objet ou une innovation, parce qu'ils disparaîtraient avec l'objet ou l'innovation en question. Et il donnait l'exemple de "duffle-coat", mot qui avait effectivement disparu avec le vêtement qu'il désignait. Malheureusement pour Étiemble, le vêtement a réapparu dans les boutiques, et le mot avec. C'est peut-être un effet du "babyboomerisme" actuel... ?

Effectivement "walkman" (qui était d'ailleurs une marque) et même "baladeur" qui l'a francisé, ont tendance à disparaître au profit de mots construits sur "pod". À France Inter, on entend ainsi tous les matins le terme "podcaster" (au lieu de "télécharger").

 Donc des mots entrent et sortent du lexique francophone. Le tout est de savoir : 

1) quel est le solde ? (je pense que, comme pour la balance commerciale française, il y a plus d'importations que d'exportations) ;

2)  si la transformation de la syntaxe n'est pas plus grave que l'importation de vocabulaire (je pense que oui ; c'est bien plus grave ; voir mes autres billets dans le même blogue).

Et on en revient au billet précédent, et à la thèse générale de ce blogue : la langue vit (oui), des mots apparaissent et disparaissent (oui), faut-il pour autant que tous les mots nouveaux soient américains ou à racine anglosaxonne (non), a-t-on le devoir et le plaisir de créer sans vergogne des mots nouveaux, cohérents avec les fondements de la langue (mille fois oui). Voir bravitude !

Pour finir ce bilet, je vous propose un jeu : repérer les allusions à des chansons (françaises) dans les billets du blogue "le bien écrire". Récompense à l'étude...

 

06/07/2014

Le français se mondialise...

J'avais envie d'écrire, par habitude (par manie obsessionnelle, diront certains) : "le français s'anglicise".

Mais non, ce n'est même pas le problème de l'invasion des termes anglais ni même de l'impérialisme du modèle nord-américain... c'est, de façon plus vague et plus insidieuse, la mondialisation, l'uniformisation, la baisse de la diversité, la recherche du rendement, de la vitesse, de l'instantanéité.

Ainsi a-t-on appris que toute difficulté de l'examen du permis de conduire pouvant provenir de la langue (française) ou, plus exactement, de sa mauvaise compréhension par les candidats, avait été supprimée… on est donc loin de la simple menace du franglais !

En bref, de quoi est-on malade, Docteur ? 

De la standardisation de la syntaxe, du vocabulaire, du style. On cherche à faire simple, rapide, sans fioriture, sans style (ou alors le style "jeune cadre pressé, qui ne s'embarrasse ni de la forme ni des détails").

Voici quelques exemples

On confond les modes et les temps

- on mélange le futur (dont le résultat est certain mais pour demain) : "je te dirai ce qu'il en est", et le conditionnel présent (dont la réalisation est conditionnelle) "je te dirais ce qu'il en est" - sous-entendu "si je le savais" -.

- on a abandonné le subjonctif "passé" dans les années 60 ; on abandonne maintenant le subjonctif tout court. 

On simplifie la syntaxe

- on n'accorde plus le participe passé avec le c.o.d. (complément d'objet direct) quand il est placé avant l'auxiliaire avoir : "les cerises que j'ai mangées..."

- on mélange "quelque" et "quelles que" (voir mon billet consacré à ce sujet)

- on confond "qui..." et "qu'il...". Vu par exemple dans un courriel : " avec une progression notable par rapport à 2009 qui serait motivante de reconnaître" (J'ai ajouté l'accent circonflexe par charité chrétienne...).

- et que dire de la forme interrogative, que l'on confond avec le style indirect ? "comment ERDF me facture-t-elle mon raccordement ?", à ne pas confondre avec "je me demande comment ERDF me facture mon raccordement".

- tendance à employer (à mauvais escient) la forme transitive pour les verbes.

J'ai entendu à la radio l'expression "angler le sujet de telle ou telle façon", pour dire "choisir un angle d'attaque du sujet en question" ; on entend aussi "googler" pour dire "chercher avec Google".

Dans le chaud bise-ness, ils "signent un chanteur"...

Au foot, ils "jouent" l'OM...

Là où c'est drôle, c'est pour le verbe "pallier", qui est transitif ("le public pallie les insuffisances du privé") et que certains emploient avec la préposition "à", en confondant probablement avec "remédier à", et en l'écrivant comme le "palier" de leur immeuble.

On simplifie la typographie

- alors que les publicitaires redécouvrent les (belles) majuscules accentuées et que les typographes de l'Imprimerie nationale veillent sur elles jalousement, on abandonne carrément tous les accents, signes diacritiques, signes de ponctuation, alors même qu'ils figurent sur nos claviers. Et ce, du haut en bas de la hiérarchie de l'entreprise (en bas, parce qu'ils ne savent pas trop bien, en haut parce qu'ils n'ont pas de temps à passer avec des balivernes... à moins que ce ne soit l'inverse !).

On simplifie le vocabulaire :

- Laurent Fabius avait été caricaturé en son temps, comme parlant (volontairement) à l'aide de seulement quelques centaines de mots. Eh bien, nous sommes tous des Laurent Fabius ! Et on tourne, à longueur de réunions, sur les mêmes mots.

Au besoin, quand une expression plaît, on l'utilise à contre-sens. Par exemple : "B to B", qui décrit les liens d'entreprise à entreprise (entre pairs, pour faire des affaires), est utilisé pour décrire un lien "entre quatre-z-yeux", de toi à moi : "j'ai vu Sandrine en B to B"...

- bien sûr, abondance de termes anglais dans cette  parcimonie ! "borderline", "touchy", "flashy", "verbatim", "smiley", "slide", "mail, email", EBITDA, OPEX, CAPEX (popularisés par Michel Bon à France Télécom et par Loïc Capéran à EDF Branche Clients).

On prendra garde de ne pas oublier les merveilleux "sourcing", "pricing", "sponsoring" ("bling-bling n'en fait pas partie...).

Dans les années 60, les Français s'étaient entichés de "footing", qui ne voulait strictement rien dire en anglais, avant d'adopter "jogging", beaucoup plus mystérieux, à la fin des années 70, quand il est devenu chic de courir dans les rues.

Le 7 août 2010, une blonde pimpante est venue au Journal de 20 heures de France 2 pour nous expliquer sans rire (mais avec le sourire) qu'elle était "table booker au VIP Room" à Saint Trop'...

Jusqu'où le ridicule ira-t-il ?

Le plus fréquent dans nos métiers est peut-être "chargé de". Un berger est chargé de son troupeau, alors qu'un alternateur est "en charge". Manque de chance, les Américains se considèrent "in charge of" tout ce qui se passe dans le monde à tout moment. Et nos technocrates de leur emboîter le pas, sans doute parce que cela ferait moderne. D'où le rappel : on a la charge d'une famille, on est chargé de famille, on est chargé de débrouiller un problème technique... and so what ?

Et pourtant (que la montagne est belle...)

Le moindre dictionnaire (français) contient 80000 mots et si l'on ajoute les vocabulaires spécialisés, les termes anciens, voire désuets... on arrive peut-être à un million de mots.

Nombre d'expressions, plus ou moins anciennes, conviennent parfaitement pour décrire notre pensée, nos situations, nos sentiments, etc.

Un peu d'imagination, que Diable !

Quand un mot manque... inventons-le

Le mot "bravitude" a été décrié, à cause de la qualité de son inventeur et parce que le mot correct (bravoure) est plutôt commun. Mais la démarche elle-même est saine : ne soyons pas complexés vis-à-vis de notre propre langue. C'est une langue vivante. Soyons au contraire créatifs.

Pour ce faire, aidons-nous des euphonies, des analogies, des métaphores, des jeux de mot, etc. Les Américains ont ceci de génial qu'ils n'ont pas hésité à baptiser "fenêtre" un rectangle apparaissant sur l'écran d'un ordinateur et, de là, à appeler de la même façon le logiciel qui utilisait ces fenêtres (fort peu nombreuses d'ailleurs dans le Windows 1.0 que certains ont connu !).

Chez nous, Renaud Dutreil a baptisé "gazelles" les entreprises à croissance rapide et fort potentiel... Et le journal Les Échos appelle "offre trois en un" celle qui combine téléphone, télévision et internet.

Pour stimuler tout le monde, voici un extrait de l'Iris de Suse (Jean Giono) :

"... une étroite chute d'eau dressée immobile sur le socle des bosquets, bourdonnant comme un bourdon, une forteresse dépenaillée dans des ardoises, la fourrure des frênes le long des sentes, les éclats de lumière dans les pierriers, les jardins potagers très hauts, gros comme des timbres et peints en violet à coups de pioche ; les forêts de mélèzes réchauffés fumaient comme des tas de cendre."

Je ne résiste pas au plaisir de vous donner ci-dessous la traduction de l'extrait précédent en "globish"… par Nadal NICOLAS (IBM) :

"… petit jet de water pas mobile sur les bois, dringant comme un male abeille, une fortess sans habits dans les pierres des toits, les arbres longs aux bords des chemins rampants, les flashes des sunlights dans les stonegardens, les legume gardens very high, big comme des vignettes et peints à la violet comme avec des pics à glace, les forêts des autres types d'arbres heated étaient fumants comme des tas de ashes fumaient par des stars et jetaient là comme abandonnées de toute sérénité, pauvres stars déchues loin de leurs réseaux sociaux."

 

05/07/2014

Ah, si vous connaissiez ma… prof. de gym. ! Don't do it !

Il y a encore beaucoup de théorie à voir et donc beaucoup de billets didactiques en attente. Mais vous avez besoin de souffler et je pense que vous voulez lire maintenant quelques billets avec du "vécu", de l'humain, de l'incarné...

Je vais donc vous parler de ma prof. de gym. (question : pourquoi autant de points dans cette phrase ?).

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Au cours de gym. l'autre fois, je vois que la prof. porte sur son short la mention "just do it".

Qu'est-ce qui fait que tant de nos jeunes éphèbes et aphrodites (et pas uniquement les jeunes), transformés en hommes-sandwichs, portent sur leur poitrine ou ailleurs, des slogans invariablement en anglais... : "I love NY", "University of California at San Diego", "Fruit of the loom", "Harvard", j'en passe et des meilleurs, dont le fameux "Just do it" de ma prof. de gym. Ils véhiculent donc, plus ou moins consciemment, à la fois la langue impérialiste du moment et son modèle culturel.

 Il y a plusieurs explications, sans doute :

- "ça fait style", même quand on ne comprend pas bien ce que signifie ce qui est écrit ;
- les copines portent les mêmes... ;

- la mondialisation permet d'écouler les mêmes maillots de Lima à Bangkok ; c'est rentable pour les fabricants ; 

- (et du coup) on ne trouve que ça dans les magasins...


A contrario pourquoi donc les Français (et les Allemands, les Italiens, etc.) n'éprouvent-ils pas le besoin de faire pareil ? Pourquoi un jeune Français ne serait-il pas fier d'arborer, aux États-Unis, la mention "Sciences Po. Lille", plutôt que "Yes I can" ?

On peut penser aussi qu'un touriste visitant Paris, préfèrera arborer, de retour chez lui, la mention "J'aime Paris", plutôt que "I love Paris" ! 


N'oublions pas que, là-bas, aux States, "Yes I can", "I love NY", "Just do it"... veulent dire quelque chose ! c'est tout simplement écrit dans la langue de tous les jours ! De même que "Windows" sur l'écran, ça veut dire "Fenêtres" pour eux ! Et notre Blackberry, c'est leur mûre !


Donc, je reviens à ma prof. et j'imagine qu'elle vienne la prochaine fois avec un short portant la mention "Vas-y, fais-le, tout simplement !".
Que ne pensera-t-on pas ? Et on dira quoi ? qu'elle est vulgaire ou innocente ?


Alors pourquoi ce qui "passe" en anglais, ne passera-t-il (probablement) pas en français ?

C'est bien la preuve que le sens des mots anglais imprimés sur les habits n'est pas compris et n'a aucune importance. Ce qui compte uniquement, c'est de l'avoir "écrit en anglais".


PS. dernière minute : il y a aussi UN prof. de gym. ; et, lui aussi, s'est affublé de "Just do it".

Fabuleux ! et ce n'est plus écrit en petit sur le short, c'est en grand sur le tee-shirt. Ouf ! la parité est sauve.

J'ai découvert par ailleurs qu'on vend dans la Capitale, des tee-shirts "J'adore Paris" ! Incroyable.