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25/10/2015

Oh, fille de Garcia-Marquez et de la mondialisation !

L'autre jour, en cours, j'arrivai au chapitre du pilotage de projet et, plus précisément, à la nécessité (à l'obligation) de rendre compte au commanditaire de l'avancement des travaux.

J'employai le substantif "reddition de compte", qui correspond au verbe "rendre compte", tout comme on parle de la reddition d'une armée qui s'est rendue... L'histoire personnelle qui me lie à ce terme est en elle-même amusante, puisque je l'avais découvert sur le site de l'office belge de terminologie - à vrai dire, à la rubrique "finances-contrôle de gestion" - comme traduction correcte de l'horrible reporting, dont tout le monde abuse. Mon obstination à l'utiliser dans le langage courant, et en particulier en gestion de projet, a paru curieuse, et je dois dire que je n'ai pas eu beaucoup de succès auprès de mes collègues...

Mais revenons aux étudiants.

Ou plutôt à une étudiante qui m'a demandé ce que signifiait ce mot "reddition de compte". Ce fut pour moi l'occasion d'expliquer son origine, puis d'enchaîner sur l'inutilité d'utiliser le franglais, alors même que, la plupart du temps, des équivalents français existent ("Cherchez et vous trouverez" !).

Les choses en seraient restées là si une autre étudiante, avec un délicieux accent espagnol et un non moins charmant sourire ironique, n'était intervenue pour s'insurger contre cette préoccupation "vaine et dérisoire" (ce ne sont pas ses mots à elle mais c'est ce que j'ai ressenti de son argumentation...), à l'heure de la mondialisation. "Il y a des choses plus graves, quand même !" a-t-elle conclu.

 

Colombienne (licence pro NTIC).jpg

Interruption, échange courtois avec Loréna, qui est Colombienne et parle très bien français. Je rappelle à la classe, en passant, que la Colombie, pour ceux qui ne voyagent pas aussi loin, c'est Gabriel Garcia-Marquez, Prix Nobel de littérature 1980, auteur des inoubliables "Cent ans de solitude" et "L'amour au temps du choléra".

 

Colombienne miss_univers_2014___la_colombienne_paulina_vega.jpg

(la Miss Univers 2014, Paulina Vega est Colombienne...)

 

Que lui répondis-je en mots choisis ? Que, bien sûr, il y a plus grave dans la vie que d'employer le franglais reporting mais que la question est simplement de parler et d'écrire une langue belle et précise, qu'elle soit le français, l'anglais ou l'espagnol... que le parler franglais a pour cause tantôt le snobisme (on veut faire croire...), tantôt la paresse (on répète ce qu'on a entendu sans chercher le mot juste), tantôt l'ignorance (on ne sait pas trop ce qu'il y a derrière, alors on balance un mot à consonance américaine)... et que cela n'a rien à voir avec la mondialisation, puisque, au début du XXème, Proust raillait déjà l'anglomanie à travers Madame Verdurin...

J'ai repensé à cette échauffourée ce matin en écoutant l'excellente chronique d'un philosophe sur France Inter, à propos du succès, en France et dans nombre de pays, des aventures d'Astérix le Gaulois. Il y était dit que cette apologie précoce (1959 !) de l'exception culturelle, bien loin de prôner le repli des cultures sur elles-mêmes, les incitaient au contraire à s'ouvrir et à se frotter aux autres : Astérix va bien en Égypte, en Grèce et ailleurs. C'est ce que diront aussi, d'une autre manière, Claude Lévi-Strauss et plus récemment Mario Vargas-Llosa. Bien sûr, la recherche d'une certaine pureté de la langue peut faire dériver vers l'ethnocentrisme, le protectionnisme, le chauvinisme, le nationalisme ou d'autres positions plus critiquables. Mais, disons-le, vive l'anglais, l'allemand, l'espagnol et les six mille langues qui coexistent encore sur la planète, et à bas les charabias comme le globish et le franglais, fruits pleins de vers que veulent nous imposer les marchands et les néolibéraux obsessionnels ! Et vive aussi les langues régionales (mais sans droits juridiques ni administratifs).

Et honte aussi aux journalistes qui croient attraper les gogos, par exemple en promouvant des cahiers en papier recyclé "au look délicieusement vintage, parfaits pour noter ses bonnes résolutions" (14 euros le carnet XXL, source Marianne du 8 janvier 2011, page 93). Et ces cahiers à quoi ressemblent-ils donc sur les photos ? À des cahiers, dont la couverture est entièrement occupée par les inscriptions en très gros caractères "RESCUED PAPER NOTE BOOK" et "RESCUED PAPER SCRAPBOOK"...

Enfer et damnation !

 

 

 

 

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