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31/03/2015

Irritations X

Ça a commencé tôt ce matin, en partant de chez moi : je tombe sur une voiture d’artisan avec l’enseigne « Maisonning » (je ne sais plus s’il a écrit le mot avec deux « n » ou avec un seul mais peu importe). Ainsi donc, il n’y a pas qu’Inès de la Fressange ou les consultants en informatique qui usent et abusent du franglais ; le premier artisan venu, sans doute pour se différencier, ainsi que le lui a conseillé sa Chambre des métiers, invente lui aussi des mots à consonance anglaise ! Style !

 

Franchement, la liberté a bon dos ; il devrait être interdit de déposer des marques comme celle-là et d’afficher des enseignes en franglais (ou écrites délibérément avec des graphies modifiées, comme par exemple electronic à la place d’électronique). Vous vous rappelez sûrement mon enquête à La Défense à ce sujet.

 

De même les publicités – télévisuelles et par affichage – devraient-elles être censurées sans pitié quand l’anglais ne se justifie pas, et c’est le cas la plupart du temps.

 

Et on voudrait que nos enfants maîtrisent l’orthographe ?

 

Une seule riposte chers lecteurs : adhérez à une association de défense de la langue française et protestez par écrit chaque fois que nécessaire, par lettre ou courriel auprès de ces annonceurs, commerçants et vendeurs inconscients.

 

Figaro Beaumarchais.jpgEn rentrant chez moi, je tombe sur le Figaro ; bon, c’est vrai que je ne suis pas obligé…

Dans les Brèves du cahier « Le Figaro et vous », je lis que Gilbert Collard, député du Gard, va publier un Dictionnaire, qu’il justifie par la déclaration suivante : « Nous sommes dans un univers construit par des mots issus d’un vocabulaire politiquement correct de gauche. Or, imposer ses mots, c’est imposer ses idées ».

Malheureusement, cette dernière phrase est vraie ; c’est presque du Mao Tsé Toung !

Et il ajoute que c’est un danger pour la démocratie. C’est vrai aussi mais pas dans le sens auquel il pense.

30/03/2015

Lectures (VI)

Michel Crépu a lu l’Africain de J.-M.G. Le Clézio, « évocation simple d’une enfance africaine, puis des retrouvailles (avec son père, médecin anglais), à la fin ». Il a aimé : « Chef d’œuvre évident ».

 

Il cite et je recopie : « Vers le nord et l’est, je pouvais voir la grande plaine fauve semée de termitières géantes, coupée de ruisseaux et de marécages, et le début de la forêt, les bosquets de géants, irokos, okoumés, le tout recouvert par un ciel immense, une voûte de bleu cru où brûlait le soleil, et qu’envahissaient, chaque après-midi, des nuages porteurs d’orage ».

Et il conclut « Le vrai Le Clézio est là ».

Ça me donne envie de le lire, ce livre que j’ai dans ma bibliothèque depuis longtemps, chiné ici ou là.

En écrivant, j’écoute « The secrets of the dead sea » d’Érik Truffaz, c’est tout à fait l’ambiance qu’il me fallait.

 

Saint Augustin.jpgAu détour de la page 177, il déboule tout d’un coup sur Saint Augustin. C’est aussi le moment où je lâche prise ; je vous avais prévenu dans le premier billet « Lectures », il est terrible côté philosophie !

Observant une pause avec Plotin, il retourne à « certaines pages des Confessions qu’il aime particulièrement ». Et ça, ça ne serait rien ; il possède plusieurs traductions et il les compare !

Il faut absolument que je vous donne quelques-uns des morceaux de bravoure de ces pages transcendantes (justement, je suis passé à « Time will tell » de « Tower of power », en public, et ça plane).

« Naturellement, le tutoiement (ou vouvoiement) est, si je puis dire, la christian touch des Confessions, tout ce qui distingue radicalement Augustin du Plotin de ses années néoplatoniciennes ». Si quelqu’un pouvait m’expliquer…

« On ne saurait mieux définir la lectio divina de la grande tradition monastique dont parle le bénédictin Jean Leclercq dans son livre «L’amour des lettres et le désir de Dieu ». J’l’ai pas lu.

Plus loin, je lis « insistance sur la nécessité d’apprendre les finesses de la langue, sa texture, sa matérialité même, pour entrer à l’intérieur de l’Écriture. Pas de contemplation digne de ce nom sans une relation d’intimité à la vie du langage, sans un savoir rhétorique ». Là, ça me parle plus ; ainsi donc, les efforts que je fais pour bien parler et écrire le français pourraient me servir un jour à quelque chose…

Je termine ce billet accompagné du Chicago de « Saturday in the park », et ça suffit à mon bonheur pour l’instant.

29/03/2015

Anathème latin

Je pensais en avoir fini avec ma longue série sur les dégâts causés par les "modernistes" et les "pédagogistes" et par leur obsession à éliminer l'étude du latin et du grec des programmes de l'Éducation nationale, quand, en ouvrant le Marianne du 27 mars 2015, je tombai sur l'éditorial enflammé de Joseph Macé-Scaron (je devrais dire "l'éditorial au lance-flammes"…) intitulé "L'aversion latine".

Ce titre m'a tellement plu que j'en ai inventé un autre, son cousin.

Et que nous dit Macé-Scaron ?

Que la civilisation française est redevable depuis très longtemps à "ces exercices spirituels laïcs que furent le thème latin et la version grecque". Et lycée de Versailles d'ailleurs.

Que cette très ancienne pratique a subi depuis quelques années, "une déconstruction en règle, une attaque mortelle, dévastatrice". On a envie d'écrire : "une attaque subite aussi bien que mortelle"...

Et de décliner les "illusions" qui selon lui ont présidé à cette démolition : faire étudier les langues anciennes serait l'habillage d'un projet de domination des classes populaires, notamment de celles issues de l'immigration (ces idéologues ont mal lu Bourdieu, assure-t-il). Mais non ! c'est non seulement préparer à la citoyenneté française mais aussi permettre d'accéder directement et précocement à l'universel. Et il faudrait ne jamais "dépayser les élèves" ; or "inculquer la culture et opérer une transmission vivante, c'est forcément dépayser".

Pericles.jpgIci arrive dans sa chronique, de façon étonnante, le même argument et le même effroi que ceux que j'avais écrits dans mon billet du 28 mars 2015 : "Le latin apparaît ringard, et déjà le français est présenté par nos élites comme la plus vivante des langues mortes" !

Selon Hannah Arendt, "l'éducation, par nature, est vouée à être conservatrice, puisqu'il s'agit de faire entrer les élèves dans un monde beaucoup plus vieux qu'eux". Même argument que Philippe Bilger.

Il termine par la facette politico-idéologique de la question : "Pendant des années, au nom d'un modernisme fétichisé et d'un libéralisme dérégulé (NDLR : pléonasme ?), la Droite n'a fait qu'accompagner le mouvement général vers le décervelage planétaire, prélude à la figure du consommateur universel".

"Le latin et le grec ne servent à rien ? Mais c'est justement ce qui fait leur prix ! Il n'y a pas de biens plus précieux aujourd'hui que ceux qui échappent à la grande marchandisation du monde".

Et sur ces sujets, ne nous faisons pas d'illusion, les Américains ne sont pas nos alliés. Leur credo, c'est celui de l'École de Chicago, à savoir l'ultra-libéralisme à leur profit. Seuls les pays latins pourront peut-être nous aider. Et Mme Fioraso, qui, avant de partir, nous a fait le cadeau de l'autorisation pour les Universités françaises d'enseigner en anglais, fait bien partie des fossoyeurs du "conservatisme culturel" qui est pourtant indispensable.

Cette fois, tout est dit, non ?