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04/01/2021

La marque de l'État : quelques bonnes pratiques rédactionnelles I

On trouve sur le site internet du Gouvernement ces bonnes pratiques dignes d’être mémorisées et appliquées. Qu’on se le dise !

1.1     Abréviations

Sauf exception, les abréviations sont interdites. Écrivez en toutes lettres article, avenue, baccalauréat, boulevard, exemple, Journal Officiel, Madame, Maître, Monsieur, premier, procès-verbal, rendez-vous, sans domicile fixe, Saint / Sainte, s’il vous plaît.

Exceptions répertoriées : cf., etc., HT, NB, n°, les unités de mesure, de longueur et de temps (20 kg, 200 km, 20h).

En cas de doute, préférez toujours la version non-abrégée.

1.2     Anglicismes

Les anglicismes sont interdits quand un équivalent existe en français courant.


Par exemple :

ANGLICISME À ÉVITER

ÉQUIVALENT EN FRANÇAIS COURANT À PRIVILÉGIER

e-mail

courriel

challenger

mettre au défi

data

données

feedback

commentaires

forwarder

transférer

implémenter

mettre en place

manager

responsable

meeting

réunion

process

procédure ou processus

Certains anglicismes sont autorisés (Internet), certains autres sont tolérés mais à éviter (parking).

1.3     Citations

Toute citation doit être écrite entre guillemets à la française « » et précédée ou suivie de sa source. Les éventuelles ellipses dans le discours sont indiquées par des points de suspension entre parenthèses (...) et les éventuelles adaptations par des crochets [XX].

Selon le Premier ministre, « La réunion interministérielle s’est très bien passée (...), nous pouvons nous réjouir de nombreuses avancées ».

« Le Premier ministre a trouvé que « la réunion interministérielle [s’était] très bien passée ».

1.4     Conjonctions de coordination

Mais, ou, et, donc, or, ni, car : limitez autant que possible leur utilisation à une seule conjonction de coordination par phrase.

1.5     Dates et horaires

Pour les dates, utilisez les chiffres, à part pour les mois qu’il faut écrire en toutes lettres et sans majuscule : 28 novembre 2019.

Pour les horaires, utilisez seulement les chiffres et abrégez « heures » en « h » : 20h00.

1.6     Figures de style

Évitez le recours abusif aux figures de style (en particulier, les métaphores) qui nuisent à la fluidité et la lisibilité de l’information.

1.7     Français ou français ?

En général, les noms de peuples ou d’habitants prennent toujours une majuscule : les Français, les Parisiens, les Bretons.

Dans tous les autres cas, on écrit « français » sans majuscule. 

« Les Français parlent le français. »

1.8     Italique

En communication écrite, n’utilisez l’italique que dans trois cas :

  • pour souligner un mot,
  • mettre une phrase ou une citation en exergue,
  • lorsqu’un mot est issu d’une langue étrangère.

Dans ce troisième cas, indiquez si besoin de quelle langue le mot provient et sa traduction littérale en français entre guillemets.

1.9     Majuscules, fonctions et ministères

  • Les institutions prennent une majuscule : le Gouvernement, le Ministère des Armées, le Sénat, l’Assemblée nationale.
  • Les fonctions et titres sont toujours en minuscules.

« Le préfet de Police de Paris a fait une déclaration à la presse »

Exception : on écrit « le Préfet » avec une majuscule quand on ne mentionne pas « de Police de Paris » (dans le cas d’un texte où il est cité plusieurs fois, pour éviter de trop lourdes répétitions).

« Le Préfet est venu hier à la réunion des partenaires. »
 

Le terme caractérisant la fonction ou le titre prend toujours une majuscule et son terme épithète éventuel est en minuscule.

« Le président de la République a reçu le Premier ministre et le ministre de l’Éducation nationale. »

Pour le reste, les règles grammaticales usuelles s’appliquent, les majuscules n’apparaissent que dans trois cas :

  • pour les débuts de phrase,
  • pour les noms propres,
  • pour les sigles.

Les majuscules portent accent et cédille comme les minuscules : écrivez « l’État français » et non pas « l’Etat français ».

Sauf exception, n’écrivez jamais un texte tout en majuscules. Pour mettre en valeur un titre ou un paragraphe par rapport au reste d’un texte, augmentez la taille de la police et/ou graissez la typographie. Dans certains cas seulement, vous pouvez souligner.

10/12/2020

Qui est culpabilisé par l'orthographe ?

Je ne connais pas M. Claude Lussac ; j’ai seulement vu qu’il avait publié des livres sur des sujets fondamentaux : « Pisser à Paris : guide pratique et culturel des WC gratuits » en 2012 et « Profession salaud, une manière d’être en entreprise » en 2007 »… Je ne lui jette évidemment pas la pierre, d’une part parce que je n’ai pas lu ces ouvrages dont le titre peut n’être qu’une accroche, une manière d’aguicher le badaud non conformiste (en anglais, on dirait du « teasing ») et d’autre part parce qu’une partie des écrivains et essayistes contemporains plus ou moins iconoclastes s’attaquent à des sujets inattendus (comme par exemple Alain Corbin).

Néanmoins je ne peux pas m’empêcher de critiquer son dernier livre « Éloge des fautes d’orthographe » (Éd. Du Palio) qui, touchant à un sujet à la fois sensible  dans l’opinion publique française et prétexte à toutes les démagogies de nos intellectuels et de nos journalistes, est certain de susciter l’intérêt et aussi des débats. C’est un bon moyen d’être invité à s’exprimer dans les médias, et ça n’a pas manqué : notre homme a été interrogé le 3 décembre 2020 par Alice Develey du Figaro pour sa rubrique « Langue française ».

Et le premier problème est, comme d’habitude, dans la propension des journalistes à choisir des titres provocateurs, au risque qu’ils ne reflètent pas vraiment la teneur des entretiens ou des ouvrages dont ils rendent compte. On a donc eu droit à « L’orthographe est discriminatoire » ! On se croirait revenu au temps de Pierre Bourdieu et de Roland Barthes (lequel des deux a-t-il prétendu que la langue française était fasciste ?).

Mais en fait que dit exactement Claude Lussac dans son entretien ?

D’abord qu’il faut se déculpabiliser de ses erreurs quant à l’orthographe, en se rappelant au besoin l’avis de Baudelaire qui y trouvait une certaine poésie. Notre auteur souligne leur « fonction de jouissance » et trouve qu’elles peuvent « être amusantes et pas nécessairement de l’ordre de l’ignorance ». Pourquoi pas… et alors ?

Il fait remonter la tyrannie de l’orthographe à Jules Ferry, au XIXème siècle, quand cinq fautes en dictée au certificat d’études étaient éliminatoires. Sans doute… et alors ?

Et on en vient à la ritournelle bien connue, à la culpabilisation (mais pas celle des j’menfoutistes de l’orthographe… non, celle de ceux soupçonnés de culpabiliser les susdits !) : « L’orthographe est aujourd’hui un outil de défense pour la fraction de la société qui maîtrise la langue et, de façon implicite, maintient son emprise dans ce domaine en imposant un droit d’entrée ». Corrigeons tout de suite : « la fraction de la société qui a fait l’effort – à force de dictées et de lectures – de maîtriser la langue et qui, loin de se reposer sur ses lauriers, veille à la qualité de son expression orale et écrite, a recours au dictionnaire quand elle hésite et se garde bien d’adopter les raccourcis et les facilités de langage offertes fortuitement par le franglais, les textos et les réseaux dits sociaux ». Voilà mon point de vue. Halte à la démagogie et au « pas-de-stigmatisation ». Appelons un chat un chat.

Claude Lussac confirme ensuite qu’il pense que l’orthographe est discriminatoire mais dévie immédiatement vers ce qu’il appelle un paradoxe : d’un côté le Président de jury d’un grand concours note qu’une orthographe défaillante est secondaire si la pensée est juste (sic !), d’autre part les cabinets de recrutement sont inflexibles sur l’orthographe (35 % des recruteurs rejetteraient les candidatures au-delà de deux fautes). Bon… et alors ? Mon avis est que le Président de jury en question ne connaît pas Victor Hugo qui considérait que la forme n’était que le fond qui remontait et que les recruteurs ont bien raison. Car, au-delà d’un quelconque fétichisme pour l’orthographe, ne peut-on craindre qu’une kyrielle de fautes dans un texte banal et mille fois recopié comme une candidature ne soit le signe au mieux d’une distraction intempestive et au pire d’une désinvolture caractérisée envers le recruteur. En bref, à l’heure des correcteurs automatiques et des dictionnaires sur internet, rédiger avec des fautes est tout simplement se moquer de son interlocuteur.

La journaliste en fait des tonnes dans la même veine que M. Lussac, osant poser cette question : « Quel intérêt aurait-on à s’accrocher à des règles si la faute devient l’usage ? ».

Et cette autre : « Les réseaux sociaux, sont-ils des générateurs de fautes d’orthographe ? ». Notre auteur rappelle que la spontanéité y prime. « Avec l’écriture digitale (sic ! veut-il dire que l’on pourrait écrire autrement qu’avec ses doigts ? ne sait-il pas que le français pour digital se dit numérique ?), nous assistons à un dédoublement de l’orthographe (bigre !). Comme s’il y avait un espace numérique où l’on s’autorise à écrire au brouillon et un autre où l’on s’oblige à rendre une copie propre ». Où est-il allé chercher que l’on aurait deux graphies au choix pour notre langue ? Et que certains seraient « polygraphes » comme d’autres « polyglottes » ?

À la fin de l’entretien il se dit favorable à la réforme de l’orthographe, qui prendra son temps (probablement une génération) pour entrer dans les mœurs ; il croit à la coexistence pacifique (bien) mais choisit un bien mauvais exemple pour l’illustrer, considérant qu’il est tout aussi légitime de faire suivre la conjonction « après que » de l’indicatif ou du subjonctif et en soupçonnant certaines personnes d’employer le subjonctif « pour des raisons euphoniques ». Non, cher Monsieur ! L’indicatif s’impose car un événement est avéré « après que », tandis qu’il est douteux « avant que » ! L’euphonie n’a rien à y faire.

Encouragée par tant de tolérance aux fautes et d’indifférence aux règles, la journaliste lance sa dernière salve révolutionnaire : « à ce compte-là, pourquoi ne pas écrire en phonétique, si ce qui compte c’est d’être compris ? ». Débonnaire, Claude Lussac concède que c’est effectivement une tendance mais qu’il n’y croit pas. Paternel, il nous rassure « L’orthographe n’est pas en danger. Son squelette est solide mais sa chair s’adapte ».

Que penser de tout cela ?

Que l’avalanche de fautes constatées partout et tout le temps est le résultat de la baisse du nombre d’heures de français à l’école, de la disparition de la dictée et du « par cœur », du mépris grandissant de toute règle (sur la route : les feux rouges, les stops, les triangles ; la conduite sans permis ou sans assurance…), de la pusillanimité des censeurs, de l’avènement de générations « J’ai le droit » (voir le livre de Barbara Lefebvre), de la désinvolture et du manque de respect envers l’interlocuteur ou le récepteur, de la paresse d’apprendre…

Et que l’on ne vienne pas nous dire que l’orthographe française est trop compliquée et accuser ceux qui s’accrochent, de corporatisme ou de réflexe de classe.

31/08/2020

Les mots français à la mode XV

Bien sûr, en période de pandémie, comme d’ailleurs en toute période de notre siècle de la « communication », le Gouvernement doit faire preuve de « pédagogie ».

Il y a l’inévitable « du côté » des Bulletins météo : « du côté de l’Essonne » (BFM TV, 29 août 2020), à croire que tous les commentateurs sont des disciples de Marcel Proust.

Et il y a les perles du Président, qui semble être entré dans sa phase de parler simple, pour ne pas dire de parler peuple. Le 28 août 2020, face à la multiplication et à la banalisation des actes violents, il a commis la déclaration suivante : « Un chef doit cheffer ». L’expression peut sembler drôle, plus drôle en tous cas que la syntaxe défaillante de son envolée lyrique du 17 août 2020 : « Notre destin n’est grand que lorsque chacun et chacune fait son devoir » (encore un avatar du « cellesetceux »).

Ce qui nous amène à l’omniprésence du « genre » (mot autrefois strictement réservé à l’analyse grammaticale). Certains se sont plaint du renoncement de notre Académie face à la demande de féminisation des titres et des métiers (synonyme, notons-le, à la fois de « séparation » et d’entorse aux usages de la langue), tandis que, bien sûr, Le Monde, Libération, L’Obs et Marie-Claire, entre autres, applaudissaient bruyamment. Madame Bérénice Levet, elle, n’a pas craint de protester dans le Figaro du 7 mars 2019 contre cette « hantise d’être en retard sur son époque » qui a gagné les Académiciens et de regretter ce vote à la quasi unanimité en faveur d’un rapport sur la féminisation, le 28 février 2019. Elle y voit une nouvelle manifestation « de revendications identitaires toujours plus véhémentes, qui travaillent à décomposer (notre pays) en une myriade de communautés et d’individus » et, en l’occurrence, un désaveu des principes rappelés en 1984 par Claude Lévi-Strauss et Georges Dumézil (excusez du peu…), à savoir que le « sexe » des mots est purement conventionnel et qu’il ne faut voir là aucune domination de quiconque. Peut-on croire sérieusement que les femmes ne se sentent pas concernées quand elles lisent « Tous les hommes sont mortels » ? Après la langue « fasciste » de Roland Barthes, on a droit aujourd’hui à la langue « sexiste, machiste, inamicale aux femmes et vecteur de la domination masculine »… Et Mme Levet de déplorer que l’Académie nous laisse désarmés face aux fantaisies de chacun quant à notre langue. Mais, après tout, certains se sont bien « assis » sur la réforme de l’orthographe de 1991. Qui nous obligera à utiliser les mots « auteure », « écrivaine », « cheffe » ? C’est l’usage de la rue qui, une fois encore, réglera la question. Mais en attendant, pauvres enfants, qui auront à se repérer dans le maquis d’une orthographe déformée par le franglais et d’une grammaire charcutée par tous les « ismes » du jour (américanisme, féminisme, etc.) !

Le hasard de mes lectures et de leur chronologie très peu orthodoxe fait que j’enchaîne sur une brève de Samuel Piquet dans Marianne (1er mai 2020) qui me permet de rester sur le même sujet. Il y mentionne la décision des autorités colombiennes d’instaurer, le temps du confinement, un droit de sortie différencié selon le genre (il ne dit pas « selon le sexe »…). Un jour les hommes, un jour les femmes. Protestation immédiate de la féministe Catalina Ruiz-Nvarro, qui y voit un problème éthique : « Diviser en fonction du genre est aussi arbitraire que diviser entre petits et grands ou entre Blancs et Noirs ». En effet. Interdit, donc, de féminiser ! Sauf la langue… Pour cette dernière, on sépare ; pour les sorties, on ne doit pas.

Évidemment les transgenres (il fallait l’inventer, ce terme) ont souligné le caractère discriminatoire de la mesure. Nous y voilà ! La fameuse discrimination et son compagnon, la stigmatisation.

Je dois dire que j’ai découvert le mot « discrimination » au début des années 2000 dans le contexte de la soi-disant libéralisation du marché de l’électricité, en même temps que les mots « éligible à », « opposable », « transparent », tous vocables d’origine anglo-saxonne comme il se doit. Il s’agissait d’élaborer, de publier et de respecter des règles garantissant un traitement objectif et loyal des demandes d’accès aux réseaux d’électricité. Depuis lors, le mot a fait fortune et chacun se croit fondé à se plaindre de discrimination dès qu’il n’a pas la même chose que son voisin. Le problème en France, c’est l’égalité, a dit Yann Moix récemment. Non pas le principe d’égalité de la devise républicaine, bien entendu, mais les dérives de son application : déresponsabilisés, on attend tout de l’État, on revendique, on a droit à, etc.