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19/07/2015

Natacha et moi (VII) : la transmission

"La littérature de jeunesse court toujours le risque, par-delà quelques réussites magnifiques, et quelques authentiques chefs d'œuvre, de n'être qu'une occasion de plus pour les adultes de renoncer à leur rôle de passeurs, qui consiste à faire don aux jeunes générations des références et des récits qu'ils ont eux-mêmes hérités de leurs pères. À chacun ses lectures, à chacun ses références, et la transmission s'arrête ; les jeunes jamais ne s'approprieront le monde. Passée l'adolescence, ces jeunes ne lisent plus ou restent à jamais figés dans la distraction régressive de l'heroic fantasy. Mais les livres qui leur parlent de l'homme, de la société, du réel, ils ne les ouvriront jamais" (page 114).

"À travers l'évocation de cette Europe sans racines que nous édifions, de cette dette abyssale que nous creusons, et de ces ressources naturelles que nous épuisons, il (Nathanaël Dupré La Tour) dresse un portrait de l'Occident oublieux de son histoire et de ses mythes, et qui, même dans son école, a voulu effacer sa propre mémoire" (page 123).

"La mort de l'école républicaine et le triomphe du consumérisme s'accompagnent d'un réensauvagement de la société et d'un isolement des individus par la perte de leur mémoire collective. Le flux des séries américaines et des jeux vidéo mondialisés qui abreuvent une majorité d'enfants les coupe peu à peu de la culture et des modes de vie qui caractérisaient ce pays, mêlant l'idéal républicain et la haute civilité" (page 167).

C'est bon de voir écrits - et de quelle façon ! - les mots et les raisonnements que l'on a toujours portés. On est au moins deux dans ce pays, Natacha et moi.

On lui a reproché d'être "réactionnaire" (au moins sur certains sujets) et je suppose que l'on pourrait dire la même chose de certaines de mes prises de position... Elle a récusé ces critiques et revendiqué, à la suite de Nathanaël Dupré La Tour, un autre jeune homme de 35 ans, mort prématurément, le qualificatif de "conservateur", non pas au sens de la politique américaine mais au sens de "préserver", de "protéger", de "transmettre", "d'assurer la continuité", de "passer le relais".

Et transmettre quoi ? les valeurs de la société américaine, vieille de deux siècles seulement et enrobées depuis cinquante ans de libéralisme économique, de consommation à outrance, de publicité et... de violence ?

Certainement pas ! celles d'un vieux pays de deux millénaires, qui a fait naître les philosophes du siècle des Lumières, a fait sa Grande Révolution et a confié son école aux Hussards de la République.

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18/07/2015

Natacha et moi (VI) : libertés individuellles

"... ce vers quoi nous glissons peu à peu : la transformation de la France en une démocratie libérale à l'anglo-saxonne, non pas laïque mais tolérante, fondée sur la conquête des droits individuels et non sur la détermination du bien commun à travers des valeurs partagées" (page 243).

"... le lien social aura été écorné et la communauté nationale fragilisée. Et nous aurons abandonné un peu plus de notre histoire, de notre culture, fondée sur une référence lointaine à la République romaine et à sa virtus, sur l'équilibre entre les revendications individuelles et la primauté de l'intérêt collectif, pour devenir des individus solitaires, reliés par leur capacité à consommer et à multiplier les procédures judiciaires pour défendre leurs supposés intérêts" (page 244).

 

 

 

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17/07/2015

Natacha et moi (V) : l'idéal républicain

"Il y a une infinité de nuances dans la façon de concevoir la République... Mais il n'est pas de républicain qui ne croie à la res publica, à la chose commune, comme appartenant à tous les citoyens ; ce qui induit l'idée que chacun agit et choisit en fonction du bien commun. Il n'est pas de républicain qui ne croie à la nécessité des vertus républicaines pour mener l'action politique et partager l'espace social, vertus qui ne se résument pas à la jouissance de droits mais correspondent à un idéal de vie selon des valeurs rigoureuses. Car en tout républicain sommeille un Caton, autant qu'un Périclès ; la sobriété des vertus romaines le dispute au strict respect de la séparation entre espace public et espace privé comme garantie de la liberté individuelle et de l'égalité des citoyens entre eux" (page 116).

"Les sociétés occidentales, fondées sur la pulsion consommatrice attisée par la publicité, la mise sous le nez de chacun de ce qu'il ne pourra pas posséder, frappées parallèlement par un chômage et une désindustrialisation qui détruit en premier lieu les emplois les moins qualifiés, ces sociétés-là ont tout pour se retrouver prisonnières d'une impasse : celle qui consiste à voir s'affronter les intransigeants et les angélistes, ceux qui considèrent que chacun n'a que ce qu'il mérite et ceux qui sont prêts à excuser même l'absence de la plus élémentaire morale, laissant croire du même coup que tous les pauvres sont par essence voleurs ou pourraient le devenir. Cet affrontement signe la mort de notre pacte républicain" (page 200).

"... des notions de morale et de dignité humaine, notions qui émanent de la pensée des Lumières et de la philosophie d'Emmanuel Kant qui a sous-tendu toute la conception française de la République, notamment à travers l'école" (page 238).

"Le contrat social, on le sait depuis Hobbes, repose sur l'abandon par les citoyens d'une part de leur liberté en échange de la protection de l'État, qui possède le monopole de la violence légitime" (page 251).

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