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16/01/2020

Les mots (français) à la mode (X)

Je dois reconnaître que cette rubrique pourrait aussi bien s’intituler « Irritations linguistiques » tant ces modes, qu’elles concernent le vocabulaire ou la syntaxe, ont le don de m’irriter, reflets qu’elles sont du superficiel, du snobisme, de l’envie irrépressible de faire « moderne » ou « jeune », de la soumission au modèle américain ou simplement de l’ignorance et du suivisme.

Mais, bon, restons neutre, et gardons ce titre…

Il y a d’abord l’insupportable « celles et ceux », tic de langage des politiciens de tous bords et concession crasse au féminisme ambiant. Le Général de Gaulle disait « Françaises, Français » et cela suffisait.

Il y a aussi l’adjectif  « inclusif » ; généreux en diable, il est mis à toutes les sauces ; les démocraties doivent être inclusives, le français lui-même est sommé de l’être aussi…

Côté syntaxe, il y a cette tendance ravageuse à rendre transitifs des verbes qui ne le sont pas ; dernière de mes découvertes : « Nous allons concerter », signifiant, sans doute, qu’ils vont réunir les partenaires sociaux pour discuter (Mme Élisabeth Borne, le 19 décembre 2019). J'ai entendu récemment dans un reportage sur la médecine d'urgence : "il convulse".

Une autre tendance, pour faire anglo-saxon, donc moderne, est à la suppression des prépositions, éléments de précision et de fluidité du discours s’il en est. L’exemple le plus insupportable est « faire sens » (calque de l’anglais « to make sense », qui signifie « avoir du sens »). Mais on trouve aussi « une manière de donner sens à la mobilisation » (Federico Tarragoni, Marianne du 6 décembre 2019, page 47).

Des expressions passe-partout comme « faire société » ou « faire consensus », voire « le vivre ensemble » deviennent, dans ce marasme, d’insignifiantes innovations.

Pour terminer je voudrais citer deux mots en voie de disparition, bien qu’avec des soubresauts dus à des défenseurs obstinés ; ils confirment mais seulement en partie la remarque du grammairien Étiemble qui prédisait l’extinction d’un mot en même temps que celle de l’objet qu’il désigne (exemple emblématique : duffle-coat). Pas plus tard que le 20 décembre 2019, dans la matinale de France Inter, Nicolas Demorand s’obstinait à utiliser « podcast » (pour « télécharger ») alors même que iPod d’Apple a disparu des rayons. Thomas Legrand, lui, nous a parlé de position politique « raccord » avec les convictions ; surprise, car ce mot semble avoir disparu dans cette acception imagée mais bizarre.

09/01/2020

Irritations linguistiques LXII

La fréquentation du personnel politique, des commentateurs et aussi des Français « d’en bas » via les médias, en augmentation pour beaucoup d’entre nous, depuis plus d’un an, à cause des manifestations de colère et de ras-le-bol (Gilets jaunes d’abord, opposition à la réforme du système de retraite ensuite…) est l’occasion d’irritations fréquentes au sujet de la langue, irritations naturellement bénignes au regard de la gravité de la situation générale mais irritations tout de même.

Ce sont surtout les hommes et femmes politiques qui remportent la palme, eux qui sont devenus des communicants 24/7 comme ils disent, à savoir 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 !

J’ai noté récemment trois exemples, l’un de complication inutile du discours, l’autre de formule creuse (pour gagner du temps sans doute), le dernier de soumission à la mode de l’anglais.

D’abord cette formule répétée à l’envi (Marlène Schiappa en ce moment mais aussi Benoît Hamon lors de la Présidentielle…) : « C’est la raison pour laquelle…), au lieu de « pour la raison que… » ou tout simplement « parce que… ».

Ensuite le célèbre « Pardon de le dire » de Pierre Moscovici (mais je l’ai entendu, sauf erreur, dans la bouche de Yann Arthus-Bertrand, le gars qui vient de découvrir, grâce à Greta, que l’avion pollue – l’hélicoptère aussi d’ailleurs…).

Enfin l’horrible « Ce projet adresse une question qui touche tous les Français », un avatar de plus de cette manie (ce snobisme sans doute, pour faire américain, donc moderne et branché) qui consiste à rendre nos verbes transitifs : perquisitionner (« perquisitionner dans un appartement » dit le Larousse en deux volumes, 1923), pénétrer, abuser, etc. À ne pas confondre avec l’effet inverse qui consiste à rendre intransitif le verbe transitif « pallier » (« Ce dispositif pallie un manque de maintenance »).

Dans une autre catégorie, celle des « faux amis » de nos années de lycée, on peut aussi déplorer l’emploi du mot « opportunité » dans le sens de « occasion » ou « possibilité » – par attirance de l’anglais opportunity– alors qu’il signifie « la qualité de ce qui est opportun » (Larousse en deux volumes, 1923).

06/01/2020

Écriture intrusive

De façon désordonnée, ultra-minoritaire mais néanmoins inquiétante, des médias adoptent subrepticement l’écriture dite inclusive – l’accord de proximité, les mots épicènes ou englobants, et le nec plus ultra, le point médian – et cela sans qu’aucune instance officielle ne l’ait accepté, recommandé ni même toléré (c’est plutôt l’inverse quant aux Services de l’État).

Marianne a ainsi signalé que le site Slate avait d’autorité opté pour ces gadgets bienpensants, sans jamais demander l’avis de ses lecteurs ; ses rédacteurs corrigent d’eux-mêmes les articles de leurs contributeurs, afin de les mettre « à la mode ». Certains d’entre eux prennent maintenant les devants et contournent la récriture autoritaire en ajustant leur texte en amont. « La correction autrefois était une aide, on cherche désormais à la contourner pour continuer à écrire comme on l’entend ». Dire que certains ont prétendu dans le passé que la langue française était fasciste… on croit rêver !

Questions à ces rédacteurs démagogues prompts à adopter les règles les plus saugrenues :

  • Sont-ils également les adeptes de la revendication « J’ai le droit » ? Si oui, que font-ils du droit de leurs contributeurs à écrire, non comme bon leur semble, mais comme ils l’ont appris à l’école et conformément aux règles établies ?
  • Ont-ils été de ceux qui ont immédiatement adopté la réforme de l’orthographe de 1991, dite Réforme Rocard, approuvée du bout des lèvres mais approuvée par l’Académie française ? Sinon, comment peuvent-ils justifier d’avoir ignoré une démarche nationale largement débattue et de se précipiter dans les bras d’une démarche féministe ultra, quasi individuelle (et soutenue par qui, au fait ?) ?