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06/05/2017

"Bienvenue dans le pire des mondes ; le triomphe du soft totalitarisme" (Natacha Polony) : critique II

Natacha Polony 2017-3.jpgJe continue ici l’analyse de cet essai passionnant publié en 2016 par Natacha Polony. Son premier chapitre, cela ne nous étonne pas, est consacré à l’éducation et à l’évolution instillée année après année par les fameux « pédagogistes » qui ont résisté aux alternances politiques. L’un des avatars de cette évolution est la polarisation sur les « compétences » en lieu et place de l’acquisition des « savoirs ».

« Les compétences sont finalement la version moderne et technocratique de ces savoir-faire et savoir-être que des pédagogues bienveillants avaient voulu substituer aux savoirs jugés élitistes et discriminants. Là encore, le courant était venu du monde anglo-saxon, et Hannah Arendt en décrit les ravages dans La crise de la culture. Il se caractérise par une prééminence absolue de l’individu, dont il s’agit de laisser s’épanouir les talents ».

« (…) Le nettoyage généralisé des systèmes éducatifs des pays occidentaux (…) aboutit surtout à un abrutissement généralisé par la baisse dramatique de la maîtrise du vocabulaire, de la grammaire, du raisonnement et de la logique. L’Union européenne avait vendu aux peuples l’économie de la connaissance, grâce à la Stratégie de Lisbonne. Ils se retrouvent avec le chômage de masse et l’ignorance pour tous » (page 41).

« Les réformes scolaires censées promouvoir l’économie de la connaissance fabriquent des crétins satisfaits, que la mise en avant de l’oral et l’obsession de la self esteem (chère aux pédagogues américains) à coups de suppression des notes et de remarques positives sur les bulletins, rendent hermétiques à toute idée d’effort, de rigueur et d’exigence. On ne peut comprendre cet apparent paradoxe qu’en gardant à l’esprit l’objet premier de ces réformes : une harmonisation des systèmes scolaires pour permettre un élargissement du marché du travail à l’ensemble de la planète » (page 45).

Natacha Polony 2017-4.jpg

Qui connaissait l’existence de cette réunion de San Francisco en septembre 1995, qui a rassemblé les grands de ce monde pour parler de l’avenir du travail ? Sans doute Benoît Hamon (mais je ne l’ai pas entendu le dire), puisque les Bush, Thatcher et autres Gates y ont élaboré leur conviction que, dans le siècle à venir (c’est maintenant !), un cinquième de la population active suffirait à maintenir l’activité de l’économie mondiale ! Et pour les autres (incluant les classes moyennes et aisées) ? Eh bien, du pain (un pouvoir d’achat minimal) et des jeux (le divertissement à l’américaine) ! (lire « Le piège de la mondialisation » de Hans-Pierre Martin et Harald Schumann, 1997, et « La fin du travail » de Jeremy Rifkin, nous indique Natacha Polony, page 46). Le minimum pour qu’ils ne se révoltent pas… Nous voilà revenus au « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley et à « 1984 » de George Orwell.

Et justement « George Orwell et sa sombre utopie sont venus nous dessiller (qu’elle écrit à tort déssiller) et nous enseigner que les mots, contrairement à ce que suggère Boileau, préexistent à la pensée. Ce que l’on sait nommer se conçoit aisément dans chacune de ces nuances.

C’est sur la maîtrise de la langue que le niveau scolaire s’est effondré de la façon la plus marquante ? Pas seulement l’orthographe, dont on nous explique doctement et avec un certain mépris qu’elle est une obsession française, une marotte sans grand intérêt, en oubliant au passage que la question de l’orthographe se pose différemment pour chaque langue puisqu’elle reflète la plus ou moins grande correspondance entre phonèmes et graphèmes » (page 49). Suit une étude américaine de 2002 qui montre que la baisse du vocabulaire suivait très exactement la courbe de déploiement, de la télévision dans les foyers américains, avec un décalage dans le temps de dix-sept, dix-huit ans. Corrélation n’est pas raison (lien de cause à effet) mais tout de même… 

À suivre…

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