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19/01/2017

"Les Misérables T1" (Victor Hugo) : critique I

Comment peut-on, aujourd’hui encore, écrire une critique de ce monument dû à Victor Hugo, qui date de 1862, il y a un siècle et demi, et qui raconte une histoire, que d’aucuns taxent d’invraisemblance, qui se passe après Waterloo ?

Pour nous autres, qui l’avons déjà lu, mais dans des éditions abrégées, c’est un conte pour enfants, tellement merveilleux que ses personnages, Jean Valjean, Javert, Fantine et Cosette sont devenus plus que populaires ; ils ont pris place dans notre inconscient collectif et sont devenus des archétypes.

Un beau jour, on a envie d’y retourner voir de plus près, au-delà des péripéties parfois extravagantes, et on attaque le Tome I des Éditions Rencontre (à Lausanne), qui en compte quatre, avec les illustrations de l’édition Hetzel bizarrement datées de 1853.

Naturellement la prose de Victor Hugo se lit facilement, la narration est alerte et les chapitres courts et en titres pleins (comme chez Alexandre Dumas) : « Le frère raconté par la sœur », « L’année 1817 », etc. 

Dans ce tome I, on retrouve ce qui est connu des Misérables : le passé peu recommandable de Jean Valjean, la sainteté de Monseigneur Myriel, l’épisode des chandeliers et celui du petit ramoneur savoyard, la transfiguration du galérien en entrepreneur généreux et en Maire empathique, sa promesse à Fantine et puis sa dénonciation. Tous épisodes romanesques qui ont inspiré son film à Claude Lelouch et sa composition à Jean-Paul Belmondo.

Jean Valjean (J.P. Belmondo).jpg

Dans la première partie du Tome I, Hugo nous peint la France du début du XIXème siècle, la France rurale et laborieuse, et à travers elle il dit ses révoltes et ses espoirs de changement. Et en quels termes ! Il excelle dans les portraits psychologiques et les raccourcis biographiques. Voici par exemple ce qu’il fait dire à l’évêque de Digne, dans l’un des nombreux chapitres qui précèdent et préparent l’entrée en scène de Jean Valjean : « L’homme a sur lui la chair qui est tout à la fois son fardeau et sa tentation. Il la traîne et lui cède. Il doit la surveiller, la contenir, la réprimer, et ne lui obéir qu’à la dernière extrémité. Dans cette obéissance-là, il peut encore y avoir de la faute ; mais la faute, ainsi faite, est vénielle. C’est une chute, mais une chute sur les genoux, qui peut s’achever en prière. Être un saint, c’est l’exception ; être un juste, c’est la règle. Errez, défaillez, péchez, mais soyez des justes. Le moins de péché possible, c’est la loi de l’homme. Pas de péché du tout, c’est le rêve de l’ange. Tout ce qui est terrestre est soumis au péché. Le péché est une gravitation » (page 28). Et plus loin : « Les fautes des femmes, des enfants, des serviteurs, des faibles, des indigents et des ignorants sont la faute des maris, des pères, des maîtres, des forts, des riches et des savants ». « À ceux qui ignorent, enseignez-leur le plus de choses que vous pourrez ; la société est coupable de ne pas donner l’instruction gratis ; elle répond de la nuit qu’elle produit. Cette âme est pleine d’ombre, le péché s’y commet. Le coupable n’est pas celui qui y fait le péché mais celui qui y a fait l’ombre » (page 29). 

Hugo est percutant dans la métaphore et les formules elliptiques, bien balancées, comme « Elle répond de la nuit qu’elle produit ».

Voici maintenant comment il décrit, à un débit qui s’accélère continument, les carrières ecclésiastiques de son temps : « Plus grand diocèse au patron, plus grosse cure au favori. Et puis Rome est là. Un évêque qui sait devenir archevêque, un archevêque qui sait devenir cardinal, vous emmène comme conclaviste, vous entrez dans la rote, vous avez le pallium, vous voilà auditeur, vous voilà camérier, vous voilà monsignor, et de la Grandeur à l’Éminence il n’y a qu’un pas, et entre l’Éminence et la Sainteté il n’y a que la fumée d’un scrutin. Toute calotte peut rêver la tiare ». Croyant, il n’en est pas moins très critique : « Que d’enfants de chœur rougissants, que de jeunes abbés ont sur la tête le pot au lait de Perrette ! » (page 74). 

À suivre.

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