Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/09/2021

"Journal de mes oreilles" (I) (Zoé Besmond de Senneville)

Imposture !

Rarement ai-je eu l’occasion d’acquérir pour 15 € un livre aussi peu intéressant, aussi narcissique et aussi désinvolte envers ses lecteurs…

Figurez-vous que la belle (l’auteur) avait réussi à se faire inviter par Léa Salamé dans le 7-9 de France Inter (on se demande bien grâce à quels appuis), et c’est ainsi que j’ai entendu parler de ce « récit » publié début 2021. On ne sait ce qui est le plus désolant, de l’opportunisme de l’auteur, du manque de discernement de la journaliste, de la docilité de la chaîne face à un éditeur ou à un papa insistant…

Cela étant, l’entretien était suffisamment bien mené de part et d’autre pour que j’aie envie d’en savoir plus ; j’ai amèrement regretté ces 15 € payés à Flammarion (oui, Flammarion, s’il vous plaît !).

À l’origine du livre, la vraie souffrance d’une jeune femme qui découvre à vingt-cinq ans qu’elle devient sourde et sujette à des acouphènes. La quatrième de couverture, sans doute écrite par l’éditeur, entretient la même ambigüité que Mme Salamé, sur le contenu et la teneur réels du livre, puisqu’on y lit : « Comme Beethoven (rien de moins !). C’est le début d’une bataille et d’une acceptation. Avec grâce, joie, lyrisme, Zoé raconte, cherche à guérir, et s’interroge ». Or ce n’est pas du tout ce que l’on ressent dès les premières pages du livre. Pas tellement de bataille, pas tellement d’acceptation, absolument aucune grâce ni lyrisme… Il y a quelques années le livre d’Emmanuelle Laborit, « Le cri de la mouette », avait au contraire beaucoup ému, d’autant qu’il n’était aucunement « victimaire ». Ce livre n’est pas cité dans la bibliographie de Mme Besmond…

Passons sur le titre, « Journal de mes oreilles »… À notre époque de dévoilement généralisé (si l’on peut dire, mais ce n’est pas mon sujet), qui fait de déballages sur l’intestin ou le vagin de telle ou telle, des succès de librairie, c’est un moindre mal.

Tout commence par la préface due à Estelle Meyer, qui semble être une sorte de gourou pour Zoé, en tous cas celle qui l’a accueillie dans un cercle de femmes, où l’on vise à devenir « des putains de déesses » (sic !). Le texte se veut lyrique et poétique, sauf qu’on apprend que son second prénom, Geneviève, « l’avait fait chier longtemps ». « Écrire pour Zoé, c’est essayer d’écouter le coquillage de l’autre, le grand chant qu’elle déploie ». Plus loin : « pour découvrir toute l’ampleur de celle que vous vous apprêtez à lire ». Bigre, on est effectivement au-delà de Beethoven…

Le cercle a fonctionné un an ! « J’ai vu Zoé danser nue sur son arbre généalogique ». « J’ai rencontré Zoé il y a un an. C’est comme une bourrasque dont le tremblement m’ébranle encore ». Bon, dommage, le film sur la jeune fille en feu est déjà sorti…

Le récit proprement dit commence le 5 mai 2020, et Zoé se réjouit du calme lié au premier confinement dû à la pandémie. Elle se rappelle qu’en janvier 2018, elle s’était résolue à voir des médecins (« ceux que je n’aime pas »), après avoir improvisé des traitements. Verdict du scanner : otospongiose bilatérale (deux oreilles) cochléaire (oreille moyenne). Elle est « en colère » et le médecin « ne lui propose rien », sauf que « un jour, il faudra appareiller ».

C’est très difficile à croire ! Aujourd’hui, cette maladie héréditaire se soigne par la chirurgie (remplacement des « osselets » atteints de l’oreille interne, par des prothèses minuscules). Zoé, elle, demande à avoir des appareils auditifs tout de suite. Elle pleure beaucoup (ça fait des paragraphes et des paragraphes) et règle leur compte aux audioprothésistes (Ils sont accusés de faire la promotion de leur produit dernier cri et très cher, mais elle, que fait-elle avec son bouquin ?).

Elle enfonce des portes ouvertes (au début, c’est très bruyant avec les appareils ; ensuite le cerveau s’y habitue et corrige, etc.). Et chez elle, il y a manifestement beaucoup de portes…

Le langage est à la hauteur : « Quoi ? je dois payer 2000 euros pour ça alors que ça me fait hypermal ça ne rétablit rien j’ai l’air d’une débile tu me vends ta came tu m’as prise pour une conne tu fais du business je suis malade personne ne m’a préparée je ne les supporte pas » (page 28 – heureusement, il n’y en a que 161). Assez souvent notre auteur, modèle d’art, comédienne et poète, se dispense de ponctuation ; ça fait « style », sans doute. Par ailleurs, le livre est truffé d’emplois abusifs de « ce qu’il » au lieu de « ce qui ». Par exemple, page 103 : « Le déni, c’est tout ce qu’il s’est passé avant le diagnostic ».

Elle change d’appareils, et de prothésiste et « l’insulte toujours ». Elle est reconnue travailleur handicapé et indemnisée, elle commence à essayer de lire sur les lèvres (capacité très difficile à acquérir, soit dit en passant)… Enfin, au bout d'un an, ses émotions se tassent, elle ne sent plus ses appareils. Mais pendant l’été qui suit, elle les enlève, ce qu’il ne faut jamais faire. Cette jeune femme semble vraiment très mal suivie, ou alors d’une aptitude sans fin aux caprices… Elle se tourne vers les médecines parallèles, est fascinée par les disparitions de cellules cancéreuses sans l’intervention des médecins (?), se plonge dans la psychogénéalogie et finit par se persuader qu’elle est en chemin vers la guérison ! Mais elle fait une chute de vélo et perd ses appareils (qui étaient non pas autour ses oreilles mais dans son sac). C’est un nouveau délire contre l’audioprothésiste. Quatre pages pour raconter sa recherche des petits objets bleus… Fin du nième épisode page 46.

Page 53, le lecteur commence à saturer car les difficultés de notre narratrice, si elles sont réelles et inspirent naturellement beaucoup de compassion, ne justifient nullement un livre ; rien n’étant « transposé », ce ne peut être de la littérature ; rien n’étant informatif ni recommandable comme comportement, cela ne peut pas servir de reportage ni de témoignage (au contraire, j’ai tendance à penser que le récit ne peut que perturber ou faire paniquer des personnes atteintes du même mal ; c’est quasiment de la désinformation quant aux traitements disponibles). À ma connaissance, bizarrement, aucun ORL ni aucun audioprothésiste n’a été appelé à rétablir un peu de vraisemblance dans son manuscrit – licence poétique permise à « l’artiste », sans doute, ce qui permet de raconter n’importe quoi…

Dans son malheur, mis à part la kyrielle de médecins de toutes sortes (les vrais et les moins vrais) qu’elle consulte à tour de bras (et qui ne la guérissent pas – et pour cause !), elle a la chance (Papa est derrière) de se faire aider par des orthophonistes, un psy, un magnétiseur, un ostéopathe crânien, un auriculothérapeute… (les points de suspension sont de Zoé !). Songez-y : elle en est à sa troisième paire d’appareils en moins d’un an et elle a rencontré cinq audioprothésistes ! Ce qui ne l’empêche pas de dézinguer encore un grand patron qu’elle est venue consulter. Cher État-Providence !

Page 72, le lecteur ne peut plus supporter l’exposé de tant de narcissisme et d’infantilisme. Pour meubler, Mme Besmond intercale des pages de dialogue imaginaire avec son « amour » Oto, comme elle l’appelle, pour se la jouer poète inspiré.

Page 77, son récit est terminé, la seconde partie commence, qui s’intitule « GUÉRIR (PUTAIN) ». « J’ai appris la méditation transcendantale, fait des huttes de sudation, des actes de psychomagie, des séances d’hypnose, de reiki, de magnétisme, des psychophanies, établi mon arbre généalogique… Toutes ces pratiques m’ont guidée vers un chemin spirituel puissant. Un chemin spirituel à mener. Une quête » (page 81).

27/09/2021

Du jamais lu...

On en apprend tous les jours… à condition de savoir distinguer entre le vrai savoir et l’information erronée ou manipulée, ce qui est parfois difficile.

Le « genre » des mots et la syntaxe du français ont été mis en question par les féministes jusqu’au-boutistes il y a quelques années et on a pu voir, comme une traînée de poudre (de maquillage ?), les ravages de l’écriture dite inclusive chez les suiveurs professionnels (en vrac : l’enseignement supérieur, la presse bienpensante, les municipalités « écologistes » et bien sûr les militants « progressistes »). On subit aussi les « auteure », « autrice », « écrivaine », « cheffe de », j’en passe et des meilleures. L’Académie a eu beau se déclarer hostile, puis récemment accepter du bout des lèvres la féminisation des noms de métier et des titres ; M. Édouard Philippe, quand il était Premier Ministre, a eu beau interdire l’écriture dite inclusive dans l’Administration… La guerre de tranchées linguistique autour de la féminisation fait rage, et on sait qu’en France, ce genre de guerre peut être rude.

C’est dans ce contexte que j’ai découvert dans une revue corporatiste datée de mars-avril 2021 un article de Mme Mathilde Larrère, maître de conférences à l’Université Gustave Eiffel (je n’ai pas cru devoir reproduire l’horrible « maîtresse de conférences » commis par le rédacteur de l’article, Mme Sophie Chyrek) et spécialiste des révolutions du XIXème siècle, à propos de son livre « Rage against the machisme » (c’est cela aussi l’intersectionnalité ? l’alliance de la soumission à l’anglais et de la fureur contre les hommes…).

Le rédacteur lui demande quand commencent les luttes des femmes pour l’égalité. Mme Larrère répond que cela date d’avant la Révolution française mais que « cela ne fait pas mouvement ». Et sans transition, elle dit « la féminisation de la langue, que l’on réduit encore à un point médian, en est un bon exemple ». Un bon exemple de quoi ? Quel rapport entre l’avant-Révolution et cette revendication d’aujourd’hui ? Je note en passant qu’elle appelle de ses vœux une féminisation qui aille bien au-delà du gadget du point médian…

Mais l’incise atteint son but puisque la journaliste saisit immédiatement la perche qui lui est tendue : « Comment s’opère la masculinisation de la langue ? ».

Réponse de la maîtresse : « Elle commence au XVIIème siècle par un travail volontaire de l’Académie française, assumé et soutenu par l’État et l’Église, qui ont tous deux intérêt à réduire le pouvoir féminin. Certaines femmes vont bien sûr se dresser contre cette masculinisation de la grammaire et celle des noms de métier qui avaient à l’époque une forme féminine et masculine. Et ce combat va ressortir à chaque fois : pendant la Révolution française, en 1848 et, bien sûr, aujourd’hui. Ce n’est pas une lubie du XXIème siècle ».

Ah bon, la langue a été masculinisée ? Encore un horrible complot sans doute. Je n’avais jamais rien lu de tel… mais comment être convaincu alors que tout le reste de l’article est « militant ». Il ne concerne plus la langue, donc je m’arrête là, mais il est de la même eau : magnifique Révolution de 1789 car elle écoute les femmes ; horrible Empire napoléonien car il instaure le Code civil qui les fait rentrer dans le rang ; magnifique Commune de Paris car « elle ne s’écrit pas au masculin »…

14/01/2021

"Un sommet de ridicule" (Michel Volle) II

Je reproduis également, ci-dessous, les commentaires qui ont été apportés à ce billet (que leurs auteurs m’excusent, je ne mentionne pas leur nom). 

Oui, j'ai vu encore pire : un séminaire à Sciences Po, avec deux orateurs américains parfaitement francophones, qui avaient fait l'effort de préparer leur intervention en français, et qui se sont vus priés de parler en anglais. À Sciences Po il me semble que tous les enseignements sont en anglais désormais. Comme tu le dis, on ne peut exprimer des choses subtiles que dans sa langue maternelle, sauf les vrais polyglottes, assez rares. 

Je suis d'accord à 100 %. C'est une question de souveraineté aussi vis-à-vis de l'hégémonie de l'anglais ! 
La langue maternelle est de rigueur dans ce genre de séminaire.
Le snobisme de l'ENA, Sciences Po et autres ne m'étonne pas. L'arrogance de leurs dirigeants pour se plier à l'anglais, soi-disant plus vendeur sur la scène internationale.

Perseverare diabolicum ! Je parle bien sûr de l'usage du globish.
"Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics.
Elle est le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie." Article 1er de la loi n° 94-665 dite "Toubon"
 

Dans une conversation à Montréal, je m'étonnais du mot "traficologie" utilisé par mon interlocutrice canadienne en lui disant : "On ne dit pas ce mot en français". Elle m'a gentiment repris en me disant "Vous voulez dire en France. Vous comprenez ?".

En n'utilisant plus notre langue que pour décrire une partie de nos repas parce qu'on ne peut pas - soi-disant - parler de sujets scientifiques en français, nous la laissons s'appauvrir et mourir. Tant pis, bientôt nous autres Français de France parlerons québecois... 

Au Québec, on parle de l'infonuagique pour le cloud computing et, surtout (parce que c'est délicieux) d'egoportrait pour les selfies ! 

Vous avez raison, nous faisons un grand effort au Québec pour conserver le bon usage de notre belle langue française, même si le gouvernement ne fait pas partie de l'équation.