Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/05/2015

Cécile, ma sœur (I)

Mettant en parenthèse provisoirement "Passion arabe", j'ai rouvert l'autre fois, pour t'en faire profiter, public, le livre de Cécile Ladjali astucieusement intitulé "Mauvaise langue". Il a été publié en 2007, l'année où la France a préféré Nicolas à Ségolène ; autant dire que ça ne date pas d'hier.

Or de quoi parlait donc cette enseignante de français dans un lycée de Seine-Saint Denis, agrégée de lettres modernes et par ailleurs auteur de romans ? De la langue française, et de ses difficultés à enseigner la littérature, elle qui ne jure que par les classiques. De ses initiatives et de ses succès aussi.

Et de culture, de théâtre, de poésie... le tout avec conviction, idéalisme, enthousiasme et même passion.

Il y a tellement de passages du livre qui résonnent avec les thèmes de ce blogue, que je me propose de vous en donner plusieurs extraits dans ce billet et les suivants.

Je commence.

"Tous les moyens de l'esprit sont enfermés dans le langage ; et qui n'a point réfléchi sur le langage n'a point réfléchi du tout". À suivre cette pensée du philosophe Alain, le maître des élèves et de leurs professeurs, l'homme se trouve fort démuni s'il n'a pas les mots. Car sans les mots il est impossible d'envisager un rapport serein au monde, aux autres et à soi-même. Sans les mots, l'existence est inhumaine. Le malaise de la jeunesse est qu'elle semble être de moins en moins en possession d'une syntaxe, d'un vocabulaire riche et varié. Aussi n'est elle plus dans la disposition de dire qui elle est ni ce qu'elle désire. Cette absence de parole signifiante, cette incapacité à formuler, est dramatique. Car la jeunesse étant ce que notre monde sera demain, il est inquiétant de penser que ce dernier risque de se construire sur du vide ou, pire encore, sur des paroles non prononcées.

C'est en quelque sorte la thèse du livre, bien exposée dès l'exorde. La suite n'est pas toujours du même tonneau (je parle de la forme) car Mme Ladjali s'exprime parfois de façon quasiment poétique et elliptique.

Son livre, j'allais oublier de le dire, avait reçu le prix du jury Fémina pour la défense de la langue française.

 

12/05/2015

De l'art de publier un article attrape-tout… (I)

Le 27 avril 2015, Jean-Pierre Robin publiait dans les pages saumon du Figaro, un article intitulé "Pourquoi les fautes de français nuisent gravement à la prospérité économique" et sous-titré "De Bercy à l'Élysée, les maladresses de langage ont des effets calamiteux".

Enfin une preuve de l'intérêt concret de notre combat et une évaluation quantitative des dégâts causés par le laisser-aller du langage d'aujourd'hui ?

Je me prépare à me régaler, d'autant que l'exorde affirme "La confusion des mots peut conduire à des catastrophes".

Mais tout de suite après, ça part mal car le journaliste prend comme exemple la sonde américaine Mars Climate Orbiter qui a été perdue par la NASA pour cause de confusion entre les unités de mesure anglo-saxonnes et celle du système métrique… Tout de suite trois commentaires :

1) utiliser les Américains dans une diatribe contre l'orthographe défaillante, c'est contre-nature ; eux s'en fichent royalement ;

2) on ne voit pas le rapport entre l'orthographe et les unités de mesure… ;

3) si les Américains avaient adopté, comme tous les autres pays, le système international d'unités (SI) issu des "Poids et mesures" de la Révolution française, l'accident ne se serait pas produit ; ils ne peuvent que s'en prendre à eux-mêmes.

Donc rien de nouveau sous le soleil...

L'auteur répète que "de telles approximations langagières… ont des conséquences incalculables, dans tous les sens du terme" (sic !). Et d'embrayer sur la répugnance viscérale des Français aux réformes", qui viendrait "d'un manque d'explications, de discours alambiqués, ambigus et ennuyeux de nos dirigeants". Mais où est donc l'orthographe là-dedans ?

On en arrive à un premier exemple, un communiqué du Ministère des Finances qui aurait annoncé que "l'assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale se tient deux fois par an à Washington". Bon, d'accord, c'est bisannuel (comme certaines plantes) et non pas annuel… Et alors ?

François Hollande.jpgEnsuite le morceau de bravoure, deux phrases de François Hollande lors de l'émission Supplément de Canal+ :

- "Je suis amical avec mes amis, proche avec les Français mais je ne veux pas être familier"

- "Je suis, dans la fonction que j'exerce, celui qui incarne les Français, celui qui tient son rôle".

Et de broder sur la formule "proche avec les Français", qui peut signifier deux choses :

- soit il est proche des Français (et a oublié la préposition qui va avec "proche", voir mes billets antérieurs sur ce sujet) ;

- soit, quand il rencontre des Français, il se comporte de façon intime avec eux ; mais alors cela contredit sa phrase suivante, qui dit qu'il ne veut pas être familier...

Dans la seconde phrase, F. Hollande prétend incarner les Français, ce qui est impossible (ils sont trop nombreux !) ; tout au plus peut-il espérer incarner la France.

Bon, au total, pas de quoi fouetter un chat ; et d'ailleurs, où est l'orthographe là-dedans ?

Je concèderai au polémiste que l'actuel Président n'est pas un orateur hors pair ni ne possède la magie du verbe. Son débit est haché et ses formules souvent "de bois". Ainsi répète-t-il à plaisir : "La reprise, elle est là". Une fois ça va, pour insister sur le sujet (la reprise). Mais son emploi systématique du redoublement du sujet est horripilant à force. Manifestement, les avocats (Mitterrand, Sarkozy) sont mille fois plus agréables à écouter que les technocrates (Chirac, Hollande), toute question de fond mise à part.

Arrivé à cet endroit de l'article, on comprend, foin du français et de l'orthographe, que le seul but du journaliste est de critiquer le gouvernement et le Président.

À suivre...

19/04/2015

Deux députés pour une francophonie plus ambitieuse

Pouria Amirshabi (député des Français au Maghreb et en Afrique de l'Ouest) et Christophe Premat (son homologue pour l'Europe du Nord) constatent dans le Marianne du 27 mars 2015, une prise de conscience de la fragilité et en même temps du potentiel de la langue française (soit dit en passant, j'ai été frappé par la qualité du français parlé par les jeunes Algériens dans le Thalassa du 3 avril dernier, alors que je croyais qu'il avait été éradiqué par le pouvoir en place, au profit d'une arabisation intégrale).

Mais leur thèse est que les francophones sont en retard d'une stratégie et que les élites manquent de vigueur sur le sujet.

Rien de ce qui suit ne surprendra les lecteurs qui adhérent aux convictions et au combat de ce blogue.

Ils dénoncent les slogans en franglais - voire en anglais tout court - dans les spots (sic) publicitaires et les démarches commerciales. Et de citer "les My winter sale de la dernière période de soldes et autres formules ridicules, aux côtés des enseignes permanentes, et donc plus dangereuses encore, telles Carrefour City ou Dailymonop".

"Incroyable encore, l'attitude de certains responsables français de premier plan : ainsi le commissaire européen Pierre Moscovici qui adresse au ministre Michel sapin, une lettre entièrement en anglais ! Ou encore Valérie Pécresse, Louis Schweitzer, Christine Lagarde, feu Christophe de Margerie, Jean-Claude Trichet et bien d'autres, qui ont souvent choisi de parler anglais devant des auditoires pourtant équipés de traducteurs et d'interprètes". Voir son article du 11 mai 2013 dans Marianne, déjà.

Se voulant positifs, ils prêchent pour :

  • la valorisation du multilinguisme (à l'école…) ;
  • le soutien à la diversité culturelle (en rendant effectifs les quotas de musiques francophones à la radio (voir mon billet récent à propos de France Inter) ;
  • la promotion de toutes les littératures francophones (en introduisant les écrivains non français dans le cadre scolaire : Camus, certes, mais aussi Maalouf, au même titre et au même rang) ;
  • une coopération renforcée avec un noyau resserré de pays, autrement dit une nouvelle alliance - y compris économique - de nations œuvrant à la convergence de leurs contenus éducatifs, scientifiques, économiques et culturels ;
  • des plates-formes d'échange entre professionnels, un Érasmus et un visa francophone ;
  • l'aide substantielle à des systèmes scolaires en péril ;
  • la transformation des instituts français en instituts francophones, et idem pour les lycées, dans l'esprit de cogestion de TV5 et ARTE

Il ne manque plus qu'une volonté (politique)...