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10/01/2015

Le français de tous les pays...

Il a fallu ces événements dramatiques pour que le français fleurisse un peu partout dans le monde : "Je suis Charlie", dans un écho lointain et bien involontaire à l'une des plus célèbres phrases de nos philosophes : "Je pense donc je suis"...

Cela nous a fait chaud au cœur de voir nos amis italiens, brésiliens, espagnols manifester leur émotion et leur soutien avec ses trois mots...

Et encore plus de voir nos voisins anglais et leurs cousins éloignés de Nouvelle-Zélande, si prompts à nous brocarder, faire de même...

Et encore plus d'entendre John Kerry prononcer un long discours dans un français impeccable, avec ce sympathique accent anglo-saxon...

Le village planétaire est sanglant mais il est aussi fraternel ; et ça va aussi vite pour l'un que pour l'autre...

09/01/2015

In memoriam : hommage à Bernard Maris

Je ne sais plus comment j’ai découvert Bernard Maris. C’est peut-être bien SES qui me l’a fait connaître…

Depuis, j’étais un inconditionnel.

 

Bernard Maris.jpgJ’ai lu ses deux anti-Manuels d’économie « Les fourmis » et « Les cigales » (Éditions Bréal, 2003 et 2006) au premier semestre 2007 et au dernier trimestre 2008, juste avant et juste après le déclenchement de la grande crise financière qui, d’après les économistes bien pensants (à savoir 90 % des économistes) ne pouvait pas avoir lieu. Du premier tome, j’ai retenu que « la concurrence ne fait pas la croissance », que « le crédit fait la monnaie » et qu’on « ne peut pas ouvrir pas à pas un marché » (or, c’est ce qu’on fait). Et du second, que les néolibéraux, c’est n’importe quoi, et qu’ils nous ont amenés à la crise. B. Maris se laissait souvent emporter par son lyrisme, son idéalisme, voire son simplisme ; d’où des pages pas toujours claires ni très concrètes. Mais quel régal que ce non-conformisme, que cet enthousiasme, que cet amour du peuple, de la liberté (voir son soutien de toujours à Charlie Hebdo, qui lui a coûté la vie), des espoirs de Mai 68 !

 

Plus tard, fin 2012, j’ai lu son « Plaidoyer (impossible) pour les socialistes » Albin Michel, 2012, publié après le décès de son épouse Sylvie, fille de l’écrivain Maurice Genevoix. Il y raconte son enfance et sa jeunesse, placées sous le signe du socialisme et du Sud-Ouest ; c’est documenté, alerte, passionné, brouillon et rageur. Les socialistes de 1981 en prennent pour leur grade, Mitterand en tête.

En fait, seuls trouvent grâce à ses yeux, le grand Jaurès et Keynes (qui n’était pas socialiste).

La thèse du livre ? Le socialisme est introuvable, il est fini. Le capitalisme (qu’il confond en permanence avec le libéralisme) a tout absorbé, et les sociaux-démocrates se contentent de gérer, en essayant de prouver qu’ils font mieux que la Droite… Amère victoire !

Bernard Maris (2).jpg

B. Maris était un grand communicant ; à part ses livres, dont quelques romans, ses chroniques dans les journaux les plus divers, il tenait depuis sept ans, un « moment de radio à deux voix » sur France Inter, avec Dominique Seux des Échos. Çà donnait envie de se réveiller (et éventuellement de se lever) pour écouter ces joutes oratoires. B. Maris, arrivé à vélo, souriant, facétieux, iconoclaste, apportait la plupart du temps un point de vue original et une hauteur de vue sur des questions réputées absconses.

 

Un de ses derniers textes, une interview croisée avec Jacques Attali dans le Monde du 16 septembre 2014, montrait une grande convergence, surprenante, avec l’ancien conseiller de François Mitterand et président de la Commission pour la libération de la croissance.

 

Incidemment, je signale que les deux économistes en appellent tous deux au développement de la francophonie, d’une union francophone, espace de production d’avenir, facteur de croissance et d’identité (J. Attali), les lieux d’expansion existent : la francophonie par exemple… Avec la francophonie, il faut ouvrir des espaces économiques où l’Allemagne ne domine pas (B. Maris).

 

Écoutons ses derniers mots : « Nous allons vers une économie du partage, de la gratuité, du logiciel libre. La figure centrale de demain sera le chercheur qui, lorsqu’il donne quelque chose à la communauté, ne le perd pas. Le chercheur répond aux besoins fondamentaux de l’homme : la création, la curiosité, le changement, le progrès. Il est obligé de coopérer. La coopération canalise la violence… L’au-delà du capitalisme sera une économie solidaire et fraternelle… »

 

B. Maris est mort de la violence.

 

On dit parfois que les cimetières sont remplis de gens irremplaçables… et l’on sous-entend qu’après les hommages funèbres, l’oubli est immédiat, et les héros d’hier aussitôt remplacés.

Mais il me vient en tête un contre-exemple : Michel Colucci, dit Coluche.

Non seulement les gens qui le détestaient l’ont mis aujourd’hui dans leur Panthéon intellectuel, mais l’homme de la rue le cite à tout bout de champ. Et quand on ne se rappelle plus exactement ce qu’il avait dit, on conclut : qu’est-ce qu’aurait dit Coluche en pareil cas !

On n’est pas près d’oublier Bernard Maris.

Et personnellement, j’attends de voir ce qu’il adviendra de sa dernière prophétie : « Je pense qu’il y aura une nouvelle crise financière, que la zone euro éclatera, que l’Europe se balkanisera… » (Charlie Hebdo, 15 décembre 2010).

Et ce matin, à l’heure de la chronique éco., sur France Inter, à 7 h 50, ce sera dur, très dur…

08/01/2015

Pour la défense de la liberté d'expression et de l'esprit français...

Pas de billet aujourd'hui, jour de deuil national, en hommage aux journalistes de Charlie Hebdo, aux policiers et à Bernard Maris, sauvagement assassinés à Paris.

Les chipoteries sur la langue s'effacent devant plus grave qu'elles : la liberté d'expression, la vie, la mort.

Mais la défense de l'esprit français n'est pas loin : caricaturer, moquer, rire de tout...

                      pour éviter d'en pleurer

Je me presse de rire de tout avant d'être obligé d'en pleurer

Le Barbier de Séville, Beaumarchais

Bernard Maris.jpg

 

Je savourais l'azur, le soleil éclatant,

Paris, les seuils sacrés, et la Seine qui coule,

Et cette auguste paix qui sortait de la foule.

Dès lors pourtant des voix murmuraient : Anankè.

Je passais ; et partout, sur le pont, sur le quai,

Et jusque dans les champs, étincelait le rire,

Haillon d'or que la joie en bondissant déchire.

Le Panthéon brillait comme une vision.

La gaîté d'une altière et libre nation

Dansait sous le ciel bleu dans les places publiques ;

Un rayon qui semblait venir des temps bibliques

Illuminait Paris calme et patriarcal ;

Ce lion dont l'œil met en fuite le chacal,

Le peuple des faubourgs se promenait tranquille.

Le soir, je revenais ; et dans toute la ville,

Les passants, éclatant en strophes, en refrains,

Ayant leurs doux instincts de liberté pour freins,

Du Louvre au Champ-de-Mars, de Chaillot à la Grève,

Fourmillaient...

Victor Hugo

Les Contemplations

Lueur au couchant (extrait)

juillet 1855

 

(Anankè : fatalité en grec)