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05/03/2018

"Mais qui sont les assassins de l'école ?" (Carole Barjon) : critique I

Grâce au livre « Mais qui sont les assassins de l’école ? » de Carole Barjon, journaliste au Nouvel Observateur et mère de famille, on sait maintenant qui c’est : les pédagogistes, les didacticiens, les hommes politiques – y compris tous les Présidents de la République depuis Georges Pompidou – et, indirectement, les syndicats d’enseignants et les enseignants eux-mêmes qui, démobilisés, dépassés, étouffés par le mammouth, n’ont protesté que bien faiblement depuis quarante ans. Cela fait beaucoup de monde, et parmi ceux-là, face à la catastrophe éducative objectivée maintenant par les enquêtes internationales (le fameux PISA de l’OCDE), bien peu reconnaissent leurs erreurs et leur part (énorme) de responsabilité.

Le livre est paru chez Robert Laffont en 2016, un an avant l’élection présidentielle qui verra triompher Emmanuel Macron ; l’avant-dernier chapitre en appelle à une prise de conscience générale et un sursaut, et propose quelques mesures fortes à prendre d’urgence. M. Jean-Michel Blanquer semble être sur cette longueur d’onde ; s’il va jusqu’au bout et arrive à embarquer le corps enseignant – ce qui n’est pas gagné vu les tentatives de certains de ses prédécesseurs comme Jean-Pierre Chevènement et Xavier Darcos –, on reviendra de très loin et on pourra peut-être remettre l’Éducation nationale sur de bons rails.

Mais revenons en 2016 : François Hollande est Président de la République depuis deux ans ; il considère qu’il en a assez fait en affichant l’objectif de 60000 nouveaux postes et en décrétant « l’école primaire, enjeu majeur du quinquennat ». Il en est à son troisième Ministre de l’Éducation nationale, la fameuse Mme Belkacem, empêtrée dans la théorie du genre, obsédée par le souci d’éviter l’ennui aux élèves (sic !) et toujours concentrée sur le collège, exactement comme tous ses prédécesseurs. Autour d’elle, toujours les mêmes conseillers, qui ont noyauté la commission des programmes, la formation des maîtres et les directions du ministère depuis des dizaines d’années.

Carole Barjon est cette jeune femme blonde pétulante que l’on voit souvent sur BFM-TV dans les débats sur l’actualité. Son engagement dans cette question éducative a pour seule origine sa position de parent d’élèves, qui lui a fait toucher du doigt l’abandon de l’orthographe et de la grammaire par l’Éducation nationale, ainsi que diverses aberrations.

Son livre n’est aucunement théorique, idéologique, ni polémique ; c’est un reportage de journaliste, factuel, sans effet de manches ni dramatisation excessive. Elle a sans doute lu, au moins en partie, les réquisitoires qu’elle cite abondamment : « Les héritiers, les étudiants et la culture » de Pierre Bourdieu (1964), « La sagesse du professeur de français » de Cécile Revéret (2009) que j’avais lu à l’époque, « Réveille-toi, Jules Ferry, ils sont devenus fous » de Emmanuel Davidenkoff (2006) « Et vos enfants ne sauront pas lire… ni compter » de Marc Le Bris (2004), « L’école ou la guerre civile » de Philippe Meirieu et Marc Guiraud (1997), « Réapprendre à lire » de Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller (2015), « Le pacte immoral » de Sophie Coignard (2011), « Contre-expertise d’une trahison » de Agnès Joste (2002), « Les déshérités ou l’urgence de transmettre » de François-Xavier Bellamy (2014), « La fabrique du crétin » de Jean-Paul Brighelli (2005), « La barbarie douce » de Jean-Pierre Le Goff (1999), « L’école est finie » de Jacques Julliard (2015) et aussi Jean-Claude Michéa, Marcel Gauchet, Éric Orsenna, Alain Bentolila et d’autres encore ; comme quoi ce ne sont pas les lanceurs d’alerte qui ont manqué ! Carole Barjon consacre son chapitre « Tous réacs » à ces gens qui ont tiré la sonnette d’alarme.

Mais elle a surtout interrogé un nombre impressionnant de personnalités : anciens ministres, anciens présidents de commission, philosophes, sociologues, journalistes, essayistes (dont l’excellente Natacha Polony mais non pas la non moins remarquable Cécile Ladjali), chercheurs et universitaires (dont Stanislas Dehaene, spécialiste des sciences cognitives et professeur au Collège de France), etc. C’est une vaste enquête dont elle prend soin de rendre compte avec modération, sans dénier à la plupart de ses interlocuteurs le souci originel de bien faire et la bonne foi.

À suivre !

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