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13/02/2020

Analyse d'une phrase

Dans « La Conversation », Mme Véronique Lefebvre des Noettes, psychiatre (Université Paris-Est à Créteil) écrivait le 5 janvier 2020, à propos de la mémoire et de l’oubli : « Si j’étais en incapacité de sélectionner consciemment ou inconsciemment ce qui m’a blessée, heurtée ou apporté de la joie, je ne pourrais plus vivre sereinement ».

Passons sur le fond de cette affirmation qui, sans doute fondée, ne démontre cependant rien du tout ; on peut supposer que la démonstration viendra avec la suite de l’article. Et intéressons-nous à sa forme.

La phrase commence par une formule bizarre : pourquoi écrire « Si j’étais en incapacité », au lieu d’écrire « Si j’étais incapable » ? J’y vois d’abord cette manie contemporaine de compliquer inutilement leurs phrases, sans doute pour faire savant. Qu’ils relisent tous Giono, Genevoix, France pour revenir au discours sobre, parcimonieux, direct, percutant ! Mais j’y vois surtout, une fois de plus, un dérivé de « Si j’étais en capacité », lui-même un calque désolant de l’américain capacity. Sans commentaire.

Voyons maintenant la syntaxe. Mme Lefebvre énumère « ce qui m’a blessée, heurtée ou apporté de la joie ». Elle accorde bien le féminin puisque le complément d’objet direct « m » (pour « moi ») est placé avant l’auxiliaire « avoir » mais sa phrase est déséquilibrée parce que le troisième participé passé, outre qu’il introduit une idée (une conséquence positive) différente de celle des deux précédents (aux conséquences négatives), n’a pas pour COD « moi » mais « de la joie » (ce qui fait qu’il ne s’accorde pas, évidemment). Monseigneur Georges Grente aurait dit que cette phrase contrevenait aux règles nécessaires de l’harmonie, de la périodicité et de la cadence (« La composition et le style », Beauchesne et ses fils, Paris, 1938).

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