21/07/2024
Irritations linguistiques LXX
La semaine dernière, j’évoquais la traduction paresseuse et donc incorrecte de l’anglais definitely… Mais que dire de eventually ? Bien sûr il ne doit pas se traduire par « éventuellement », ce serait trop simple ! La bonne traduction est : « finalement » ou « en fin de compte ». Tout cela me fait penser au mot anglais opportunity, qui est souvent (malencontreusement) traduit par « opportunité », alors que sa traduction correcte est « possibilité » ou « occasion ». L’opportunité en français, c’est autre chose ; c’est simplement « le fait d’être opportun », c’est-à-dire « le fait de se produire au bon moment » ou « le fait de se produire pour la bonne cause ». À relier à l’opportunisme qui consiste à agir quand il le faut, quand c’est utile ou rentable.
J’ai aussi parlé du « collectif » décliné comme un « individuel » (l’effectif, le personnel d’une Administration ou d’une Entreprise, par exemple). C’est décidément une manie ! Voilà que M. Nunez, Préfet de police de Paris, déclare aux journalistes : « Beaucoup de mobiliers urbains ont été dégradés » ! Deux formulations étaient recevables : soit « Beaucoup de mobilier urbain a été dégradé », soit « Beaucoup de meubles urbains ont été dégradés ». Car nul n’ignore que le mobilier est constitué de meubles.
Horripilant est ce tic verbal qui consiste à terminer une énumération par « et pas que » (que l’on peut comprendre comme une contraction ou plutôt une forme elliptique de « et pas que cela »). N’est-ce pas plus simple de dire « et pas uniquement » ? On ne chipotera pas ici sur le « pas », contraction de la forme négative « non pas » dans laquelle la négation est portée par « non » et nullement par « pas »…
Encore le souci de ne pas se compliquer la vie dans la disparition accélérée de la forme interrogative ; pas un journaliste qui ne demande à son interlocuteur : « Dans quelle majorité parlementaire vous vous situez ? », au lieu de « vous situez-vous »…
Que ne ferait-on pour paraître moderne, jeune, pragmatique… !
12/12/2023
Poème exclusif
« Oh triste, la vaine écrivain »
(sur le modèle du poème le plus court, à savoir celui de Raymond Devos, un Maître :
« Se coucher tard nuit »).
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31/12/2022
"Le tombeau d'Helios" (Pierre Magnan) : critique II
Soyons objectif : il y a un trait qui rappelle le Pierre Magnan de ses grands romans. C’est l’emploi de nombre de mots peu connus ou vieillis. J’en fais ici l’inventaire qui se veut exhaustif, et naturellement j’y associe la définition de mon Larousse en deux volumes de 1922.
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page |
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La bouillie cuprique |
9 |
De la nature du cuivre |
Le pailler |
10 |
Cour où l’on met les pailles ; tas de paille |
Le poussier |
10 |
Débris pulvérulents quelconques |
On s’embronchait dans ses brodequins |
27 |
Placer des tuiles de sorte qu’elles s’emboîtent les unes dans les autres |
Un gonfanon de fer |
38 |
Bannière de guerre à trois ou quatre pièces pendantes |
Des murs à pariétaires |
38 |
Plantes urticacées qui poussent sur les murailles |
Un chantier d’écharnage |
41 |
Action de débarrasser les peaux des chairs qu’elles recouvrent |
La sauvagine |
43 |
Canards, bécasses, etc. |
Une peau véreuse |
43 |
Qui a des vers |
Les fressures |
44 |
Ensemble des gros viscères d’un animal |
La sabretache |
45 |
Sac plat qui pend au ceinturon de certains uniformes |
Les cimiers |
51 |
Ornement de la partie supérieure d’un casque / d’un arbre |
Les éliages |
53 |
Soutirages de vin |
Le cordouan |
83 |
Peau de mouton ou de chèvre tannée pour la fabrication des chaussures |
Un mégissier |
83 |
Artisan qui mégit les peaux (préparation en blanc) |
Champanelle |
85 |
Pas trouvé dans mon Larousse ; il y a bien une place de ce nom à Forcalquier mais si l’on cherche la « salade champanelle » de P. Magnan sur internet, on aboutit invariablement au bourg de Saint Genès-Champanelle, dans le Puy de Dôme, au nord du Cantal… bizarre, non ? |
Badassière |
85 |
Pas trouvé dans mon Larousse ; il faut aller sur le site haute-provence-tourisme.com, très esthétique, pour lire cette définition : landes couvertes de plantes aromatiques (fenouil, romarin, thym, sarriette, etc.). P. Magnan écrit : « son parfum piquant de badassière » à propos d’une femme. Par ailleurs, il y a une place de ce nom à Manosque |
Sparterie |
97 |
Lieu où l’on fabrique des tissus de spart (feuilles de genêt) |
Au revers d’un peloux |
99 |
Terres entraînées par les pluies, du haut des montagnes |
Sa taille de stropiat |
113 |
Estropié (mon Larousse précise : vrai ou faux !) |
Il est calut ! |
114 |
Pas trouvé… |
Chevillard |
121 |
Qui fait le commerce de la viande à la cheville |
Un tanagra de marbre |
121 |
Petite statuette de terre cuite apparue en Grèce au IVème siècle avant J.-C. |
Sidoine ringardait le feu |
133 |
Remuer le foyer avec une barre de fer recourbées pour attiser le feu |
Des verres à pastilles |
133 |
Verroteries collées tout autour du verre |
Une jurade |
133 |
Un corps de jurats (magistrats municipaux dans le Sud de la France) |
Des bosquets de yeuses et de grandes crausdésolées |
141 |
Plaine d’alluvions |
De doline en doline |
141 |
Forme d’érosion des calcaires (formant une vallée) |
Dégoiser des choses capitales |
161 |
Rire, parler avec volubilité |
Un antiphonaire de cathédrale |
193 |
Livre d’église (plain-chant) |
La berme |
218 |
Chemin étroit entre un parapet et un fossé |
Un pot de misère noire dont les stolonscascadaient jusqu’au sol |
241 |
La « misère noire » est peut-être un cultivar de plante vivace (?) Bourgeons axillaires de certaines plantes qui s’enracinent toutes seules (comme les fraisiers) |
Une porte entée sur la muraille |
241 |
Insérée sur… |
D’une frairie à l’autre |
257 |
Fête, divertissement, bonne chère |
À noter que Pierre Magnan utilise à deux reprises (et la première fois page 43) l’horrible formule « pour ne pas qu’ils… » que je croyais être l’apanage des années 90 ! En revanche, on a plaisir à lire page 102 cette phrase interrogative : « Que pouvait lui chaloir (…) ? » [je rappelle qu’il s’agit ici du passionnant verbe « chaloir » qui ne s’emploie plus que dans quelques formes interrogatives ou négatives comme « peu me chaut » et « non qu’il m’en chaille »] et, page 132, celle-ci : « Un mistral à décorner les nymphes ». Les nymphes portent-elles donc des cornes ?
Alors, ce verdict ? « Le tombeau d’Helios » est un livre policier facile à lire (pléonasme ?) dont l’intrigue se noue et se dénoue en Haute-Provence, que je ne relirai sûrement pas et que je ne recommande pas (il y a tellement de livres à lire absolument).
07:00 Publié dans Écrivains, Littérature, Livre, Magnan Pierre, Policier, Vocabulaire, néologismes, langues minoritaires | Lien permanent | Commentaires (0)