31/05/2018
"L'encre dans le sang" (Michelle Maurois) : critique I
Voyons donc maintenant ce qu’est ce livre au titre mystérieux. Michelle Maurois, fille d’un grand écrivain français et écrivain elle-même, découvre dans la maison du Périgord, à Essendiéras, les archives de la famille, sous forme de lettres, de journaux intimes, de factures, de menus de fête. Elles ont été triées par sa belle-mère Simone Arman de Caillavet, deuxième épouse de son père, et représentent un fonds documentaire extraordinaire sur des gens connus ou moins connus, conservé essentiellement par les femmes des deux familles Arman et Pouquet, qui avaient « l’encre dans le sang » comme d’autres ont les études ou le notariat dans le sang, c’est-à-dire qu’elles écrivaient et conservaient tous les écrits. Essendiéras était la propriété de la famille Pouquet comme Capian, près de Bordeaux était celle de la famille Arman, et ces villégiatures jouaient à l’époque le même rôle que nos résidences secondaires aujourd’hui : lieux de vacances, de courts séjours à la campagne, de ressourcement, ou plus puisque l’agent de change Léopold Pouquet était maire de son village.
De 1975 à 1981, Michelle Maurois, qui a classé ces papiers, se met à en faire une histoire, l’histoire de ses aïeux par alliance, puisqu’elle-même n’était que la belle-fille de la deuxième épouse de son père. À vrai dire, c’est l’histoire de deux familles essentiellement, les Arman et les Pouquet, et même d’un couple particulier dans ces deux familles, les petits fiancés Jeanne Pouquet et Gaston Arman de Caillavet (le patronyme Caillavet a été ajouté à Arman arbitrairement, sans correspondre à un titre de noblesse ; aujourd’hui, d’innombrables époux choisiraient Arman-Caillavet).
Le livre a été publié en 1982 chez FLAMMARION. Michelle Maurois remonte loin : si Jeanne et Gaston ont le rang de grands-parents pour elle, Eugène et Marie Pouquet d’une part, Albert et Léontine Arman de Caillavet d’autre part sont des arrière-grands-parents, et on entend même beaucoup parler à la génération précédente, de Lucien Arman et Laure de Caillavet, d’Auguste Lippmann et Frédérica Koenigswarter, tous ceux-là de la branche Arman, avec une mention spéciale pour Lucien Arman, victime d’une faillite retentissante qui l’a mis au ban de la famille et fait l'objet dans le récit d’un chapitre fouillé et passionnant.
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28/05/2018
"L'encre dans le sang" (Michèle Maurois) : réponse à la devinette
La réponse la plus facile concernait le statut de ces écrivains : tous, sauf Michèle Maurois, étaient Académiciens français ; oui, même Dominique Bona, qui a surtout écrit des biographies ou plutôt d’excellents récits de la vie sentimentale de Romain Gary, Berthe Morisot, Paul Valéry et… André Maurois !
Ensuite, quel est donc le lien entre ces personnages ? Eh bien, outre que Michèle Maurois était naturellement la fille de son père, elle était aussi la belle-fille de Simone, née Arman de Caillavet et la petite-fille par alliance de Gaston Arman de Caillavet, célèbre auteur, avec Robert de Flers, de comédies de boulevard à la Belle Époque. Gaston, quant à lui, était le fils de Léontine Arman, née Lippmann et égérie d’Anatole France.
Procédons donc à rebours : Anatole France, ce monument de la littérature française, Prix Nobel, était l’amant de Léontine, dont il fréquentait assidûment le salon, cette Léonine qui était l'arrière-grand-mère par alliance de la fille d’André Maurois,
Allons plus loin : l’épouse de Gaston Arman de Caillavet, Jeanne Pouquet, grand-mère par alliance de Michèle Maurois, a été courtisée par Marcel Proust, dont elle s’est d’ailleurs moqué tant et plus. Quant à Gaston, il a eu pour gendre posthume André Maurois, industriel défroqué, Alsacien patriote (pléonasme ?), anglophone et anglophile, écrivain, historien, essayiste (lire son « Art de vivre » !) et biographe émérite. À ce dernier titre écrivit « À la recherche de Marcel Proust » !
Enfin, quel est donc le livre absent de mon billet, le chaînon manquant ? C’est « Le lys rouge », roman dans lequel Anatole France raconte sa liaison avec Léontine, pendant du roman d’André Maurois, « Les roses de septembre », qui est le récit à peine dissimulé de sa passion foudroyante et tardive pour une superbe danseuse sud-américaine.
Ainsi donc, par une « transformation conforme », comme disent les mathématiciens, pourrais-je sans mal réorganiser ma bibliothèque à la façon Warburg en mettant côte à côte ces auteurs et ces livres, sous les thèmes croisés de l’excellence littéraire, de l’autobiographie, de la biographie, de la société de la première moitié du XXème siècle et de… l’adultère.
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25/05/2018
"L'encre dans le sang" (Michèle Maurois) : devinette
Dans ma bibliothèque – la « librairie » de Montaigne... – les livres sont rangés par ordre alphabétique des auteurs. En haut à droite se trouve André Maurois, avec en particulier « Les roses de septembre » ; dans l’ombre de son père, bien sûr, Michèle Maurois avec « L’encre dans le sang » ; de l’autre côté, sur la gauche, on trouve Anatole France, avec « La rôtisserie de la Reine Pédauque », « Les dieux ont soif » et la tétralogie « Histoire contemporaine » ; et tout en haut à gauche, « Il n’y a qu’un amour » de Dominique Bona.
Ce coup d’œil n’est pas anodin ! Il y a beaucoup à dire sur ces auteurs, ces livres et sur leurs liens…
Je vois tout de suite trois questions à vous poser, chers lecteurs :
D’abord, quel est le point commun – quant au statut – entre ces écrivains (sauf un) ?
Ensuite quel est le point commun – quant à l’histoire sentimentale personnelle – entre ces écrivains ?
Enfin, et corrélativement, quel est le livre qui manque, celui que je n’ai pas cité et qui pourtant est le pendant de celui d’André Maurois, si l’on peut dire ?
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