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05/11/2015

La haine de la littérature

Encore une fois, je vais parler d'un article qui parle d'un livre qui parle des livres… C'est l'homme qui a vu l'homme...

C'était dans Marianne, le 2 octobre 2015 ; Alexandre Gefen rendait compte du livre de William Marx "La haine de la littérature" (Éditions de Minuit, 2015), qui retrace, depuis Platon jusqu'à Bourdieu, les critiques, voire les discours enflammés, contre les lettres.

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Heureusement, en général, le combat de ces allergiques à la littérature ne se termine pas par des autodafés !

Platon justifiait l'expulsion des poètes loin de la cité idéale.

François de Malherbe : "Un bon poète n'est pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles".

Jean-Jacques Rousseau : "Je hais les livres ; ils n'apprennent qu'à parler de ce qu'on ne sait pas".

Emmanuel Kant : "Cet exercice dans l'art de tuer le temps - lire des romans - et de se rendre inutile au monde (ce qui n'empêche pas après coup de se plaindre de la brièveté de la vie) est, sans parler de l'humeur imaginative qu'il provoque, une des attaques les plus nuisibles qui se puissent infliger à la mémoire".

Renan en faisait une béquille pour l'enfance de l'humanité.

Pour Bourdieu, elle représentait le discours illégitime par excellence, manière de conforter les inégalités sociales.

Que lui reproche-t-on donc ? Elle influence les esprits, elle est immorale, sa vérité ne vaut rien face à la science, le culte de la figure de l'écrivain agace, etc.

Il paraît que le Ministre japonais de l'Éducation nationale (tiens, ça existerait aussi chez eux ?) a demandé aux universités de fermer leurs départements de lettres, au profit d'enseignements "plus directement utiles à la société"… Il est plus fort de Najat et Fleur réunies !

Pour William Marx, nous vivons dorénavant dans "un monde où la littérature a perdu presque tout pouvoir et toute autorité, coquille vide bonne à meubler les heures perdues d'une classe de plus en plus restreinte et accaparée par bien d'autres distractions".

Et pourtant, ces écrivains "créent de nouveaux univers, de nouvelles cités, renomment le réel, le transforment, l'abolissent".

Et pourtant un professeur de Harvard, Deidre Shauna Lynch, a publié il y a quelques mois "Loving Literature : A Cultural History".

Et pourtant le philologue allemand Curtius a écrit "La littérature joue un rôle capital dans la conscience que la France prend d'elle-même et de sa civilisation".

L'article de Marianne est illustré par un montage-photo montrant Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République, lisant Oui-Oui...

 

 

 

 

 

01/11/2015

"La civilisation du spectacle" : retour sur le livre de M. Vargas-Llosa

Dans mon billet du 23 septembre 2015, je rendais compte d'un article du journal Marianne sur le dernier livre de Mario Vargas-llosa, "La civilisation du spectacle".

J'ai depuis trouvé sous la plume de Frédéric Chambe (qui conclut les billets de son blogue par l'amusante formule "Voilà ce que je dis, moi"), datée du samedi 19 septembre 2015, une analyse bien plus affûtée et bien plus sévère. Il a été alléché par le sujet et par la notoriété de l'auteur, Prix Nobel 2010. Il a été déçu après l'avoir lu, et considère que le titre était au mieux une promesse non tenue, au pire une imposture prétentieuse.

 

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Dans un premier temps, il approuve le constat : "Le monde actuel, en privilégiant le loisir, le divertissement et la consommation, a assassiné la culture". Et aussi l'ambition, à travers une définition de la haute culture : "classique, traditionnelle, celle par laquelle l'homme tend à s'élever au-dessus de lui-même". Or "la marchandisation de tout tire tout vers le bas, en mettant sur le même plan, une paire de bottes et l'œuvre de Shakespeare". C'est ce que disait déjà Alain Finkielkraut dans "La défaite de la pensée" en 1987. Il existe pourtant "une hiérarchie dans la culture, qui sait différencier la démarche qui prône un effort constant et une exigence de la part de celui qui se cultive, et la démarche qui se borne à des produits culturels de consommation courante véhiculés par la publicité, faits pour suivre les modes et disparaître sitôt absorbés".

 

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Mais il reproche à Vargas-Llosa de brasser des idées rebattues. D'enfoncer des portes ouvertes. D'énoncer trop souvent des banalités.

Et aussi le manque d'unité du livre, qui donne une impression d'hétérogène et de disparate.

Et encore pire de mettre sur le même plan sectes et religions reconnues.

Et de panacher la conclusion de son livre par des extraits de ses discours ici ou là.

Au total donc un livre "banal, consensuel et mal foutu, où l'on trouve à la fois du très juste mais qui court les rues, et du n'importe quoi".

 

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Maintenant, mon commentaire à moi : sur le livre et l'auteur, je suis convaincu. MVL a fait du "recyclage de mandarin", comme toutes les célébrités à la fois adulées et pressées de produire sans cesse. Beaucoup d'écrivains ont publié de ces livres "alimentaires". Il faut bien vivre, et continuer à faire les Unes !

Sur la culture, évidemment je suis d'accord pour déplorer sa marchandisation. Mais les "clients", les "pratiquants" de cette culture abâtardie, c'est bien nous ! C'est nous qui allons voir les délires de Jeff Koons, qui sommes scotchés devant Arthur ou Hanouna, qui nous gavons de séries policières et de films fantastiques à la sauce américaine... Quant aux pubs omniprésentes, tant que des snobs persisteront à les considérer comme de l'art et à les ingurgiter avec gourmandise...

 

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Le monde peut changer si nous le voulons.