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26/09/2019

"La France périphérique" (Christophe Guilluy) : critique I

Stupéfiant !

Dans ce petit livre publié en 2014 chez Flammarion, le géographe Christophe Guilluy explique que le problème de la France actuelle, ce n’est ni les grandes métropoles (adaptées et insérées dans le monde globalisé) ni les banlieues (aidées via la politique de la ville par les plans-banlieues, et qui profitent de la proximité des centres) mais les petites villes et les zones rurales abandonnées à leur triste sort : les plans de licenciement incessants, la disparition des services publics et l’éloignement de tout. Le phénomène mis au jour – après des décennies de coups de projecteur sur les banlieues – a fait l’effet d’une bombe car il allait à rebours des idées reçues et l’expression qui donne son nom à l’ouvrage : « La France périphérique » a été immédiatement adoptée par les intellectuels et les médias, et elle est entrée quasiment dans le langage courant.

Mais il semble que l’on ait oublié le sous-titre du livre : « Comment on a sacrifié les classes populaires », même s’il est aujourd’hui admis que le libéralisme et la mondialisation ont enrichi les riches, maintenu tout juste au-dessus de l’eau les pauvres et « enfoncé » les classes moyennes (Thomas Piketty était passé par là).

Christophe Guilluy envisage les conséquences de ce bouleversement social et c’est là que son travail est stupéfiant : en 2014, il prévoyait les Gilets jaunes, qui interpellent les Pouvoirs publics et la société française depuis novembre 2018 !

Ce livre au style concis, neutre, percutant et argumenté m’a enthousiasmé. Je vais vous en proposer, amis lecteurs, les idées marquantes dans une série de billets agrémentés d’extraits que je n’aurai aucun mal à isoler car j’ai « marqué » 20 pages sur les 179 de l’ouvrage (ratio de 11,2 % !).

23/09/2019

"Le troisième homme" (Graham Greene) : critique

« Le troisième homme » est avant tout connu pour le film homonyme, Grand Prix du festival de Cannes 1949, dont le scénario avait été demandé à un écrivain britannique célèbre, Graham Greene. Ancien espion, spécialiste en particulier de roman d’espionnage, ce dernier s’était rendu à Vienne, ville partagée, à la fin de la Deuxième guerre mondiale, en quatre zones occupées par les puissances alliées victorieuses, ce qui était une exigence du réalisateur Carol Reed. Dans ce film, on voit très peu le personnage principal, Harry Lime, joué par Orson Welles.

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Le film est aussi très connu pour la musique composée et jouée par Anton Karas à la cithare, en particulier le fameux Harry Lime’s theme, que le héros sifflote.

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En 1949, l’écrivain tira un livre de son scénario (Robert Laffont, 1950), à la facture classique d’un roman d’espionnage. J’ai trouvé une vieille édition sur un appui de fenêtre… Le livre est alerte, avec de nombreuses ruptures dans le récit, en particulier des changements de narrateur (tantôt le style direct, tantôt les dialogues entre l’enquêteur anglais Calloway et l’ami de Lime, l’Américain Martins). Au total il tient en haleine, jusqu’au dénouement dans les égouts de Vienne.

Autre chose à dire ?

Non…

19/09/2019

"Des hommes qui lisent" (Édouard Philippe) : critique VII

Voici une remarque intéressante pour les négociateurs (le Brexit !), les enseignants, les amateurs de rhétorique et d’autres, dans le chapitre 12 du livre d’Édouard Philippe : « Il y a chez les Anglo-saxons un art particulier de la réflexion par le questionnement. Là où les Français assènent une thèse, construite, argumentée, charpentée, cohérente (dans le meilleur des cas), d’autres, et notamment nos voisins d’outre-Manche, exposent par petites touches, par une succession d’exemples, par des questions qui amènent, comme dans un entonnoir, à une vérité au fond aussi solide que la nôtre » (page 199).

Et, en fait d’anglo-saxon, c’est bien un terme américain à la mode que notre homme politique définit dans le chapitre suivant : « Le storytelling, c’est l’art, enfin ce qu’on désigne comme l’art, de présenter la politique, ses enjeux, ses candidats, leurs parcours, comme un récit. La communication politique actuelle, qui peine à présenter de façon architecturée des débats idéologiques depuis que les idées intéressent moins que les postures, se serait jetée sur le storytelling pour donner de la substance aux candidats, pour les inscrire dans une histoire personnelle qui révèlerait ce qu’ils sont vraiment ». Et il s’interroge : y a-t-il derrière cette tarte à la crème anglo-saxonne, quelque chose de vraiment nouveau ? Au risque de vexer le promoteur du « en même temps » qui a construit son ascension sur l’idée qu’il faisait table rase des pratiques et des remèdes du passé (et qui  lui a fait confiance…), Édouard Philippe répond non : quid de Jules César, de Napoléon, de Charles de Gaulle ? N’ont-ils pas été des maîtres dans l’art de construire, par le récit, leur propre légende ?

À l’origine de tout cela, il y a la nécessité – imposée par qui ? les chaînes d’info en continu ? les fameux réseaux sociaux ? – d’aller vite, de répondre vite, de réagir vite… Que pouvons-nous faire pour résister ? Notre auteur propose une parade : la lecture. « Car la lecture est une respiration. Elle est tout à la fois une sortie du monde, et une façon d’y entrer plus fort. Elle est à la fis un ralentissement et une accumulation » (page 211). Et de citer Balzac, Zola, Orwell, Soljenitsyne, Primo Levi, Jorge Semprun, Toni Morrison, Anne Franck, de Gaulle et Braudel…

 

Nous voici au terme de cette analyse critique du livre « Des hommes qui lisent » d’Édouard Philippe (JC Lattès, 2017).

Pas de « fautes » ni de coquille dans son récit ! Quelques virgules pour moi mal placées, c’est tout. Ah si, en haut de la page 199, une coquille : « Était-ce une inclinaisonnaturelle de son esprit… » (au lieu de « une inclination »).

J’ai été très critique dans certains billets de cette analyse, essentiellement pour le mélange entre récit personnel (s’élever une statue, corriger peut-être dans le public une image falote, indiquer à tous sa profondeur, se distinguer de la foule des politiques supposés incultes ?) – parfois gênant – et ode aux livres, à la lecture et à la littérature – toujours intéressante et souvent passionnante –. Mais reconnaissons que le livre est bien construit, bien écrit et vaut la peine d’être lu pour bon nombre de réflexions bien argumentées sur l’acte de lire et l’intérêt de la lecture.

Au total j’ai quand même distingué 11 passages sur 248 pages (ratio de 4,4 %), ce qui n’est pas si mal !

Je voudrais terminer cette série de billets critiques par la citation de la quatrième de couverture : « Lorsque je regarde ma bibliothèque, je vois ce que j’ai appris et une bonne partie de ce que j’aime. Ces livres m’ont construit. Des romans, des essais, des manuels, des bandes dessinées, le tout mélangé, mûri ou oublié, redécouvert et discuté. Une bibliothèque est comme le lieu de mémoire de notre existence. Elle nous chuchote d’anciennes joies, murmure nos lacunes et trahit des promesses de lecture ».

Fin de la série de billets