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15/10/2018

"Les cendres brûlantes" (Michelle Maurois) : critique I

Je croyais en avoir fini avec l’histoire de la famille Arman de Caillavet mais pas du tout. Surpris que Michelle Maurois se soit arrêtée en 1894, j’ai mené une enquête rapide et découvert que, dans sa bibliographie, il y avait « Les cendres brûlantes », publié en 1986, qui était la suite de « L’encre dans le sang ». À la bonne heure ! On allait pouvoir continuer à se régaler (c’est la même envie qui tenait en haleine les passionnés d’un feuilleton au XIXème siècle et sur laquelle jouent aujourd’hui les producteurs des « séries » anglo-saxonnes : retrouver les personnages auxquels on s’est attaché).

« Les cendres brûlantes » commencent donc là où s’achevait « L’encre dans le sang », après un résumé d’une demi-page qui met Gaston et Marcel Proust beaucoup plus en concurrent pour conquérir le cœur de Jeanne que cela n’apparaissait dans le premier tome.

Plus précisément, le deuxième tome commence par l’accouchement long et pénible de Jeanne, qui donne naissance à Simone, petite fille qui prendra de plus en plus d’importance au fil du récit. Un an plus tard naîtra mon grand-père paternel…

Le chapitre « Le lys rouge » parle du livre éponyme d’Anatole France, qui romance la passion destructrice – parce qu’empoisonnée par la jalousie – qu’il a partagée avec Léontine Arman. Ce n’est pas une analyse du roman mais un résumé des réactions littéraires qu’il occasionna (page 23). Le 24 décembre 1896, France est reçu à l’Académie française, au fauteuil de Ferdinand de Lesseps, l’homme du canal (page 56).

Plusieurs chapitres sont consacrés à des portraits de certains protagonistes de l’histoire, portraits plus fouillés que ceux déjà lus dans le premier tome : Simone, Anatole, Charles Maurras, Albert Arman avec son rase-pet, etc. On voit passer les Menier (le chocolat de notre enfance), les Willy, à savoir Henry Gauthier-Villars et Sidonie Colette, Anna de Noailles, Marcel Proust (page 106). Tous ces jeunes, en couple ou non, mènent la belle vie : sorties, restaurants, flirts…

L’amitié avec les Willy ne dure pas, pour des raisons obscures (Henri était-il amoureux de Jeanne ? n’était-il qu’un horrible hypocrite qui a tenté de les brouiller avec Mme Arman ?)… Toujours est-il que les Caillavet changent de fréquentations, Gaston avec les gens de théâtre et Jeanne avec les snobs : « À fréquenter des gens qui lui semblent plus urfs que son entourage de jadis, elle s’imagine qu’elle est des leurs » (page 112). Pour « urf », le TILF indique : « Aphérèse de turf  (terrain de courses), 1865 [Cette robe] manquait de turf, ce n'est pas celle que j'ai vue à Chantilly (V. Sardou, La Famille Benoîton), d'où certainement l'expression : c'est turf(c'est chic), puis par fausse coupe : c'est urf ». On en apprend des choses avec Jeanne !

« Grâce à Mme Arman, les Gaston de Caillavet font partie de ce qu’on appellera plus tard le Tout-Paris, ces élus qui croient faire la mode parce qu’ils se couchent et se lèvent plus tard que les autres » (page 112).

Jeanne enchaîne les réceptions et en fait un compte rendu souvent féroce dans son journal : « Mme G. en velours cramoisi est de la couleur de sa robe. Elle défonce de joie et d’orgueil » (quel curieux emploi du verbe défoncer…) et, plus loin « Les petites de Hérédia poussent des cris d’animaux dans la pièce d’à côté. Ces jeunes personnes ont très mauvais ton : la dernière est jolie et s’entend à exciter les hommes » (page 113). (Le mot ton à la place du mot genre ? Il est vrai qu’à l’époque on ne s’imaginait pas s’intéresser au genre… !).

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