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20/02/2020

"La recherche de l'absolu" (Honoré de Balzac) : critique I

« La recherche de l’absolu » est le roman de la passion dévastatrice ; non pas la passion amoureuse, non pas une passion moralement condamnable comme celle pour le jeu, mais la passion pour la Science, pour la Recherche, pour la Connaissance ; passion qui pourrait être admirable si, en l’occurrence, elle ne prenait pas le pas sur tous les autres sentiments et n’interdisait l’exercice de tout devoir : l’amour conjugal, l’amour paternel, l’amitié, les relations sociales.

Claës, un notable du Nord de la France, se prend de passion pour la science, pour la chimie plus précisément, suite à une rencontre avec un scientifique polonais. Anticipation étonnante dans un roman écrit en 1834, Balzac focalise l’intérêt de son héros sur la structure de la matière, la composition ultime des éléments naturels, préoccupation qui fera l’objet de la révolution de la physique à la fin du siècle seulement et au début du suivant, avec Planck, Bohr, Perrin et tous les autres. De ce point de vue, Honoré de Balzac fait ici du Jules Verne !

Mais dans la description minutieuse de la société de Douai et de son cadre de vie, et plus encore dans le lyrisme de son style et l’implacabilité de cette descente aux enfers, Balzac fait clairement du Balzac, et on pense au « Lys dans la vallée » et à « Eugénie Grandet » (et aussi à Henry James mais c’est parce que Balzac était l’un de ses modèles littéraires). Au total, le roman est un peu long parce qu’on comprend assez vite que le comportement de M. Claës ne changera pas – il est possédé –, qu’il conduira sa famille à la misère et que sa fille aînée, admirable de dévouement et de compréhension, cèdera à son père encore et toujours, jusqu’à accepter à plusieurs reprises qu’il ruine par ses rechutes tous ses efforts pour redresser la fortune et l’honneur des siens.

L’exacerbation des (bons) sentiments, les qualités qu’il prête à la gent féminine, celles qu’il attribue aux gens du Nord (les Flamands) sont toutes de bon aloi mais tellement appuyées que cela nuit au réalisme et à la crédibilité du récit. Un exemple parmi cent : « Elle eut cette soumission de la Flamande, qui rend le foyer domestique si attrayant, et à laquelle sa fierté d’Espagnole donnait une plus haute saveur » (page 54).

Cela étant, qui mieux que Balzac sait rendre une ambiance, un cadre de vie, un habitat ? Qui mieux que lui sait mener une histoire de ses prémisses à son issue, ici fatale ? La forme romanesque est avant tout prétexte à une étude de caractères et à la description des ravages causés par une passion dévorante. Dans sa préface aussi concise que remarquable à l’édition de « La fenêtre ouverte » (1968), Mme Juliette Harzelec émet l’hypothèse que cette histoire racontée par Balzac est une métaphore de son propre destin, puisque, enfin marié à la fameuse Mme Hanska et promis au bonheur qu’il poursuit depuis des années, il disparaît peu de temps après, comme Balthazar Claës expire au moment où il pense avoir trouvé l’Absolu…

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