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25/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (VII)

Actuel et concret, oui quand il parle des « territoires perdus de la République » (ou pour la République ?), oui quand il parle de l’Éducation nationale, oui quand il parle de l’échec de l’assimilation. Pensant aux jeunes lecteurs justement (ou à ceux qui pourraient avec profit lire ce livre), je me dis qu’il se réfère trop à un monde que l’on peut sans doute regretter à maints égards mais qui est un monde passé. Il n’est pas possible, sauf avec les armes de la très grande littérature (Chateaubriand, Proust), de faire partager les enthousiasmes et les moments uniques de ses 20 ans à soi. Aujourd’hui, les Français de 20 ans vivent dans le monde de la pandémie et de la vie masquée, de l’affrontement Chine / États-Unis, du chômage de masse, des difficultés de logement, de la diversité, du mariage pour tous, de la PMA, de la bienpensance et du politiquement correct, de l’offensive du wokisme, de la grande délation dans Me too, des attentats islamistes, des voitures électriques, du réchauffement climatique, des deux étoiles sur le maillot de l’Équipe de France de football, etc., etc. Or Éric Zemmour ressasse sa nostalgie des années 60 et 70, « Le monde de géants de ma jeunesse est devenu un monde de nains » (page 18). Il reste attaché à des hommes, à des événements et à des œuvres qui probablement ne disent rien aux Français de moins de 50 ans : Philippe Seguin, Charles Pasqua, Georges Marchais (sic !), Louis De Funès et Gérard Oury (cinq pages sur ses films, dont « Les aventures de Rabbi Jacob »…), le Platini de Séville – jamais Champion du Monde –, « Papy fait de la résistance », « Le coup de sirocco », « La vérité si je mens », Mick Jagger, Anquetil, Michel Jazy, Christine Caron, Raymond Kopa, Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Thierry La Fraonde, "Au nom de la loi", les Verts de Saint Étienne, Sean Connery... Moi aussi, je les adorais, mais à chaque époque ses héros (et ceux qui nous parlaient de leurs idoles « d’avant » nous énervaient un peu et passaient pour de vieux radoteurs). Pas sûr que, sauf exception (le patrimoine imprescriptible), les héros d’aujourd’hui soient forcément inférieurs à ceux d’hier et à ceux d’avant-hier…

Comme cela a été dit à juste titre, son livre et sa réflexion participent d’un monde parisien, proche du pouvoir et qui se voit comme une élite… L’égrènement de tous les hauts lieux gastronomiques de la capitale où ces messieurs (effectivement il y a peu de femmes) célèbrent leurs agapes (vous connaissez les termes convenus : « Il a son rond de serviette dans ce restaurant », « la cantine de l’Assemblée », etc.) n’est pas le choix éditorial le plus malin… J’imagine le lecteur qui déjeune d’un sandwich chaque midi, et aussi le lecteur d’Auch ou de Florac-Trois rivières, passablement écœurés par cette gabegie. Mais est-ce très différent à Washington, à Londres et à Berlin ?

22/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (VI)

Moins grave et moins clair est le chapitre sur Dieudonné et Manuel Valls. À force d’aimer le paradoxe et d’en jouer, à mon avis, on brouille les pistes, puisqu’il renvoie les deux protagonistes dos en dos en prétendant qu’ils sont issus de la même « matrice idéologique ». Difficile à suivre tout de même.

Encore moins grave et pour tout dire méritant réflexion, ces analyses à rebrousse-poil, un brin provocatrices, un peu monomaniaques et paranoïaques mais argumentées, comme celle qui voit dans le film « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » autre chose que ce qu’y ont vu la plupart des gens : « (…) le génie et le rôle historique du cinéma contemporain : enterrer la civilisation française et européenne sans fleurs ni couronnes ; entériner le grand remplacement dans la joie et la bonne humeur » (page 185). Tout cela parce que, pour lui, les quatre filles du couple de grands bourgeois « sont le produit de siècles d’éducation, de raffinement (…) Elles sont des objets de désir, d’amour, des proies consentantes qui cherchent (…) le vainqueur de la sélection naturelle (…) Et les triomphateurs de cette guerre millénaire sont les représentants gouailleurs et vulgaires de ces minorités venues régénérer la vieille France décatie et décadente ».

Une fois que l’on a dit cela, quel commentaire peut-on faire sur ce récit « politique » ? Qu’il est passionnant parce qu’actuel et concret, documenté, argumenté et engagé, percutant, et autocritique à plusieurs reprises. Voyons cela de plus près…

20/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (V)

É. Zemmour donne des verges pour se faire battre en lançant et en relançant sans cesse ce débat apparemment intranchable sur le rôle de Pétain vis-à-vis des Juifs, tant étrangers que français. La polémique était facile et elle est maintenant récurrente, souvent caricaturale et parfois mensongère (accusation de vouloir réhabiliter Pétain, accusation de pétainisme). S’agit-il de dire comme l’Américain Robert Paxton que l’État français de l’époque a aggravé le sort des Juifs durant l’Occupation ? S’agit-il de dire comme Éric Zemmour qu’il a sauvé des Juifs français ? Les Français de 2021 n’en peuvent mais. La plupart (dont tous les jeunes) sont indifférents à ce point d’histoire et quasiment aucun (dont moi) n’a les connaissances historiques et historiographiques suffisantes pour se faire une opinion. Sujet vicié !

Et arrive enfin, le 13 septembre 2018, la fameuse altercation à propos des prénoms : « Et j’ai crié : Corinne ! pour qu’elle comprenne...". On connaît l’échange avec Mme Hapsatou Sy, au cours duquel Éric Zemmour a rappelé la loi du 11 germinal de l’an XI, sous Bonaparte, qui exigeait que tous les enfants de France portassent des prénoms français et qui a été abrogée en 1993. (J’ai lu quelque part que la loi de Bonaparte concernait également le patronyme. À vérifier). Ce sujet a suscité une énorme polémique qui dure encore et qui se résume la plupart du temps à : « Éric Zemmour a choqué beaucoup de Français en demandant qu’ils changent de prénom »… La question n’est pas là ; ne sont concernés que les parents au moment où ils choisissent le prénom de leur enfant ; et le choix du second prénom resterait libre, ce serait un bon compromis et un signal que l’on remet les choses à l’endroit, gentiment ; force est de constater que d’innombrables prénoms de toutes origines fleurissent en France (voir l’un de mes anciens billets à ce sujet, daté du 19 mars 2020) ; on peut y voir un manque d’empathie pour le pays et pour son histoire (c’est un euphémisme). C’est un symptôme. Éric Zemmour donne page 308 le prénom des trois enfants de Mme Sibeth N’Diaye, Ministre franco-sénégalaise de la République française : Youmali, Ingissolyn et Djimane… Il est vrai que les mondialistes s’en fichent.

Resterait à définir ce qu’est un prénom français : Kevin en est-il un ? et William ? et Jennifer ? Quant à moi, je viserais plus modestement, dans un premier temps, l’orthographe des prénoms, en interdisant les facéties et les délires de certaines graphies : pourquoi « Eymeline », alors qu’Émeline existe ? Pourquoi « Lucille » (avec deux l), alors que Lucile existe (dans les Mémoires d’Outretombe, par exemple) ? Pourquoi Tiphen, alors que Tifaine existe (et réciproquement) ? Pourquoi « Kelvyn », alors que Kevin, déjà cité, existe ? Une sorte de thésaurus dans lequel on devrait piocher me semble souhaitable ; apprendre l’orthographe française est déjà si difficile !