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28/03/2015

Allons-nous (y) perdre notre latin ?

Quel est le point commun entre MM. Collomb, Juppé et Bayrou ?

Ils sont tous trois agrégés de lettres classiques et défendent, c'est bien normal, la culture qui les a formés.

Marie-Noëlle Tranchant les a interrogés pour le Figaro, à l'occasion du IXème festival européen latin-grec (et non : de latin-grec), qui s'est tenu à Lyon du 19 au 22 mars 2015. Écoutons-les.

Alain Juppé : "A-t-on le droit de priver tant de jeunes de rêver encore à l'aurore aux doigts de rose (…) ou d'accompagner les premiers pas de la démocratie en écoutant l'éloge qu'en fait Périclès ? Ou de découvrir avec Antigone qu'il y a des valeurs supérieures aux lois imparfaites des hommes ?".

François Bayrou : "Ce sujet qui apparaît à beaucoup secondaire est en fait crucial. Cet héritage nous donne les clefs de l'avenir : il est capital d'offrir à nos enfants la maîtrise de la pensée et de l'expression qui passe par les mots, leur histoire et leur sens. La question de la violence est liée à l'incapacité à s'exprimer. Tous ceux qui veulent nous couper de nos racines nous coupent de notre avenir".

Plus surprenante est la présence dans ce débat de Boris Johnson, le célèbre maire de Londres, qui déclare : "L'Europe avait un sens à l'époque où tout le monde avait lu les mêmes livres, et tout le monde savait qui étaient Didon et Énée".

Il a fait donner gratuitement des cours de latin à des jeunes défavorisés, estimant que les lettres sont la meilleure arme contre la violence. (NDLR : si l'on écrit "à des jeunes défavorisés", "jeunes" est un substantif et "défavorisés" un adjectif ; si l'on écrit "à de jeunes défavorisés", c'est l'inverse…).

La journaliste estime que "on active la fin par sédation douce de ce chef d'œuvre de raison et d'humanité qu'est l'héritage gréco-latin. On le juge inadapté au multiculturalisme , bien qu'il plonge ses racines en Asie mineure comme en Afrique du Nord, qu'il réunisse Athènes et Alexandrie, Rome et Carthage".

On aura compris ma position sur le sujet...

Romus et Romulus.jpgL'étude du latin et/ou du grec est formatrice, de par leur structure logique. Elle force à réfléchir, à raisonner. Il est vrai qu'elle demande des efforts. Est-ce trop demander ? Elle fait comprendre les racines des mots de notre langue et ouvre l'esprit sur la fondation de nombre de nos valeurs : démocratie, culture, arts, sport… Étudiée par tous, sans élitisme, elle donne un socle commun.

 

 

 

 

 

27/03/2015

Irritations IX : même la Présidence !

ICB, fidèle à notre combat, me signale l'emploi du terme screenshot lors d'un séminaire dans son entreprise… Mais aussitôt le conférencier s'est repris et a dit "euh… capture d'écran, c'est mieux". On peut trouver cela positif, la cause n'est pas désespérée, même dans le milieu des informaticiens de haut vol.

Moins positive est cette autre information, d'ICB toujours : dans un spectacle scolaire d'enfants de quatrième, organisé par le professeur de français, alternant scènettes et projections de textes, les textes en question étaient truffés de fautes d'orthographe (pluriel non accordé, etc.). Quand on songe que, pour Mme Belkacem, ces enfants (en fait leurs suivants) auront commencé une deuxième langue vivante dès la cinquième, on frémit. À moins de considérer que, dans quelques générations, le latin et le grec seront oubliés, le français sera une langue morte, étudiée par les élèves les plus brillants, et que la langue usuelle sera l'anglais, le chinois étant la première et la seule langue vivante étrangère...

Le relâchement vient d'en haut… Je ne veux pas parler des publicitaires ni des journalistes ni des footballeurs. Je veux parler de l'Élysée !

Le Figaro du 12 mars 2015 reproduisait un extrait du dossier de presse de l'opération "La France s'engage" de la Présidence : "Des soutiens financiers variés, ceux liés au fond d'expérimentation jeunesse étant en cours d'instruction pour un conventionnement pluriannuel lié à des objectifs précis de croissance et d'essaimage".

Et faisait remarquer que, outre le galimatias administratif, le texte comprenait une belle coquille : il fallait comprendre en effet "fonds financier" et non "le fond du trou" dans lequel seraient plongés les jeunes en difficulté...

Vous me direz que c'est un péché véniel. Sans doute.

Vous me direz que les 300 millions d'Américains n'auraient même pas vu la faute équivalente en anglais et auraient trouvé ridicule qu'un quotidien en parlât. Right.

Mais nous, c'est nous.

Et, à propos, connaissez-vous l'origine du mot "coquille" dans son sens typographique ?

 

26/03/2015

La gymnastique des langues anciennes

Toujours dans ce même numéro du Figaro, à son tour Philippe Bilger, magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole, donne son point de vue sur les langues anciennes.

"La structure logique du latin, son vocabulaire, sa grammaire, son importance pour l'étymologie, la souplesse et la ductilité de la phrase pour le grec, la finesse des raisonnements et la sophistication des analyses, ont directement créé, par une contagion bienfaisante, notre la langue maternelle, quand elle est bien parlée et écrite, et irrigué nos grandes œuvres classiques et contemporaines".

"L'apprentissage des langues anciennes forme à une gymnastique de l'esprit qui sera acquise pour toujours".

Philippe Bilger apporte un argument au débat de l'élitisme, comme une réponse au commentaire d'un de mes lecteurs : "On sait qu'au collège, les enfants de troisième qui étudient le latin ont en moyenne trois points de plus en français que les autres et que l'histoire et la culture latines offrent, par exemple à de jeunes Maghrébins, l'occasion de découvrir que leur pays a fait partie de l'Empire romain, comme la Gaule". (NDLR : j'ai remplacé le mot "opportunité" qu'utilise à tort notre chroniqueur par "occasion". Cf. un billet Dis pas ci, dis pas ça).

 

L'empire romain.jpg

 

Concernant son premier argument, bien qu'il m'arrange, je dois dire qu'il me laisse perplexe, en tant que scientifique… Où est la poule, où est l'œuf ? N'est-ce pas plutôt que l'on fait étudier le latin à des élèves brillants qui sont déjà, de toutes façons, de bonnes notes dans toutes les matières ? Dans ma propre classe de troisième, nous étions cinq à avoir plus de 10 en mathématique (!) et le premier de la classe était bon en tout...

Et Philippe Bilger de conclure : "Ce sont elles (les langues anciennes)… qui nous défendent contre le sommaire, le péremptoire, la bêtise, la pauvreté de la langue et la vulgarité de l'esprit".