Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/07/2015

Cécile, ma sœur (XV) : grammaire

"L'apprentissage de la grammaire fait partie intégrante de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. sans elle il est impossible de comprendre un texte ni d'en composer un. Elle est le nerf de l'enseignement du français.

Savoir nommer un mot à l'aide d'un terme savant fourni par la linguistique ne suffit pas. Il faut pouvoir dire quel rôle ce mot aura dans la phrase, parvenir aussi à le mettre en relation avec les autres mots : en somme, acquérir le plus tôt possible des notions de syntaxe.

Je pense que c'est elle qui fait le plus cruellement défaut aux enfants de l'école primaire. La harangue, le suât logique, la violence, l'incapacité à s'exprimer autrement qu'à l'aide des monosyllabes ou des tristes onomatopées dont j'ai fait état plus haut, sont les conséquences d'une connaissance lacunaire de la grammaire de phrase.

Or La vertu du langage est pourtant de constituer à partir de sensations incohérentes un univers à la mesure de l'humanité.

...

Grammaire.jpgIl faudrait rappeler des notions de bon sens et de logique : la grammaire est une mise en scène où chaque mot est un acteur ayant un rôle précis à jouer dans la dramaturgie du texte, comme le rappelle M. Alain Bentolila dans son rapport remis au ministre sur la réforme de l'apprentissage de la grammaire au collège. M.Bentolila montre comment la solidarité des mots commande l'exercice de l'intelligence et le progrès de la vérité".

 

Ces mots ont été écrits en 2007 par Cécile Ladjali, dans son livre "Mauvaise langue"...

Huit ans après, huit ans !, où en est-on ?

À une nième réforme du collège, une nième polémique… on fait du sur place, en écoutant les experts mais, apparemment pas les bons experts.

 

04/07/2015

Irritations XVIII

Résumons-nous...

Ce qui m'énerve dans le français courant contemporain, y compris bien sûr journalistique et politique, mais en laissant de côté le franglais, dont on a déjà abondamment parlé, c'est ça :

  • l'horrible syntaxe "pour pas qu'elle soit fâchée", au lieu de "pour qu'elle ne soit pas fâchée" ;
  • les majuscules aux adjectifs ; dernier lu en date : "la branche yéménite d'Al-Qaïda, Al-Qaïda dans la péninsule Arabique, Aqpa…" au lieu de "dans la péninsule arabique" ; ce qui est drôle, c'est qu'au moment d'écrire l'acronyme, le journaliste choisit "Aqpa", c'est-à-dire les minuscules ! La cohérence ne l'étouffe pas (Martine Gozlan dans le Marianne du 3 avril 2015) ;
  • l'emploi transitif des verbes qui ne le sont pas ; exemple dans le même Marianne : "Le parti (UMP) a explosé son budget en propagande et communication", au lieu de "a fait exploser" ;
  • l'emploi de l'auxiliaire "être" à la place du verbe "aller". Exemple dans Alternatives économique n° 348 de juillet-août 2015 : "Les éditions La découverte ont été frapper à la porte de Médiapart", au lieu de "sont allées frapper" ;
  • la confusion entre le futur et le conditionnel présent, et les erreurs de graphie et d'intonation qui vont avec : "je reviendrais demain" au lieu de "je reviendrai demain" ;
  • après le mauvais coup porté au subjonctif, la formulation systématique au présent de l'indicatif d'actions ou d'événements devant intervenir ultérieurement ; exemple typique : "Demain on rase gratis", au lieu de "on rasera (peut-être) gratis" ;
  • moins irritants, les perpétuels "amène-moi ça", "il a ramené sa guitare à la maison"… au lieu de "apporte-moi ça" et "il a rapporté sa guitare…" ; a contrario, on amène un enfant à la crèche… ;

Bescherelle.jpg

Voilà, c'est à peu près tout...

Tu vois bien, public, que je ne suis pas exigeant.

03/07/2015

Cécile, ma sœur (XIV) : mots et violence

Rousseau 1712-1778.jpgDe J.-J. Rousseau (1712-1778), d'après Cécile Ladjali, cette curieuse analyse de l'évolution des langues "… la perte de l'harmonie, l'abandon du chant qui irradiaient les langues expliquent leur décadence… Ayant connu des périodes de trop grand raffinement, elle s'est épuisée à force de sophistication, avant d'appeler à elle les chants barbares. ce fut alors la cacophonie…".

Puis elle ajoute :

"Si, historiquement, la décadence des civilisations a toujours annoncé les invasions barbares…, le schisme perceptible entre ceux qui ont les mots et ceux qui en sont dépourvus conduit souvent à la violence et appelle l'affrontement. Celui qui ne maîtrise pas le langage, complexé et vindicatif face à une société qui ne lui a pas donné toutes ses chances, va tenter, bon gré mal gré, de se forger une identité respectable à travers l'utilisation d'un contre-langage. L'individu qui agit ainsi brandira la violence, le non-sens et le galimatias tel un étendard.

La guerre des mondes aujourd'hui est sans doute une guerre des mots".

"… Le scandale est d'autant plus criant que la langue comme la beauté sont à tout le monde et que les rêves sont sans prix… Le clivage entre les individus finira par ne plus être qu'économique. Il se définira par rapport à ceux qui ont les mots et ceux qui ne les ont pas, ceux qui maîtrisent le langage et ceux qui ne le possèdent pas ou pas assez bien.

La mission de l'École de la République est de rêver à une culture élitiste et humaniste pour tous et de rendre ce rêve accessible. Elle a en partie échoué. Mais elle se bat".

"Mauvaise langue" (2007), pages 90 et 91.

"Si les élèves ont peur des mots et jouent à mépriser les textes, c'est parce qu'ils ne s'aiment pas. L'estime de soi viendra de la capacité que l'on aura à se découvrir entre les lignes d'un classique, et elle s'accomplira à travers les pages que l'on rédigera demain pour dire qui l'on est et ce que l'on entend devenir. Néanmoins cette vision de soi et du monde n'adviendra qu'à la condition d'avoir hérité de valeurs et de repères passés. Ainsi, loin de se nier, les époques s'appellent. Elles n'ont pas d'existences autonomes les unes par rapport aux autres, mais c'est la peur, le silence, l'absence de lien linguistique entre elles qui les séparent".

"Mauvaise langue" (2007), page 122.