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20/10/2015

Écrivains contemporains de langue française : Pierre Garnier (II)

Pierre Garnier, pour moi, c'est Swann au lycée.

Pierre Garnier photo.jpg

Entre le prof. qu'il était avec nous autres en cours d'allemand et dans les couloirs, et le poète reconnu depuis longtemps, picardisant convaincu avec René Debrie, et même fondateur d'un courant poétique (le spatialisme), rien de commun… ou plutôt aucune passerelle !

Poésie spatialiste.png

Heureusement, on ne l'a pas plus embêté en cours qu'il ne nous a embêtés (encore qu'il devait être consterné par notre niveau, lui qui traduisait Goethe et Novalis !). Mais jamais au grand jamais il ne nous a parlé de sa deuxième vie, de sa passion ; jamais au grand jamais, les adolescents que nous étions n'ont soupçonné le talent (abscons il est vrai…) qu'il avait ni qu'il avait autant écrit de livres savants ni encore moins que des séminaires lui seraient consacrés plus tard.

Alors chapeau bas, révérence devant Pierre Garnier, décédé début 2014 à 86 ans et inhumé dans un tout petit village de la Somme.

Poésie spatialiste (2).jpg

"Ma mère à la fenêtre tricote

assise dans l'origine comme Pénélope

Elle chante le Temps des cerises

- elle me dit : C'est ce qui reste de la Commune

De hauts reliefs s'élèvent alors

la fête de l'Huma, à Garches les enterrements

de Barbusse et de Vaillant-Couturier

- pour mes parents, la certitude que la Commune

n'est pas morte.

Mon père depuis longtemps classe

dans des dossiers

des articles et des poèmes

"Ce sont des êtres vivants, dit-il,

il faut les sauver"…"

(Extrait de "Car nous vivons et mourons si peu", Verlag im Wald, 1999)

19/10/2015

Ik pik epeke pik epe (Écrivains contemporains : Pierre Garnier I)

Au lycée, j'ai eu un professeur d'allemand étonnant. Du moins, le considérions-nous ainsi uniquement à cause de son apparence, et plus précisément de sa chevelure, une grosse crinière rabattue en arrière, qui l'avait fait surnommer "bison", je crois. Ajoutons-y une démarche souple, voire élastique, faisant rebondir sur le sol sa carcasse plutôt grande, ainsi qu'un caractère débonnaire et patient, qui donnait toute latitude aux allergiques à Goethe de sommeiller dans le fond de la classe.

Pierre Garnier, c'était son nom, était un prof. sympa, ne cherchant pas à faire de l'autorité ; il travaillait avec les élèves intéressés et laissait les autres tranquilles. Il m'appréciait car je participais et répondais aux questions.

C'est par lui, bizarrement, que j'ai découvert, dans une traduction allemande, l'hymne du folksong américain de l'époque : "Die Antwort weiss ganz allein der Wind", à savoir "Blowin'in the wind".

Mais le plus beau était caché, à nous autres lycéens…

En marge de son travail de prof. d'allemand, Pierre Garnier avait une vie littéraire parallèle. Je l'avais oublié, et ce n'est qu'en feuilletant récemment un livre de poèmes anglais que j'ai retrouvé, en guise de marque-page, une coupure de journal (lequel ? aucune idée… peut-être les Nouvelles littéraires ?), intitulée "La Lettre contre les belles lettres".

Cet entrefilet parlait des "briseurs de mots", à savoir les Lettristes, pour qui le mot devait se réduire en particules, les lettres à l'état sauvage.

 

Lettrisme.jpg

 

Parmi eux, le spatialiste Pierre Garnier, auteur de "Spatialisme et poésie concrète" (Gallimard, 1968), à qui l'on doit ce poème :

"Ik pik epeke pik epe

pik bou pik boupik bou pi

pik bo pik bo pik bo pik bo p"

 

 

Pour en savoir plus : le site officiel des théories du lettrisme

"Depuis son origine, qui coïncide, en 1945, avec l’arrivée en France de son promoteur, Isidore Isou, le Lettrisme s'expose comme la continuité authentiquement créatrice des grands mouvements culturels passés. De tous, il s'affirme le seul, au dehors des généralisations dialectiques, outrancières et erronées, à avoir effectué le plus grand nombre de bouleversements spécifiques qu'il inscrit, avec précision, dans les cadres déterminés des domaines de la culture et de la vie – de l’Art, de la Science, de la Philosophie, de la Théologie et de la Technique – à l'intérieur desquels, aux acquis séculaires, ils ajoutent des acquis neufs, en cela susceptibles d'augmenter les possibilités d'existence de l'être.

  Une telle totalité, ouverte sur des contenus aussi diversifiés et marquée en chacun par la complexité d'apports successifs, ne pouvait pas ne pas poser des problèmes inusités de communication et de propagation. Longtemps, c'est elle qui fera obstacle à la compréhension de la nature des préoccupations de ce mouvement d'avant-garde, et, par là, à sa reconnaissance sociale".

18/10/2015

Langue française, diplomatie et politique

Lu dans l'article "Quand Bonaparte faisait la paix" de la revue "Valeurs actuelles" du 8 octobre 2015 :

"Pour la première fois aussi, les parties signataires ratifient une version anglaise (alors que le français, succédant au latin, était jusqu'ici la langue exclusive des actes diplomatiques) ; enfin et surtout, le traité d'Amiens ne renvoie nulle part aux clauses des traités de Westphalie qui, depuis 1648 (NDLR : sous Louis XIII…) étaient la grammaire du continent européen...

Une grammaire largement française, puisque majoritairement élaborée par Richelieu, puis Mazarin, pour organiser l'atomisation de l'ensemble allemand… Et par conséquent, la prééminence française sur le continent !".

Traité d'Amiens.jpg

Incidemment, c'est au travers de ce traité que la France a pu récupérer de l'Angleterre, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe. Ouf ! Où irions-nous en vacances sinon ?

Les temps ont bien changé : il est même très difficile de maintenir la langue française comme langue officielle dans les derniers bastions où l'histoire l'avait installée (les Jeux olympiques…). En Europe, à Bruxelles, c'est déjà foutu depuis longtemps (son statut de langue officielle de l'Union permet en théorie qu'elle soit langue de travail, par exemple dans les projets européens de R&D, au choix des participants ; mais ce n'est jamais le cas : si un projet rassemble des partenaires français, italiens et espagnols, c'est en anglais qu'ils vont se parler et travailler...

Aujourd'hui comme hier, la puissance économique, militaire, démographique… induit la prééminence de la langue du pays qui domine : l'anglais des États-Unis (en attendant le chinois ?).

Il se dit que l'utilisation de l'anglais en lieu et place du français, bien plus précis, dans certains traités internationaux, comme ceux qui ont défini les frontières au Moyen-Orient, aurait sa part de responsabilité dans les conflits qui sont apparus depuis les années 30...

Quoiqu'il en soit, nous sommes bien loin de la situation du 25 mars 1802 ; l'Allemagne, unifiée malgré Richelieu, mène la danse, et le Président de la République française approuve docilement les décisions allemandes.