Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/02/2015

Dis pas ci, dis pas ça (XXV)

À la lettre T, l'Académie trouve de multiples prétextes à être irritée : la température ne peut pas être "chaude", tout au plus "élevée" (de même qu'une hauteur ne peut pas être "basse") et ce n'est pas un synonyme de "fièvre". Marre de "ça fait ou c'est très tendance", disons plutôt "c'est dans l'air du temps" ou "à la mode" car "tendance" est un substantif et non pas un adjectif !.

N'employons pas "territoire" à tout bout de champ (c'est le cas de le dire). C'est avant tout une étendue géographique, qui peut avoir un sens figuré ("Le territoire de l'écrivain"). Mais ne l'employons pas à la place de "canton", "département" ou "région".

"Timing" est naturellement une horreur : on a "l'horaire", "la prévision", "le bon rythme", "le bon moment"...

"Tout à coup" et "Tout d'un coup" ne sont pas des synonymes ! L'un signifie "soudainement" et l'autre "en une seule fois".

Allez, c'est lundi, on débute la semaine… arrêtons-nous là.

 

15/02/2015

Pas la politique ni l'économie ; non, la culture !

Je ne connais pas assez la géopolitique ni même l’histoire pour donner un avis valable sur le conflit en Ukraine, qui serait d’ailleurs ici hors sujet. Mais ce qui est sûr, c’est que le problème linguistique est plus que sous-jacent, originel : l’explosion en Ukraine a eu lieu lors de la publication d’un décret interdisant l’usage du russe dans une province largement russophone. Il n’y a guère que les langues des peuples minoritaires et sans défense que l’on peut faire disparaître, les autres résistent avec les armes.

Une fois n’est pas coutume, je vais m’écarter un peu des questions de langue pour faire écho à deux articles remarquables parus dans Alternatives économiques (n°343 de février 2015), sous le titre générique « Après les attentats, comment réparer la France ? ».

D’abord Joseph Stiglitz (prix de la Banque de Suède en l’honneur d’A. Nobel en 2001). Dans une conférence à l’Assemblée nationale le 13 janvier, il a flingué toutes les affirmations sans preuve des tenants de l’austérité et du néo-libéralisme sectaire. À plusieurs reprises, il dit : « C’est complètement absurde ». « La crise a causé les déficits, pas l’inverse ». « Beaucoup de ces prétendues réformes structurelles qui s’imposent ne mènent à rien, si ce n’est à des politiques qui réduisent le niveau de vie pour de grandes parties de la population, à travers des salaires plus faibles, une augmentation de la précarité de l’emploi et une réduction des prestations sociales ». « … l’État-providence n’est pas à l’origine des échecs de l’Europe ». « … le problème… est un manque de demande globale et non des contraintes du côté de l’offre ». « L’Europe a suscité des crises de dette souveraine là où auparavant elles n’existaient pas ». Tout est à l’avenant, le verdict est implacable.

La seule chose qui manque, mais on peut comprendre que Stiglitz, Américain, ne veuille pas accabler son compatriote Friedmann ni jeter l’opprobre sur son pays, c’est une référence au livre qui dénonce la guerre larvée contre les États-providence partout dans le monde, sous l’autorité « scientifique » de l’École de Chicago (lire de toute urgence « La stratégie du choc » de Naomi Klein, 2007).

 

Autre point de vue, plus sociologique et philosophique, celui de Benjamin Stora sur le prétendu « choc de civilisation » qui secoue la France et l’Occident. « … Nous vivons une crise culturelle considérable… La bataille principale est culturelle : il faut connaître l’histoire. L’histoire de France et de l’Europe, bien sûr… Mais il faut aussi que tous les Français connaissent l’histoire de leurs familles, de leurs pays. Il faut faire l’effort, principalement à travers l’éducation et les médias, de connaître l’histoire des autres et en particulier celle des pays environnants. Il y a notamment trop peu de spécialistes en France, du monde arabe et de la Méditerranée… ».

 

En filigrane, il y a l’idée que connaître, c’est comprendre…

14/02/2015

La Méditerranée dans notre littérature

La France, carrefour entre le Nord et le Sud de l’Europe, est tournée vers la Méditerranée, entre autres parce que Grèce et Italie, grec et latin, sont deux piliers de notre civilisation, de notre culture et de notre langue (voir à ce sujet l’article de Chantal Delsol et Martine Méheut, Marianne, 9 janvier 2015). Jacqueline de Romilly, décédée récemment, s’est illustrée dans la défense de ces prestigieuses « langues mortes » et, dans un livre récent, dont j’aurai l’occasion de parler (quand je l’aurai lu), la linguiste Henriette Walter revient sur tout ce que notre vocabulaire doit au latin. Par ailleurs il est connu que les Français sont passionnés d’égyptologie et constituent la deuxième cohorte, après les Américains, dans les ruines de Louqsor et d’Abou Simbel. Et ne parlons pas ici du bout de chemin que nous avons parcouru avec les peuples du Maghreb et de la friction (dans tous les sens positifs et négatifs du terme) entre notre langue et l’arabe.

 

La littérature illustre ce tropisme vers la Méditerranée.

Sans remonter à l’Itinéraire de Paris à Jérusalem (Chateaubriand) ni à Salambô (Gautier ou Mérimée ?), je peux citer nombre de chefs d’œuvre francophones qui doivent tout à la culture du pourtour méditerranéen.

J’ai déjà parlé des deux livres de Michel Déon sur la Grèce.

Jacques Lacarrière, helléniste réputé, a publié au milieu des années 70, son Été grec qui a eu un immense succès.

Dans un style très « régionaliste », pittoresque et presque « documentaire », Marcel Scipion a écrit deux ou trois livres très attachants qui restitue la Provence et ses odeurs.

Et, dans mon Panthéon littéraire, j’hésite à choisir entre Giono et Durrell…

La Méditerranée a été le cadre de vie et l’inspiratrice de Laurence Durrell, né en Inde mais mort à Sommières dans le Gard, et en premier lieu de son chef d’œuvre Le Quatuor d’Alexandrie. Ce roman-fleuve ou plutôt cathédrale, raconte la même histoire de quatre façons différentes, en transcrivant à merveille les senteurs et les façons de vivre de l’Égypte des années 50. Mais ses autres livres, plus ramassés et moins romanesques, sont également envoûtants : Vénus et la mer, Cefalu, Citrons acides, couronnés par l’Esprit des lieux qui théorise et illustre le concept d’îlomane… quelles merveilles !

Ouvrage de commande, le Carrousel sicilien n’est guère qu’un guide de voyage, comme d’ailleurs le Voyage en Italie de Giono. Pour d’autres raisons (il est Américain…), Arthur Miller et son Colosse de Maroussi ont fait mille fois moins bien que Durrell et ses îles de rêve (à éviter).

Mais que dire de Giono et de son œuvre foisonnante, lyrique, magique, à la langue sobre et inventive ? Il faudrait tout citer, chaque livre baignant dans la lumière, les traditions et les passions méditerranéennes : Le Moulin de Pologne, le Hussard sur le toit, Angelo, le Bonheur fou

Et bien sûr, prolongeant Giono, c’est Pierre Magnan qu’il faudrait citer ! Le disciple qui arrive au moins à la ceinture ou à la poitrine du Maître…

Mais je m’arrête là car ce serait déflorer tous les billets qu’il me reste à écrire sur ces écrivains et leur monde enchanteur.

Georges Moustaki.jpgTiens à propos de chanteur, terminons donc aujourd’hui par Georges Moustaki, italo-grec né en Égypte, et sa Méditerranée :

 

 

 

Dans ce bassin où jouent

Des enfants aux yeux noirs,

Il y a trois continents

Et des siècles d'histoire,

Des prophètes des dieux,

Le Messie en personne.

Il y a un bel été

Qui ne craint pas l'automne,

En Méditerranée.

 

Il y a l'odeur du sang

Qui flotte sur ses rives

Et des pays meurtris

Comme autant de plaies vives,

Des îles barbelées,

Des murs qui emprisonnent.

Il y a un bel été

Qui ne craint pas l'automne,

En Méditerranée.

 

Il y a des oliviers

Qui meurent sous les bombes

Là où est apparue

La première colombe,

Des peuples oubliés

Que la guerre moissonne.

Il y a un bel été

Qui ne craint pas l'automne,

En Méditerranée.

 

Dans ce bassin, je jouais

Lorsque j'étais enfant.

J'avais les pieds dans l'eau.

Je respirais le vent.

Mes compagnons de jeux

Sont devenus des hommes,

Les frères de ceux-là

Que le monde abandonne,

En Méditerranée.

 

Le ciel est endeuillé,

Par-dessus l'Acropole

Et liberté ne se dit plus

En espagnol.

On peut toujours rêver,

D'Athènes et Barcelone.

Il reste un bel été

Qui ne craint pas l'automne,

En Méditerranée.