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03/06/2015

Natacha ne lâche pas l'affaire

Dans le Marianne du 15 mai 2015, Natacha Polony écrit au Président qui renie Jules Ferry. La belle n'a pas froid aux yeux, qu'elle a sombres et perçants.

"… Ce qui est en train de se mettre en place est la phase terminale et métastasée de l'entreprise de démolition de l'école républicaine, outil d'émancipation d'un peuple de citoyens, au profit d'une fabrique de consommateurs-producteurs adaptables aux aléas du marché du travail en économie mondialisée".

Bigre. Elle passe rapidement sur la question des langues anciennes, sur les classes bilangues et sur les programmes d'histoire, pour se concentrer sur la philosophie de la réforme "prolongement de toutes celles qui ont précédé depuis trente ans" et "copié-collé de la réforme du lycée de la présidence Sarkozy". Elle en accuse, bien entendu, les "experts" de la rue de Grenelle, ceux que l'on appelle les pédagogistes, et la "vulgate imprégnée d'idéologie managériale et de culte de l'évaluation".

On apprend que les fameuses "compétences", qui sont censées remplacer les connaissances et les savoirs, ont fait leur entrée dans l'école à l'occasion de la loi Fillon de 2005. Et c'est ici qu'arrive l'argument intéressant et que, personnellement, je n'avais encore lu nulle part.

"Évaluation des compétences, valorisation des acquis, tout ce vocabulaire issu du management s'est imposé à tous les échelons du système sous la pression des instances internationales, OCDE et Union européenne, qui considèrent l'éducation comme un critère de performance dans le cadre d'une économie mondialisée. En 1995, le livre blanc de la Table ronde des entreprises européennes, un des lobbys gravitant à Bruxelles, estimait d'ailleurs que l'éducation doit être considérée comme un service rendu aux entreprises.

 

Les travailleurs sur une poutrelle dans le vide.jpg

 

Tout ce qu'il faut pour fabriquer des ignorants satisfaits, à l'aise à l'oral, mais ne maîtrisant ni la langue française ni le monde qui les entoure.

Un savoir qui vaut par lui-même et non comme un prétexte au déploiement de compétences diverses s'exprimant à travers des projets interdisciplinaires, seuls capables de faire supporter l'ennui qu'inspirent les chefs d'œuvre de la littérature ou la connaissance du règne d'Henri IV".

Dans le même dossier, Alain Bentolila, linguiste qui est déjà intervenu dans le débat et a souvent été cité, conclut son article un peu laborieux sur les dangers du numérique à l'école, nouvelle lubie du Président en quête de réforme, par ces mots : "Croyez-vous vraiment dans le pouvoir du numérique de changer le destin des élèves fragiles ? Ou bien est-ce là le dernier gadget de responsables à court d'idées qui, après la suppression du redoublement, l'abandon des notes et l'improvisation théâtrale, nous servent le numérique pour calmer les inquiétudes des enseignants et des parents ?".

 

 

02/06/2015

Bogue sur blogue

Il y a eu ce matin, 2 juin 2015, un plantage du serveur hébergeant le service de blogue.Punaise des bois.jpg

"Le bien écrire" en a été victime et le billet du jour a été publié tronqué...

J'ai gardé trace du billet complet, je vais donc le re-publier.

Je te demande donc, public, de bien vouloir te re-connecter cet après-midi pour lire la version définitive.

Merci à tous (je ne demande pas d'excuses, n'étant pas responsable du problème).

10:48 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1)

Cécile, ma sœur (X)

Revenons au livre de Cécile Ladjali "Mauvaise langue".

Après avoir constaté que ses élèves, et sans doute beaucoup de jeunes, ont des difficultés avec la langue parlée, et en particulier, se contentent de monosyllabes, elle écrit page 62 : "L'élite, quant à elle, pratique plus volontiers l'exercice inverse : elle allonge les mots. La pédanterie des médias et des politiques invente une langue à tiroirs, gonflée par l'air qu'apportent préfixes et suffixes superflus.

Aussi l'académicienne Jacqueline de Romilly fait-elle remarquer avec malice que l'on voit aujourd'hui fleurir des expressions comme "conflit intergénérationnel", au lieu de "conflit entre les générations" ou encore un verbe tel que "matignoniser" (le débat), la grammaire octroyant ainsi au Premier Ministre un pouvoir inédit qui, par nature, ne peut être que second".

Que l'élite soit pédante ou plutôt qu'elle enrobe, qu'elle tourne autour du pot, qu'elle parle pour ne pas dire grand-chose et se paye de mots, personne n'en disconviendra. Mais ici l'argumentation me semble pauvre et les exemples de Mme Romilly peu convaincants. Dire "intergénérationnel" est simplement une façon d'éviter une expression jugée trop longue ou trop lourde. Quant à "matignoniser", je ne l'ai personnellement jamais entendu.

Taxi Orly.jpgC'est vrai qu'il y a une tendance à "verbaliser" les mots ; on entend souvent, en 2015, "ubériser un domaine d'activité" (du nom de la société américaine Uber qui bouleverse le paysage bien établi des taxis). On entend aussi "shazamiser un morceau de musique" (du nom de cette application pour téléphone mobile qui donne le titre d'un morceau "en l'écoutant").

Ces deux exemples me semblent autrement préoccupants que ceux de l'académicienne ! Car ils sont construits sur des racines et des innovations anglo-américaines. Et d'ailleurs, ils ne traduisent pas un allongement des mots comme le dénonçait Cécile Ladjali mais un raccourcissement, dans le but plus ou moins conscient, et en vain, d'aller vite (ou de montrer que l'on va vite).

Au demeurant, il faut savoir ce que l'on veut :

  • permettre à la langue française de bouger sur ses racines pour s'adapter aux évolutions (des technologies, des pratiques, des mentalités) et même le favoriser ;
  • ou bien se laisser envahir par des expressions calquées de l'anglo-américain, qui elles reflèteront à n'en pas douter les modes du moment, les emballements stériles de l'époque, la pression des mercateurs, publicitaires et commerciaux de tout poil.

Faut-il montrer du doigt le moindre néologisme, plus ou moins habile, plus ou moins pertinent, tandis que des wagons entiers de franglicismes envahissent nos débats, nos journaux, notre école ?

En un mot, tant pis si « matignoniser » est peu élégant, peu explicite et peu euphonique ! Comme beaucoup d’autres expressions à la mode, il durera peu, il en aura peut-être amusé ou interpellé quelques-uns et on passera à autre chose.

Mais planning, week-end, mail, smartphone… ça disparaît quand ?

Quant à l'élite, n'en ayons pas peur… Mme Belkacem s'en occupe.