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19/08/2020

Les mots français à la mode XIII

Samuel Piquet m’aide à compléter ma collection de mots à la mode dans le numéro du 17 janvier 2020 de Marianne : « briser un tabou », « libérer la parole », « casser les codes », « faire bouger les lignes » sont devenus des tics de langage des journalistes et s’ajoutent à « renverser la table » et à d’autres. Le problème n’est pas tant dans les expressions en tant que telles mais dans leur utilisation à longueur d’article et surtout, nous dit Samuel Piquet à propos du mot « tabou », dans le fait qu’il désigne un sujet qui n’en est plus un la plupart du temps et que souvent il est employé pour parler d’une attitude qui peut choquer (une minorité quelconque ?) et dont on hésite à débattre, sans s’occuper de la question de fond sous-jacente. La bien-pensance et l’hypocrisie généralisée, une fois de plus. Et notre spécialiste du jeu de mots et du calembour de conclure : « En réalité, on est très loin d’avoir réussi à mettre ce qu’il faut taire à terre. Plus dur sera le chut ! ».

L’autre chroniqueur, Benoît Duteurtre, m’aide bien également. Le 10 janvier 2020, il s’attaquait à l’insupportable « On est sur » (sans accent circonflexe). Voici le bulletin météo qui a déclenché sa chronique et son commentaire ironique sur l’empilement improbable de « on », de « phénomènes » et de « région PACA » : « On est sur une répétition de phénomènes sur la région PACA ». J’ai déjà parlé dans le blogue de cette manie d’utiliser « sur » à tout bout de champ au lieu de « à » (« Je rentre sur Paris »…). Mais ici cela va plus loin. Le dernier « sur » est l’objet de mon ire passée, le premier est encore pire : c’est l’utilisation de « on est sur », jadis la chasse gardée des sommeliers (« on est sur un Pinot noir avec des arômes de banane »), puis des restaurateurs (« on est sur un écrasé de pommes de terre ») et aujourd’hui la chasse de tout le monde (« on est sur du Sarkozy bas de gamme », Julien Bayou du parti EELV). « C’est ainsi que la langue s’alourdit, se complique et s’obscurcit » tandis qu’on utilise l’anglais (le franglais) au motif qu’il serait plus simple et plus rapide).

17/08/2020

Relecteur spécialisé en diversité

Il y a le déboulonnage (ou le démontage ou plutôt l’abattage rageur) des statues (cf. mon billet du 10 août 2020). Il y a le caviardage de l’écriture et de la grammaire françaises (cf. mes billets sur l’écriture inclusive). Il y a l’interdiction sauvage de conférences ou de spectacles.

Il y a aussi, nous apprend le Marianne du 17 janvier 2020, la relecture « critique » avant publication, de textes, journalistiques ou romanesques, pour y repérer la présence de stéréotypes ou de représentations biaisées. L’objectif est de n’offenser aucun lecteur, aucune communauté, et d’échapper à toute polémique sur les réseaux sociaux. D’où l’émergence des sensibility readers aux États-Unis et évidemment, chez leurs perroquets zélés de notre pays, de « relecteurs spécialisés en diversité ». Ainsi la romancière J. K. Rowling (Harry Potter) n’aurait-elle pas dû s’approprier la légende amérindienne des Skin Walkers !

Naturellement les grands groupes multinationaux, soucieux de continuer à vendre et de se protéger contre les campagnes de dénigrement, sont à la pointe. EDF consacre une journée annuelle à un Diversity Day (en English, of course). Certain catalogue a été entièrement construit autour de mannequins de couleur (noire en l’occurrence). Plus grave, L’Oréal a décidé de supprimer les mots « blanc » et « blanchiment » de ses publicités pour ses produits cosmétiques. Faudra-t-il ne plus « broyer du noir » ni « rire jaune » ?

Manifestement ce début de XXIème siècle est celui de la reconstruction sur les normes des minorités, après que le précédent avait été celui de la déconstruction des normes majoritaires. Cela nous promet de belles innovations…

Et Samuel Piquet de conclure : « Rien de tel que l’aseptisation pour garantir la variété créatrice ».

12/08/2020

La langue de chez eux

Il y a en France, une école qui s’appelle « Ipag Business School ». Pourquoi donc ? Si « école de commerce » semble daté et ne représente plus convenablement ce qu’il convient d’enseigner aujourd’hui (ces écoles se piquent de « management »…), pourquoi ne pas avoir choisi, par exemple, « école des affaires » ? J’ai ma petite idée : d’abord un nom anglais fait plus moderne et ensuite « des affaires » a en français une connotation péjorative (parce que notre culture est plus tournée vers la conception et la production que vers le mercantilisme et parce que les « affaires » défraient la chronique, sans parler de l’« affairisme »).

Ce n’est pas tout ; dans cette école, il y a un directeur de la chaire (tiens, un mot français ancien…) « French Savoir-faire » !

Donc, comme j’ai l’habitude de le dire : anglais à tous les étages.

Pourtant, dans le Marianne du 1ernovembre 2020, un entrepreneur français (Pierre Schmitt, de VELCOREX) confie : « On ne peut innover que dans la proximité, la culture d’entreprise. On ne peut pas trouver un langage commun en anglais avec des Chinois par mail ».

Qui se souviendra dans un an ou deux de la « start-up nation » rêvée par M. Macron ? C’est une mascarade disent l’ingénieur Benjamin Zimmer et le sociologue Nicolas Menet dans leur livre « Start-up : arrêtons la mascarade » (Dunod, février 2018).

Dans le même numéro de la revue, David Soulard, des meubles Gautier, défenseur de la production en France (en l’occurrence en Vendée) dit aux journalistes : « On a décidé d’intégrer vraiment le made in France, dans notre story-telling il y a quatre ans » (quatre mots anglais dans une phrase de douze). Pourquoi ?