26/10/2015
À table !
Au collège et au lycée comme plus tard, j'ai toujours adoré les approches transverses : il y avait eu les maths modernes, qui généralisaient, systématisaient, conceptualisaient, nos bonnes vieilles habitudes de calcul (oui, notre arithmétique de tous les jours était incluse dans l'algèbre avec des nombres négatifs - les dettes et le thermomètre - ; oui, tout cela était inclus dans un ensemble plus grand avec les nombres décimaux, issus des fractions ; oui, on pouvait traduire la géométrie du plan à l'aide de nombres imaginaires et néanmoins concrets ; oui, le comportement des nombres entre eux était comparable au comportement des rotations entre elles, etc.). Il y avait eu l'histoire, avec la révolution de l'École française des Annales, qui, au-delà des chronologies, étudiait les modes de vie, les costumes, les rites alimentaires... de nos ancêtres.
On peut également adopter cette vue oblique, voire perpendiculaire, avec la langue : bien sûr, il y a l'orthographe, la syntaxe, en un mot les règles, souvent rébarbatives. Il y a aussi le vocabulaire, les mots à apprendre (table, chaise, paradigme, procrastination, prolégomènes...).
Plus sophistiqué, il y a la tentative de rationaliser la prononciation à partir de l'orthographe. Difficile en français (à ma modeste connaissance), elle a été réussie pour l'anglais par M. Roulier : c'est la morphonétique anglaise (avec sa fameuse exception : la règle LURU).
Et puis, il y a Bernard Pivot qui, dans "Les mots de ma vie", compile des mots d'une façon transverse : par exemple les "mots gourmands dévoyés".
Il a rassemblé tous ces mots du lexique gastronomique qui sont souvent utilisés dans un autre sens, souvent péjoratif. En voici quelques-uns :
"ça coûte bonbon ; je vais te coller une tarte ; il a de la brioche ; il a trouvé un fromage ; tomber dans les pommes ; c'est une poire ; j'ai pris un marron (ou une prune ou une châtaigne ou un pain) ; elle sucre les fraises ; glisser une peau de banane ; il a pris le melon ; c'est une andouille ; un marchand de soupe ; boire le bouillon ; une bécasse ou une bécassine ; les maquereaux et les morues ; il est muet comme une carpe ; c'est un requin ; la grenouille de bénitier ; c'est un âne ; poser un lapin ; etc., etc.".
Et il y a mieux : "navet, salade, asperge, patate, chou, fayot, carotte, courge, cornichon, poulet, poule, dindon, pigeon, lapin, oie, vache, cochon, etc.". Tous ces mots ont un double sens. France, pays de la gastronomie qui envahit la langue !
Il y en a six pages, pas mal, non ?
Comment être bilingue sans connaître au moins un nombre significatif de ces emplois pittoresques ?
09:54 Publié dans Histoire et langue française, Vocabulaire, néologismes, langues minoritaires | Lien permanent | Commentaires (0)
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