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30/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre IX Suppression d'anomalies

L’Académie a l’éternité pour elle puisque ses illustres membres sont immortels. De ce fait, quand l’une de ses propositions n’est pas suivie d’effet, elle repasse le plat quelques années plus tard. C’est ainsi que la suppression d’anomalies de l’orthographe (séries désaccordées et dérivés des noms en –on et –an), pétards mouillés de 1975, a réapparu dans la Réforme de 1990.

 

Dans ce neuvième et dernier billet consacré à la réforme, on va donc présenter les principales rectifications de graphie, dont les fameux ognon et nénufar (l’Académie a toujours écrit nénufar, ce mot d’origine arabo-persanne, sauf dans la huitième édition 1932-1935 de son Dictionnaire. Bizarre, bizarre, personne ne s’en était aperçu, même pas le cher Berthet).

J’y ajoute les commentaires et justifications qui figurent dans le Journal officiel car ils aident à faire passer la pilule. Soit dit en passant, ces rectifications rendent caduques quelques rappels que je faisais dans mon billet de cet été, inspirés du Berthet (daté il est vrai de 1941…).

Sur les séries désaccordées, l’Académie écrit que ces bizarreries ne sont ni esthétiques ni logiques ni commodes.

L’Académie constate par ailleurs que le non-redoublement du « n » est largement prédominant pour les dérivés des noms se terminant par –an (une cinquantaine de radicaux) mais que c’est moins clair pour les mots se terminant par –on.

 

D’abord des rectifications…

Verbe absoudre : absout, absoute (et non plus absous, absoute).

Verbe dissoudre : dissout, dissoute (et non plus dissous, dissoute).

Les appâts (et non plus les appas, que la dame soit jeune ou moins jeune…).

Asseoir, sursoir (et non plus asseoir). Le « e » ne se prononçant plus, asseoir va désormais s’écrire comme voir (qui lui-même s’écrivait veoir en ancien français) et choir (anciennement cheoir). Donc : j’assois (ou j’assieds) ma fille sur une chaise et demain je l’assoirai à nouveau.

Bizut (et non plus bizuth car on écrivait déjà bizuter et bizutage). Je suis sûr que les élèves des Grandes Écoles n’en voudront pas à l’Académie, Ségolène non plus, qui a fait interdire à juste titre cette pratique d’un autre temps…

Bonhommie (et non plus bonhomie). Et de même prudhomme, prudhommal, prudhommie (au lieu de prud’homie). Ma correspondante MA2 en sera satisfaite.

Cahutte (et non plus cahute) comme hutte.

Charriot (et non plus chariot) comme charrette.

Chaussetrappe (et non plus chausse-trape) comme trappe.

Combattif (et non plus combatif) comme combattant.

Et le fameux cuisseau (et non plus cuissot), gibier ou non !

Déciller (et non plus dessiller) à cause de cil. Il s’agissait d’une ancienne erreur d’étymologie.

Douçâtre (et non plus douceâtre). « cea » est une ancienne graphie qui est remplacée par le « ça », et donc inutile.

Exéma (et non plus eczéma) comme examen (sachant que « cz » est exceptionnel en français).

Imbécilité (au lieu de imbécillité).

Persiffler (au lieu de persifler) comme siffler.

Ponch (au lieu de punch, boisson antillaise). Cette nouvelle graphie évite la confusion avec le punch d’un boxeur et elle est conforme à la prononciation.

Relai (au lieu de relais). Cela rétablit la cohérence de relai-relayer avec balai-balayer, essai-essayer

Saccarine (au lieu de saccharine).

Ventail (au lieu de vantail) comme vent. C’était une ancienne erreur d’étymologie.

 

À titre personnel, et pour ceux qui étaient en Auvergne le 26 juillet 2014, j’ajoute ce rappel : canard et cane, caneton et canardeau, canette (petite cane) mais cannette (ou canette) : petit tube, bobine de fil et canette : petite bouteille de bière. Il n’y a donc qu’un seul mot (et encore) qui prend deux « n » dans cette famille d’homonyme… c’est le mot technique (bobine de fil).

 

Ensuite les anomalies en –illier…

Le « i » qui suit la consonne ne s’entend plus. On écrira donc : poulailler, joailler, serpillère.

 

Les anomalies en –ll…

On écrira avec un seul « l » : corole, girole, guibole, mariole, comme bestiole, camisole et profiterole… ce qui régularisera cette terminaison en –ole.

Il restera néanmoins comme exceptions : folle, molle et colle et ses composés.

 

Les anomalies  en –ett et –ell avec « e » muet…

On régularisera : lunette, lunetier ; noisette, noisetier ; prunelle, prunelier

Et interpeler (et non plus interpeller), dentelière (et non plus dentellière)…

 

Et pour terminer, sinon conclure…

Pour récompenser ceux qui ont suivi jusqu’au bout les neuf chapitres, voici les « tendances », à savoir les recommandations de l’Académie quant à la construction de nouveaux mots ou à l’évolution de la graphie de mots existants.

Tendance à souder des mots composés, toujours en s’appuyant sur l’analogie avec des mots déjà soudés, le trait d’union subsistant pour les juxtapositions non entrées dans l’usage (exemple : relations franco-italiennes).

Tendance à accentuer « à la française » les mots étrangers intégrés au français.

Tendance à ne pas utiliser l’accent circonflexe lors de la transcription en français de mots étrangers (ne pas ajouter de complexité à la complexité !).

Tendance à marquer le singulier et le pluriel des mots étrangers selon les règles du français.

Tendance à écrire avec –otter les verbes formés sur –otte et avec –oter les verbes formés sur –ot (faut croire que ce n’était pas si systématique que cela…).

Tendance à franciser les mots empruntés, en les adaptant à l’alphabet et à la graphie du français. Éviter les signes diacritiques qui n’appartiennent pas à notre alphabet (sauf dans les noms propres).

 

Cela me donne l’occasion de souligner une tendance (un snobisme ?) à, justement, écrire à la mode étrangère certains prénoms ou patronymes.

On connaît Lorán Deutch.

Je viens de découvrir cette autre vedette :

Affiche Frànçois & the atlas mountains.jpg

 qui écrit son prénom FRÀNÇOIS, avec un "À"...

Incidemment, cela fera plaisir à Marita, qui pense qu’un billet doit comporter des images, faute de quoi il n’est pas attrayant. Ouf, ce billet aura sa photo.

Bon, arrivé au terme de ces neuf chapitres et quatorze ans après la publication de la réforme de l’orthographe au Journal officiel de la République, il serait intéressant d’évaluer son impact dans la langue écrite d’aujourd’hui. Combien de ses propositions ont-elles été adoptées ?

Je ne suis pas capable de répondre pour l’instant à cette question. Des idées ?

28/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre VIII Pluriel et graphie des mots empruntés

C’est ici une illustration de la faculté française d’assimilation : on absorbe les mots d’origine étrangère en leur conférant un singulier et un pluriel réguliers, c’est-à-dire comme les mots français en général. Et on choisit comme forme du singulier, la forme la plus fréquente, même s’il s’agit d’un pluriel dans la langue d’origine. La graphie est « francisée », c’est-à-dire que ces mots perdront certains de leurs signes exotiques à l’occasion de leur assimilation.

On écrira donc :

Un ravioli et des raviolis ; un confetti et des confetti, un scénario et des scénarios ; un jazzman et des jazzmans (encore que, selon moi, on puisse dire tout simplement : des musiciens de jazz…).

Des matchs, des lieds, des solos, des apparatchiks, des maximums, des médias.

Exceptions : les citations comme « des mea culpa ».

Mais : des boss, des kibboutz, des box (car les mots se terminant par s ou x ou z ne prennent pas de « s » au pluriel).

 

Quand les mots ont été soudés, c’est plus simple : des bluejeans, des weekends…

Et des soudures, il y en a : un apriori, un exlibris, le statuquo, un vadémécum (sur ce dernier exemple, bien sûr c’est plus facile pour les apprenants et pour les personnes n’ayant pas étudié le latin, de l’écrire ainsi avec des accents « à la française » ; mais les autres seront nostalgiques de la graphie et de la prononciation du Bas Empire…).

Allez, encore quelques palanquées de mots soudés usuels : baseball, blackout, cowboy, fairplay (mais évitable et à éviter, selon moi), globetrotteur, harakiri, pipeline, striptease (il faut bien rêver, même avec la réforme de l’orthographe…).

Encore plus fort : l’Académie recommande d’accentuer les mots d’origine étrangère suivants, revenant ainsi à une caractéristique ancestrale du français qui est de conformer la graphie à la prononciation, en particulier grâce aux accents :

Artéfact, critérium, désidérata, facsimilé (dont les Américains ont tiré fax), mémento, mémorandum, référendum (surtout utile pour parler des Suisses car la France ne l’utilise guère…), satisfécit, sénior, véto (mots d’origine latine).

 

Allégro, braséro, cicérone, diésel, imprésario, pédigrée, pétrestroïka, péséta, révolver, séquoïa (j’ai mis un tréma car il me semble qu’il a été oublié dans le Journal officiel), trémolo…

 

À ce sujet, on peut regretter que l’Académie et les Commissions de terminologie n’aient pas identifié et dénoncé l’impact désastreux de la « graphie internet », qui oblige jeunes et moins jeunes (ceux qui maîtrisent l’orthographe et ceux qui sont en train de l’apprendre) à éliminer les accents de toutes les graphies (voir par exemple les adresses mél.). Avec leur codage sur huit bits, suffisant pour l’anglais, les Américains nous forcent à désapprendre ce que l’Académie s’efforce de préserver : l’orthographe.