Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/11/2014

Si vous y tenez vraiment...

L’idéal serait que la France crée les concepts, les théories, les techniques et les objets, qu’elle les nomme de façon rationnelle, ou en tous cas conforme aux racines et à la syntaxe de sa langue, et qu’elle les vende donc sous ce nom partout dans le monde. Les pays acheteurs, selon leur attachement à leur propre langue, utiliseraient ces objets sous leur nom français ou sous un nom traduit…

C’est utopique dans l’état actuel des choses.

Une solution sous-optimale, comme on dit en automatique, consisterait à ne nommer les nouveaux concepts et objets que quand un nom « à la française » leur aurait été trouvé, soit par une commission ad’hoc, soit par la sagesse populaire, en respectant par exemple les recommandations de l’Académie contenues dans la loi de 1991, dont j’ai parlé dans un billet précédent…

C’est une utopie aussi.

Une solution acceptable est celle qui propose un nom français, même après-coup, et rappelle le nom anglais entre parenthèses. Par exemple : « L’intérêt croissant pour la nouvelle forme de capital-risque qu’est le financement participatif (crowdfunding) redonnera-t-il aux épargnants français le goût du risque ? » (Le Revenu, n°1298 du 17 octobre 2014).

 

Malheureusement, ce qu’on lit la plupart du temps, ce sont des choses comme ceci : « Cette page contient exclusivement des exercices de Ear Training (littéralement "entrainement de l'oreille") axés sur la reconnaissance des modes » (site de vulgarisation musicale sur internet).

Non seulement l’auteur propose le terme anglais en premier – c’est-à-dire celui qu’il faut retenir, sans italiques – mais il nous fait l’affront de le traduire comme si c’était un idiotisme rare. En passant, il oublie le « î » et utilise l’affreuse expression « axés sur »…

08/11/2014

Dialogues d'en France

Cela fait un bout de temps que je vous avais promis un échantillon de la langue parlée dans la France dite « d’en bas », illustrant ainsi ce qui a été dit depuis des lustres par de savants esprits sur la distinction entre langue écrite et langue parlée, entre langue du pouvoir et langue du peuple, etc.

C’était motivée par l’écoute d’une émission de France Inter « Carnets de campagne » courant septembre 2014.

J’avais entendu un reportage sur une « épicerie ambulante » à Bourdeilles (Dordogne), qui me semblait représentative de la langue parlée actuelle.

Las…

Malgré la profusion de séquences à réécouter sur le site de France Inter et sur le site de l’émission elle-même, je n’ai pas été fichu de retrouver cet entretien… j’ai quand même passé une heure et demie à balayer tous les Carnets de campagne de septembre et d’octobre 2014.

En vain ?

Pas tout à fait.

D’abord l’animateur – Philippe Bertrand – s’exprime très bien : ni franglais ni hésitation ni blabla, un pro.

Ensuite les personnes interrogées ne parlent pas si mal que cela, j’avais fait un procès d’intention, tant mieux.

Je ne suis pas revenu bredouille pour autant. Voici quelques formules attrapées par mes hameçons.

« Tout le monde travaille sur la ferme », « nous proposons un lieu de vie sur Bourdeilles ».

« nous produisons… tout ce qui est viande… ».

« être en autonomie au niveau du chauffage, de l’eau… ».

« ils viennent juste visiter la ferme ».

« pourquoi la Foncière se propose de racheter la ferme ? » (au lieu de « se propose-t-elle »).

« Merci, Sylvie…

Avec plaisir ! » (curieuse façon de prendre congé).

« un label attractif » (au lieu de « attrayant »).

« les produits qu’on amène » (au lieu de « qu’on apporte »).

« ça nous permet de pouvoir… » (au lieu de « ça nous permet de… »).

« Le 6è forum du télétravail du Pays de Murat devient également le forum du coworking et des startups » (sans commentaires).

Ajoutons à cela le « France Télévision replay » et le « France Inter podcast », et on pourra se dire « pas de quoi fouetter un chat » (métaphore à examiner dans le bouquin de M. Fumaroli).

07/11/2014

Économie, politique et langue française

Dans le n°915 de Marianne, Régis Debray et Bernard Maris débattent autour de leurs deux livres récents : « L’erreur de calcul » et « Houellebecq économiste ».

Et que lit-on dans cet échange ?

 

Régis Debray : « … On a atteint le fond de l’indigence. L’appauvrissement de la langue et la décérébration du personnel dirigeant nous affligent chaque jour. On semble tenir pour parfaitement normal qu’un ou une Ministre de la culture n’ait plus de contact avec la littérature ; aux États-Unis, c’est imaginable ; en France, c’est une première » (NDLR : aux États-Unis, il n’y a jamais eu de Ministre de la culture…).

C’est un peu ce que dit F. Lucchini quand on l’interroge sur la situation de la France : « revenons à la littérature » (citation de mémoire).

 

Régis Debray : « L’appauvrissement culturel et philosophique que vous pointez, tient aussi… à la mise en ménage de l’État avec la communication. Le contrôle de la communication par l’État a été remplacé par le contrôle de l’État par la communication, avec primat du visuel, de l’instant et de l’émotion ».

 

Bernard Maris : « Je pense que la gauche devrait aussi se réapproprier la langue. L’acculturation de nos élites dirigeantes, droguées au globish, n’est plus supportable ».

Et Hubert Védrine dans le même magazine, de déclarer, à propos de la pièce « Hôtel Europe » de BHL : « Dans le magma prometteur, mais aussi anxiogène, de la mondialisation, la plupart des peuples européens (et d’autres) résistent au monde globish et cherchent à se rattacher à leur être profond, à leurs traditions, à leur langue. Cette aspiration n’a rien de criminel ! ».

 

Résistons.