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06/09/2015

Que valent les best-sellers de l'été ?

Ce billet est inspiré du dossier "Que valent les best-sellers de l'été ?" du journal Marianne (26 juin 2015).

Son journaliste, Alexandre Gefen, s'est attaqué à une question intéressante : les auteurs français les plus lus en France et à l'étranger sont, mis à part Jean d'Ormesson, méprisés par les critiques littéraires et les intellectuels (français). Pourquoi ?

Produisent-ils une sous-littérature ?

Leurs lecteurs sont-il des incultes qui avalent n'importe quoi ?

"Telle est la destinée paradoxale des best-sellers : cachés dans les librairies de Saint Germain des Prés mais têtes de gondole dans les rayons des hypermarchés et des bureaux de tabac ; oubliés sur les bancs publics mais objet de publicité dans les transports en commun ; vénérés par les lecteurs qui feront la queue dans les salons du livre de province pour rencontrer leurs auteurs mais rarement lus sans quelque dédain, et comme une distraction coupable".

Le phénomène a pourtant une dimension économique : "Le chiffre d'affaires global de Marc Lévy a été estimé à 80,6 millions d'euros en 2008, soit à lui seul environ deux fois le budget annuel du Centre national du livre". "... On le considère comme le romancier français le plus lu au monde, adapté par Dreamworks et traduit en 48 langues...".

 

Marc Lévy.jpg

 

"Le romancier français Guillaume Musso, qui arrive en tête de ce palmarès (NDLR : les dix auteurs les plus vendus en France) et dont les ventes totales dépassent les 18 millions d'exemplaires, n'a jamais été invité une seule fois sur France Culture et n'a jamais fait l'objet d'une seule vraie critique dans les suppléments littéraires des grands quotidiens nationaux... ni de la moindre étude académique et ne parlons même pas d'une thèse".

"... Ni Françoise Bourdin ni Katherine Pancol (NDLR : pourquoi un K en tête de son prénom ?) ni Bernard Werber ne recevront jamais la consécration d'un Goncourt ou d'un Fémina (NDLR : ça, on n'en sait rien !)".

"Muriel Barbery, Anna Gavalda ou encore Tatiana de Rosnay vendent par centaines de milliers d'exemplaires les traductions anglaises de leurs romans".

Or que font ces auteurs "populaires" dans leurs romans ?

"Loin de jeter un regard critique sur le monde, de chercher à tout prix à faire du nouveau par la forme et le style, de manifester la marginalité de l'écrivain et sa détestation du monde, de rechercher la complexité du récit et les références érudites..., ces livres se veulent lisibles, accessibles, préfèrent nous tenir en haleine...".

Marianne a donc lu "sans a priori" les futurs best-sellers de l'été (2015) et a noté "la richesse et la variété de ces livres à succès". "Ils empruntent des modèles efficaces et sexués comme ceux du roman sentimental, du policier ou de la science-fiction, pour nous aider à comprendre des situations morales ou des problèmes contemporains, et ils s'efforcent de réenchanter par l'ironie ou la tendresse la vie quotidienne".

Et de distinguer, à la suite de cette lecture exhaustive, "Jules" de Didier van Cauwelaert, "Elle et lui" de Marc Lévy, "Des vies en mieux" d'Anna Gavalda, "L'instant présent" de Guillaume Musso (la grande surprise de cette sélection").

Voilà une démarche "expérimentale" et pragmatique qui me plaît : on cherche à comprendre un phénomène et pour cela, on va y voir soi-même.

Mais au total,, si l'on exclut les cas marginaux (à savoir : le cadre surmené qui baille en lisant un peu contre son gré le dernier roman de plage et la bourgeoise de la banlieue Ouest qui s'échine à lire le dernier Comte-Sponville auquel elle ne comprend strictement rien mais qu'elle porte pourtant en étendard - bien visible - dans le RER et autour des piscines de Ramatuelle), tout n'est-il pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ?

Il est vrai que l'on a dans la tête le modèle appris de l'écrivain pauvre qui écrit dans la douleur suite à des drames personnels, et non pas l'écrivain millionnaire qui court le monde de palace en palace, de même que le vrai artiste est pour nous Charlie Parker, empêtré dans la drogue et l'alcool, et non pas David Guetta ou Jean-Michel Jarre, musiciens à succès...

Mais il vaut mieux lire n'importe quel roman de plage que ne pas lire du tout. Et toute cette littérature populaire peut être un marchepied pour accéder à plus difficile, à plus stylé, à plus dérangeant...

Après tout, avant d'attaquer John Coltrane, il vaut mieux écouter Sidney Bechet, et Bach est plus abordable que Ravel ou Debussy, sans parler de Boulez.

Il y a des livres pour se distraire tout en papotant avec sa voisine de serviette (et on n'est pas obligé de se contenter de papoter avec elle mais alors il faut poser le Musso dans le sable...) et il y a des livres qui vous changent la vie (La Recherche ou Le Quatuor d'Alexandrie).

Certains motivent des études et des thèses, et d'autres un sourire complice, et qu'il ne faut pas rendre méprisant. Chacun lit ce qui lui convient à l'instant t et ce qui l'émeut ou le distrait.

Et j'ai bien envie de lire "L'instant présent" en cette fin d'été...

 

 

 

 

 

 

 

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