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27/03/2018

Semaine de la langue française et de la francophonie 2018

Alors ce coup-ci, c’est complètement raté ! Qui donc a entendu parler, la semaine dernière, de la Semaine de la langue française et de la francophonie ?

Pas moi en tous cas… il est vrai que j’étais dans le Pays vert, avec pas mal d’occupation et beaucoup d’autres préoccupations ; mais je regardais les revues de presse sur mon téléphone et un peu la télévision… Pas une seule fois je n’ai entendu évoquer cette fameuse (?) manifestation culturelle, qui mettait en scène comme chaque année des ateliers, des jeux, des dictées autour du français.

Il est vrai que l’actualité, dramatique près de Carcassonne, cocasse dans la sphère d’un ancien Président de la République, polarisait l’attention des médias les plus suivis… Mais tout de même ! 

Oui, ce coup-ci, dans l’indifférence et même dans l’ignorance générale, « La Semaine de la langue française et de la francophonie se déroule du 17 au 25 mars 2018. Cette semaine permet de célébrer la langue française à travers de nombreuses animations organisées partout en France et à l'étranger » (annonce sur le site du ministère de l’Éducation nationale).

Semaine d ela langue française 2018.png

Et mes lecteurs et amis francophones des Amériques et d’Afrique, en ont-il eu vent ? (je pense au vent du large, bien entendu). Qu’ils me répondent en « Commentaire » de ce blogue ! 

Est-ce un signe des temps ?

Ou plus simplement que la communication (à outrance, sur tout et n’importe quoi) tue la communication ? 

Alors comment donc ai-je appris – a posteriori – la tenue de cette manifestation confidentielle ?

Eh bien en lisant un article du site influencia.net, qui m’a l’air dédié au suivi de la publicité et qui titrait, le 23 mars 2018 : « Le français à la moulinette de la pub ». Tout un programme, dont je vous rendrai compte dans un prochain billet.

07/03/2018

"Mais qui sont les assassins de l'école ?" (Carole Barjon) : critique II

Concrètement, quel est le problème ?

« 15 à 20 % des élèves de chaque génération ne maîtrisent pas la lecture à l’entrée au collège » (page 15).

À cela s’ajoute l’augmentation, d’une étude PISA à l’autre, de l’écart entre bons et mauvais élèves. Enfin la France est le pays qui a le système éducatif le plus inégalitaire. Or l’avenir d’un élève qui n’arrive pas à bien lire est fortement compromis. 

Comment donc en est-on arrivé là ? (page 213)

La méthode dite globale et ses dérivées ont fait des ravages. Il est prouvé que la méthode syllabique permet aux élèves de mieux lire, de façon plus fluide ; mais il aura fallu quarante ans pour qu’un début de remise en question s’amorce !

En 1995, sous l’influence des universitaires, c’est « la linguistique de l’énonciation et la grammaire de texte qui font leur entrée » (page103).

Le fameux slogan « mettre l’élève au centre de l’école » (MM. Jospin, Allègre et leurs conseillers) cachait une conception aberrante de l’apprentissage : fi des savoirs, fi de la prééminence du maître, l’élève découvre tout seul, construit son propre parcours et synthétise des connaissances qu’il n’a pas ! Haro sur la répétition, haro sur le « par cœur » ! Adieu les connaissances, vive les compétences ! Ces messieurs[1], mal inspirés par Bourdieu, Barthes et Derrida, ont fait de la déconstruction leur cheval de bataille.

On a vu fleurir des orientations surprenantes, pour ne pas dire consternantes : « il faut permettre aux élèves d’être accompagnés en tant qu’eux-mêmes » ; « on n’a pas forcément besoin d’un enseignant pour apprendre. Dans certains cas, les élèves apprennent mieux en se parlant les uns aux autres » (page 60) !

Carole Barjon cite des extraits d’une formation à Lille, dans laquelle un formateur recommande de ne pas se formaliser si un élève écrit « les petitent filles » (car il a bien perçu le pluriel, même s’il a utilisé la marque propre aux verbes au lieu de celle des adjectifs…) ou « le plafond s’émiettent » (car, après tout, il y a bien plusieurs miettes…) (page 71) ! 

Les IUFM, lieux de formation des maîtres confiés à des universitaires, se révèlent inadaptés… Un ministre les supprime pour les remplacer par… rien.

Enfin (si l’on ose dire…), il y a la diminution constante, dans des proportions alarmantes, du nombre d’heures consacrées à l’apprentissage du français (on parle de l’équivalent de deux années en moins depuis les années 60). 

Alors, qui sont donc les responsables ?

D’abord les hommes politiques (manque d’intérêt, faiblesse, laxisme, recherche de la paix sociale avant tout…) et l’administration (qui ne se sent pas obligée d’appliquer leurs directives) : « Sur le papier, le ministre a tout pouvoir. Dans la réalité, l’autonomisation de l’administration est impressionnante. L’inspection générale et la bureaucratie intermédiaire confondent indépendance scientifique et je fais ce que je veux. Elles se comportent comme une sorte de clergé » (page 32). « Les inspecteurs généraux (…) ont un statut à vie, qui leur permet de résister aux changements de gouvernement et de survivre à toutes les alternances politiques (…) Ils définissent les méthodes et les contenus des évaluations (des inspecteurs d’académie). Parfois en décalage avec la politique ministérielle » (page 33). 

Certains conseillers et inspecteurs généraux sont « insubmersibles » : Alain Boissinot, Jean-Paul de Gaudemar, Christian Forestier, Viviane Bouysse, Florence Robine…

« Nommés pour la plupart, par Lionel Jospin et Claude Allègre, les pédagogistes et les didacticiens (experts en méthodes d’enseignement) sont en effet demeurés dans la grande maison de la rue de Grenelle, quelle que soit la couleur politique des gouvernements en place » (page 51). Aujourd’hui ces « pédagos » et « didacticiens » se rejettent la faute les uns sur les autres… Alors on trouve dans cette catégorie Roland Goigoux, le pape de la méthode globale, que Gilles de Robien a fini par être obligé de renvoyer à son métier d’enseignant à l’université (page 74). On trouve aussi Michel Lussault et Jean-Michel Zakhartchouk, à l’époque du fameux jargon des pédagogistes : «  traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête dans un milieu aquatique profond standardisé » (pour « nager dans une piscine ») (page 90). On trouve Alain Viala et Alain Boissinot, « ce duo infernal qui, sous le règne de Claude Allègre, a modifié de fond en comble l’enseignement du français » (page 110). On trouve Philippe Meirieu, le pape des pédagogistes (le relativisme, le constructivisme et tutti quanti). On trouve Eveline Charmeux et Sylvie Plane, adversaires acharnées de la méthode syllabique. On trouve François Dubet, apôtre d’un SMIC culturel accessible à tous les élèves (page 149) : « Les contenus du collège doivent être adaptés à ce que doit savoir le plus faible des élèves quand il sort » (page 150). 

Le petit livre de Carole Barjon est très instructif parce que très documenté, facile à lire (quelques heures) et il complète très utilement, sur les aspects historiques et personnels, ce que l’on peut lire dans d’autres ouvrages plus focalisés sur le fond. 

Donnons le dernier mot à Fanny Capel, présidente de l’association Sauver les lettres : « Les leçons de vocabulaire et la pratique de la grammaire sont les seules garanties d’une pensée précise et articulée » (page 44) et à Éric Pellet « La grammaire doit être défendue parce qu’elle est, avec les mathématiques, la discipline scolaire qui donne le plus tôt accès à l’abstraction » (page 105).

 

[1] Justement (et bizarrement), il n’y a pas de femmes dans cette désolante entreprise… On pourrait paraphraser Renaud, sauf qu’ici même Mme Thatcher n’y est pour rien !

05/03/2018

"Mais qui sont les assassins de l'école ?" (Carole Barjon) : critique I

Grâce au livre « Mais qui sont les assassins de l’école ? » de Carole Barjon, journaliste au Nouvel Observateur et mère de famille, on sait maintenant qui c’est : les pédagogistes, les didacticiens, les hommes politiques – y compris tous les Présidents de la République depuis Georges Pompidou – et, indirectement, les syndicats d’enseignants et les enseignants eux-mêmes qui, démobilisés, dépassés, étouffés par le mammouth, n’ont protesté que bien faiblement depuis quarante ans. Cela fait beaucoup de monde, et parmi ceux-là, face à la catastrophe éducative objectivée maintenant par les enquêtes internationales (le fameux PISA de l’OCDE), bien peu reconnaissent leurs erreurs et leur part (énorme) de responsabilité.

Le livre est paru chez Robert Laffont en 2016, un an avant l’élection présidentielle qui verra triompher Emmanuel Macron ; l’avant-dernier chapitre en appelle à une prise de conscience générale et un sursaut, et propose quelques mesures fortes à prendre d’urgence. M. Jean-Michel Blanquer semble être sur cette longueur d’onde ; s’il va jusqu’au bout et arrive à embarquer le corps enseignant – ce qui n’est pas gagné vu les tentatives de certains de ses prédécesseurs comme Jean-Pierre Chevènement et Xavier Darcos –, on reviendra de très loin et on pourra peut-être remettre l’Éducation nationale sur de bons rails.

Mais revenons en 2016 : François Hollande est Président de la République depuis deux ans ; il considère qu’il en a assez fait en affichant l’objectif de 60000 nouveaux postes et en décrétant « l’école primaire, enjeu majeur du quinquennat ». Il en est à son troisième Ministre de l’Éducation nationale, la fameuse Mme Belkacem, empêtrée dans la théorie du genre, obsédée par le souci d’éviter l’ennui aux élèves (sic !) et toujours concentrée sur le collège, exactement comme tous ses prédécesseurs. Autour d’elle, toujours les mêmes conseillers, qui ont noyauté la commission des programmes, la formation des maîtres et les directions du ministère depuis des dizaines d’années.

Carole Barjon est cette jeune femme blonde pétulante que l’on voit souvent sur BFM-TV dans les débats sur l’actualité. Son engagement dans cette question éducative a pour seule origine sa position de parent d’élèves, qui lui a fait toucher du doigt l’abandon de l’orthographe et de la grammaire par l’Éducation nationale, ainsi que diverses aberrations.

Son livre n’est aucunement théorique, idéologique, ni polémique ; c’est un reportage de journaliste, factuel, sans effet de manches ni dramatisation excessive. Elle a sans doute lu, au moins en partie, les réquisitoires qu’elle cite abondamment : « Les héritiers, les étudiants et la culture » de Pierre Bourdieu (1964), « La sagesse du professeur de français » de Cécile Revéret (2009) que j’avais lu à l’époque, « Réveille-toi, Jules Ferry, ils sont devenus fous » de Emmanuel Davidenkoff (2006) « Et vos enfants ne sauront pas lire… ni compter » de Marc Le Bris (2004), « L’école ou la guerre civile » de Philippe Meirieu et Marc Guiraud (1997), « Réapprendre à lire » de Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller (2015), « Le pacte immoral » de Sophie Coignard (2011), « Contre-expertise d’une trahison » de Agnès Joste (2002), « Les déshérités ou l’urgence de transmettre » de François-Xavier Bellamy (2014), « La fabrique du crétin » de Jean-Paul Brighelli (2005), « La barbarie douce » de Jean-Pierre Le Goff (1999), « L’école est finie » de Jacques Julliard (2015) et aussi Jean-Claude Michéa, Marcel Gauchet, Éric Orsenna, Alain Bentolila et d’autres encore ; comme quoi ce ne sont pas les lanceurs d’alerte qui ont manqué ! Carole Barjon consacre son chapitre « Tous réacs » à ces gens qui ont tiré la sonnette d’alarme.

Mais elle a surtout interrogé un nombre impressionnant de personnalités : anciens ministres, anciens présidents de commission, philosophes, sociologues, journalistes, essayistes (dont l’excellente Natacha Polony mais non pas la non moins remarquable Cécile Ladjali), chercheurs et universitaires (dont Stanislas Dehaene, spécialiste des sciences cognitives et professeur au Collège de France), etc. C’est une vaste enquête dont elle prend soin de rendre compte avec modération, sans dénier à la plupart de ses interlocuteurs le souci originel de bien faire et la bonne foi.

À suivre !