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18/09/2015

Irritations XX et émerveillements : vocabulaire, franglais, massacre, prononciation, quota, dictées

Comme promis, voici le "billet de rentrée".

Et ça commence par des irritations ; par exemple, à cause de l'irritant Nicolas Demorand (irritant parce que voulant manifestement répondre lui-même aux questions qu'il pose à ses invités…), qui déclarait sur France Inter cette semaine que "hotspot" était le nouveau nom pour "Centre d'accueil".

J'ai lu aussi un article sur les beaux jours des "laboratoires d'idées" et autres clubs de réflexion (Montaigne, Roosevelt, l'Horloge, Copernic, Terra Nova, etc.) que les journalistes s'obstinent à appeler think tanks.

Irritation aussi parce que, sur France Inter également (radio du service public), dans l'émission de Charline Vanhonaker, une certaine Amanda (est-ce la Lear ?) défendait l'idée maintes fois rebattue (et toujours aussi stupide) selon laquelle l'anglais serait plus adapté à la chanson que le français… Raison : il contient plus de monosyllabes. Le débat entre bobos était du niveau Café du Commerce : "les anglophones se fichent des paroles", "les paroles des chansons anglo-saxonnes ne valent pas un clou", "il faudrait les traduire en français pour s'en apercevoir" (désolé, mais c'est fait depuis longtemps : les Franglaises y excellent ; voir mon billet à ce sujet), "d'ailleurs c'est pour cela que les Français chantent en anglais" (désolé mais ces gens ne connaissent ni Souchon ni Voulzy), "la chanson en anglais, c'est mieux quand on lit car comme ce n'est pas notre langue, on ne comprend pas les paroles", etc.

 

Amanda Lear.jpg

 

Tout cela à cause d'un article d'Adrien Franque dans le Libération du 16 septembre 2015 "Chanson française : les radios filent un mauvais quota", avec, en sous-titre, "Une règle vieille de vingt ans impose 40 % de titres francophone sur les ondes. Difficile à respecter dans le contexte actuel". J'en reparlerai.

L'animatrice, prétextant de sa nationalité belge (NDLR : mais wallonne !), a conclu le débat en révélant avec désinvolture que son émission ne respectait pas la proportion légale de 40 %...

Mais ces derniers temps, il n'y avait pas que motif à irritation parce que, d'une certaine façon, le vocabulaire est à l'honneur, avec une question largement débattue : comment faut-il appeler ceci ou cela ?

Ce n'est pas si fréquent et on ne peut que s'en réjouir car Albert Camus disait que mal nommer les choses, c'était ajouter à la misère du monde.

D'abord la question "migrants ou réfugiés ?". On sent bien que hommes politiques et journalistes ne peuvent décemment pas appeler à l'indifférence ni au rejet. Au contraire, les bons sentiments pleuvent, et il faut en convaincre les populations installées ; on ne peut pas leur demander de la commisération ou de l'empathie avec des "migrants". On les rebaptise donc "réfugiés". Les mots ont un sens et résonnent dans nos cœurs et nos cerveaux. L'ennui, c'est que les mêmes parlent ensuite de "trier" les misères et de distinguer ceux qui méritent le droit d'asile et les autres, alors que, s'ils s'appellent tous "réfugiés", la cause semble entendue… Mais c'est une autre histoire.

Ensuite, la question déjà abordée (en particulier dans ce blogue) de l'appellation qui sied aux barbares qui progressent en Irak et en Syrie : "DAESH" ou "État islamique" ? On la croyait tranchée, mais non. Les arguments sont toujours les mêmes dans un sens comme dans l'autre (se reporter à mon billet). Mais j'ai appris ce matin que, dans les autres pays européens, ils sont appelés "État islamique" (est-ce parce que les musulmans y sont moins nombreux ?).

Pour en terminer avec la langue dans la Presse, je suis tombé sur une couverture de "Valeurs actuelles" qui dit halte au massacre (sic) du français. Je vais lire l'article et vous en reparler.

Notre amie Najat, qui veut sans doute se racheter de son exécrable réforme du collège (imposée par décret), sort de son chapeau (qu'elle a très mignon) une obligation de dictée quotidienne en primaire. N'en voilà une bonne nouvelle !

Dernière chose, plus gaie et plus érudite à la fois : Damien Jullemier s'est demandé comment il fallait prononcer certaines expressions. Par exemple : "Crédi agricole" ou bien "Créditagricole" ? Il s'est reporté au Traité de prononciation française de Pierre Fouché (Librairie C. Klincksieck, Paris, 1959, réimpression Éditions Klincksieck, 1988).

Comme vous le voyez, amis lecteurs, la rentrée est riche en prétextes à billets ; autrement dit, j'ai du pain sur la planche (à billets !).

(V.2 de ce billet mis en ligne intempestivement ce matin).

 

07/09/2015

Pause de septembre 2015

Amis lecteurs, je fais une pause de quelques jours.

Je vous donne rendez-vous le vendredi 18 septembre 2015.

D'ici là, lisez donc les billets que vous avez ratés et commentez-les...

La Provence.jpg

 

 

07:00 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

06/09/2015

Que valent les best-sellers de l'été ?

Ce billet est inspiré du dossier "Que valent les best-sellers de l'été ?" du journal Marianne (26 juin 2015).

Son journaliste, Alexandre Gefen, s'est attaqué à une question intéressante : les auteurs français les plus lus en France et à l'étranger sont, mis à part Jean d'Ormesson, méprisés par les critiques littéraires et les intellectuels (français). Pourquoi ?

Produisent-ils une sous-littérature ?

Leurs lecteurs sont-il des incultes qui avalent n'importe quoi ?

"Telle est la destinée paradoxale des best-sellers : cachés dans les librairies de Saint Germain des Prés mais têtes de gondole dans les rayons des hypermarchés et des bureaux de tabac ; oubliés sur les bancs publics mais objet de publicité dans les transports en commun ; vénérés par les lecteurs qui feront la queue dans les salons du livre de province pour rencontrer leurs auteurs mais rarement lus sans quelque dédain, et comme une distraction coupable".

Le phénomène a pourtant une dimension économique : "Le chiffre d'affaires global de Marc Lévy a été estimé à 80,6 millions d'euros en 2008, soit à lui seul environ deux fois le budget annuel du Centre national du livre". "... On le considère comme le romancier français le plus lu au monde, adapté par Dreamworks et traduit en 48 langues...".

 

Marc Lévy.jpg

 

"Le romancier français Guillaume Musso, qui arrive en tête de ce palmarès (NDLR : les dix auteurs les plus vendus en France) et dont les ventes totales dépassent les 18 millions d'exemplaires, n'a jamais été invité une seule fois sur France Culture et n'a jamais fait l'objet d'une seule vraie critique dans les suppléments littéraires des grands quotidiens nationaux... ni de la moindre étude académique et ne parlons même pas d'une thèse".

"... Ni Françoise Bourdin ni Katherine Pancol (NDLR : pourquoi un K en tête de son prénom ?) ni Bernard Werber ne recevront jamais la consécration d'un Goncourt ou d'un Fémina (NDLR : ça, on n'en sait rien !)".

"Muriel Barbery, Anna Gavalda ou encore Tatiana de Rosnay vendent par centaines de milliers d'exemplaires les traductions anglaises de leurs romans".

Or que font ces auteurs "populaires" dans leurs romans ?

"Loin de jeter un regard critique sur le monde, de chercher à tout prix à faire du nouveau par la forme et le style, de manifester la marginalité de l'écrivain et sa détestation du monde, de rechercher la complexité du récit et les références érudites..., ces livres se veulent lisibles, accessibles, préfèrent nous tenir en haleine...".

Marianne a donc lu "sans a priori" les futurs best-sellers de l'été (2015) et a noté "la richesse et la variété de ces livres à succès". "Ils empruntent des modèles efficaces et sexués comme ceux du roman sentimental, du policier ou de la science-fiction, pour nous aider à comprendre des situations morales ou des problèmes contemporains, et ils s'efforcent de réenchanter par l'ironie ou la tendresse la vie quotidienne".

Et de distinguer, à la suite de cette lecture exhaustive, "Jules" de Didier van Cauwelaert, "Elle et lui" de Marc Lévy, "Des vies en mieux" d'Anna Gavalda, "L'instant présent" de Guillaume Musso (la grande surprise de cette sélection").

Voilà une démarche "expérimentale" et pragmatique qui me plaît : on cherche à comprendre un phénomène et pour cela, on va y voir soi-même.

Mais au total,, si l'on exclut les cas marginaux (à savoir : le cadre surmené qui baille en lisant un peu contre son gré le dernier roman de plage et la bourgeoise de la banlieue Ouest qui s'échine à lire le dernier Comte-Sponville auquel elle ne comprend strictement rien mais qu'elle porte pourtant en étendard - bien visible - dans le RER et autour des piscines de Ramatuelle), tout n'est-il pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ?

Il est vrai que l'on a dans la tête le modèle appris de l'écrivain pauvre qui écrit dans la douleur suite à des drames personnels, et non pas l'écrivain millionnaire qui court le monde de palace en palace, de même que le vrai artiste est pour nous Charlie Parker, empêtré dans la drogue et l'alcool, et non pas David Guetta ou Jean-Michel Jarre, musiciens à succès...

Mais il vaut mieux lire n'importe quel roman de plage que ne pas lire du tout. Et toute cette littérature populaire peut être un marchepied pour accéder à plus difficile, à plus stylé, à plus dérangeant...

Après tout, avant d'attaquer John Coltrane, il vaut mieux écouter Sidney Bechet, et Bach est plus abordable que Ravel ou Debussy, sans parler de Boulez.

Il y a des livres pour se distraire tout en papotant avec sa voisine de serviette (et on n'est pas obligé de se contenter de papoter avec elle mais alors il faut poser le Musso dans le sable...) et il y a des livres qui vous changent la vie (La Recherche ou Le Quatuor d'Alexandrie).

Certains motivent des études et des thèses, et d'autres un sourire complice, et qu'il ne faut pas rendre méprisant. Chacun lit ce qui lui convient à l'instant t et ce qui l'émeut ou le distrait.

Et j'ai bien envie de lire "L'instant présent" en cette fin d'été...